edpnet: ‘Les fournisseurs belges enfreignent aujourd’hui déjà la neutralité du net’
Le seul opérateur télécom en Belgique à se présenter comme ‘un défenseur de la neutralité du net’ s’appelle edpnet. Le COO de cette entreprise estime que les autres opérateurs enfreignent d’ores et déjà la neutralité du net.
Alors que la tension politique à propos de la neutralité du net est à son comble aux Etats-Unis, les fournisseurs télécoms belges adoptent une attitude nettement moins claire sur le sujet. Dominique Leroy, directrice de Proximus, a déjà avancé quelques-uns de ses arguments pour et contre la suppression de cette neutralité.
En décembre, elle affirmait en effet que c’en était assez avec des acteurs tels Google et Netflix qui ont besoin de toujours plus de capacité pour proposer la HD et la TV 4K. “C’est grâce à la distribution gratuite qu’ils sont ce qu’ils sont aujourd’hui”, a déclaré Leroy. Et d’ajouter que la neutralité du net garantit aussi un libre accès aux acteurs plus modestes sur internet.
Entretenir l’autoroute
Il y a cependant chez nous une entreprise qui entend se profiler clairement comme une défenseuse d’un web libre et neutre. Elle s’appelle edpnet, un petit fournisseur actif entre autres en Belgique et aux Pays-Bas. Nous avons rencontré Joachim Slabbaert, Chief Operating Officer d’edpnet.
“edpnet est un opérateur qui est sans aucun doute moins connu du grand public. Notre appellation n’est pas non plus très parlante, comme vous le remarquez. Mais nous sommes par contre une entreprise caractérisée par une philosophie et une éthique claires. Un acteur modeste parmi les géants télécoms. edpnet considère internet comme une autoroute où tout le monde dispose des mêmes droits, et en tant que fournisseur, nous nous devons d’entretenir cette autoroute. En vertu de nos principes, cela ne doit pas aller au-délà.”
‘Bande passante jamais encore aussi avantageuse’
“Si nous pouvons gagner notre vie malgré le trafic internet en croissance, tel doit être forcément le cas des acteurs en vue.
Le fournisseur de Sint-Niklaas désapprouve l’argument selon lequel la popularité de la diffusion (streaming) consomme aujourd’hui trop de bande passante chez les fournisseurs. “Au contraire, la bande passante n’a encore jamais été aussi avantageuse pour les fournisseurs internet et ce, en comparaison avec les années précédentes. Si nous pouvons gagner notre vie malgré le trafic internet en croissance, tel doit être forcément le cas des acteurs en vue.”
La consommation internet augmente, mais Slabbaert signale que les prix inférieurs de la bande passante compensent cette hausse. “Je pense qu’un accroissement du trafic internet est logique, mais je ne considère pas cela comme un argument valable pour supprimer la neutralité du net”, explique-t-il.
Silence radio
Les fournisseurs en vue se taisent, parce que la suppression de la neutralité du net sera peut-être abordée ultérieurement de manière sérieuse chez nous.
Tandis qu’edpnet se présente lui-même comme un ardent défenseur de la neutralité du net, Joachim Slabbaert prétend qu’étonnamment en Belgique, c’est le silence radio qui prévaut sur ce sujet: “Dans notre pays, on ne se soucie encore guère de la neutralité du net. Cela est dû au fait que ce thème n’a en Europe encore jamais été mis sur la table d’une manière aussi sérieuse qu’il l’est depuis des années déjà aux Etats-Unis.”
“Il l’empêche que le silence des grands fournisseurs est singulier. Ils attendent évidemment de voir comment la situation va évoluer aux Etats-Unis et en Europe, avant de se permettre de rendre public un avis officiel. Ils ne vont pas se réjouir aujourd’hui de la neutralité du net, parce qu’une suppression de la neutralité du net sera peut-être abordée ultérieurement de manière sérieuse chez nous.”
Applis sponsorisées
Si on ralentit un certain type de trafic, on est en fait déjà hors de la zone grise et on brave la neutralité du net.
Les fournisseurs belges ont dans le passé déjà entrepris des tests quelque peu controversés. Proximus par exemple a récemment interrompu ‘My Apps Space’, une plate-forme qui permettait aux utilisateurs de télécharger des applications ne consommant aucune donnée mobile. Des entreprises telles BNP Paribas Fortis et Delhaize prenaient elles-mêmes à leur charge les frais de consommation des données mobiles.
Slabbaert juge exagérées les applis sponsorisées: “Ce n’est pas honnête vis-à-vis des développeurs d’applis plus modestes. Si demain vous ne devez par exemple pas payer les données mobiles pour utiliser une appli de navigation connue telle Waze, pourquoi l’utilisateur que vous êtes, devrait encore vouloir tester une application moins connue?”
Retard du trafic poste à poste
Le COO d’edpnet s’est exprimé également sur le retard du trafic internet pour des applications spécifiques telles les torrents. En 2011, on apprenait que Telenet et Proximus (à l’époque encore Belgacom) ralentissaient le trafic poste à poste (p2p) des internautes à des moments, où il y avait beaucoup de trafic. Selon les opérateurs, c’était pour conserver la qualité du réseau.
Slabbaert a un autre avis sur le sujet: “Je pense que les fournisseurs ne communiquent pas d’une manière suffisamment claire sur le retard ou non de certaines formes de trafic internet. Je ne vois aucune raison de viser spécifiquement les torrents car le trafic p2p y est équivalent à celui d’autres applications. Si on ralentit un certain type de trafic, on est en fait déjà hors de la zone grise et on brave la neutralité du net, selon moi. Il y a des années, un fabricant nous a présenté des appareils nous permettant de ralentir ou d’accélérer certaines formes de trafic internet, mais nous n’avons pas accepté.”
‘Selon les règles’
Data News a en fin de compte demandé l’avis de l’Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications (IBPT). Nous avons posé la question de savoir si l’IBPT estimait que les fournisseurs devaient communiquer de manière plus claire et plus transparente à propos du retard de types de trafic internet spécifiques.
Un porte-parole de l’Institut a réagi comme suit: “Les opérateurs télécoms belges sont tenus de respecter la réglementation européenne en la matière. Il ne nous appartient donc pas de nous prononcer sur le sujet et ce, aussi longtemps que les normes en vigueur sont respectées.”
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