Karel Dekyvere
Comment la chaîne de blocs va modifier fondamentalement internet
Notre comportement d’achat a de plus en plus pour cadre internet. Nous ne prêtons cependant guère attention au fait que les transactions qui y sont associées, sont moins anonymes qu’il n’y paraît. Les flux d’argent sont gérés et contrôlés de manière centralisée. Supposons un instant que tel ne soit plus le cas à l’avenir!
Comment la chaîne de blocs va modifier fondamentalement internet
Que se passerait-il si l’on pouvait réaliser ces transactions de manière sécurisée, sans l’intervention d’un intermédiaire central? La chaîne de blocs (‘blockchain’) le permet en tout cas et s’apprête à changer le monde de manière encore plus radicale que ce qu’avait fait internet en son temps.
Le protocole blockchain est né dans les coins les plus sombres d’internet, ce qui fait qu’il doit se débarrasser d’une réputation négative. A l’époque, il était utilisé pour pouvoir garantir la sécurité des transactions (financières) entre des acteurs qui ne se rencontrent jamais dans la vraie vie. La transaction constitue en fait leur seul lien social, ce qui fait que la confiance réciproque est plutôt limitée. Le protocole veille à ce que l’échange se déroule correctement au moment convenu. Un aspect important ici, c’est qu’aucune des deux parties ne prend le dessus sur l’autre.
Le système est extrêmement difficile à pirater car dès que l’on touche à un seul bit dans la chaîne, c’est toute la chaîne qui change.
Pourtant, la chaîne de blocs n’est rien de plus qu’une façon d’associer des fragments d’information de valeur (comme les Bitcoins, une forme d’argent électronique) de manière unique. Ces blocs sont cryptés, signés numériquement et regroupés. En signant et en cryptant de nouveau les blocs, le protocole forme une chaîne. Le système est extrêmement difficile à pirater car dès que l’on touche à un seul bit, c’est toute la chaîne qui change.
Frauder est quasiment peine perdue. L’on estime ainsi qu’il faut des dizaines de superordinateurs pour calculer ce qui se trouve sur un seul bloc de la chaîne. En outre, aucune station intermédiaire centrale n’est plus utilisée là où les transactions sont stockées, mais les données sont réparties sur tous les acteurs qui les utilisent. Il n’y a donc personne qui tient à jour toute la chaîne de blocs de manière centralisée.
Ce dernier point représente l’essence même de ce pourquoi ce système va modifier fondamentalement le monde. Il est possible que les micro-paiements deviennent gratuits. Au lieu que quelqu’un envoie simplement un ‘j’aime’ sur Facebook ou YouTube, vous pourrez par exemple aussi y prévoir 5 cents d’euro. Laissez libre cours à votre imagination pour inventer des dizaines d’applications axées sur cette simple donnée.
Il y a de fortes chances pour que l’avenir appartienne à des notaires, des médiateurs, des banques et des services publics complètement différents. Du moins, s’ils existent encore…
Laissez-moi ici titiller votre esprit: remplacez le contenu des blocs par une monnaie établie telle le dollar ou l’euro, et vous pourrez créer une économie caractérisée par un commerce au détail pratiquement sans aucun frais.
Allons même un pas plus loin et sortons complètement des sentiers battus: remplacez le contenu d’un bloc par un vote unique en faveur de votre parti politique, et vous excluez totalement la corruption lors des élections. Le système peut aussi résoudre l’une des questions liées à l’internet des choses: comment m’assurer que mes données très personnelles sont en sécurité? Avec la chaîne de blocs, vous pouvez veiller à ce que vos appareils domestiques ne soient reliés qu’à vous et à vous seul.
Offrir la chaîne de blocs au grand public, c’est le défi qui monopolise énormément d’efforts pour l’instant. L’on voit déjà se manifester les premières start-ups qui tentent de créer un modèle commercial avec le protocole.
Il y a de fortes chances pour que l’avenir appartienne à des notaires, des médiateurs, des banques et des services publics complètement différents. Du moins, s’ils existent encore…
Cela ne vous étonnera dès lors guère que nombre de banques disposent aujourd’hui déjà, au fond de leurs caves, de personnes qui examinent avec la plus grande attention comment elles pourraient enchaîner ces blocs dans un nouveau modèle commercial. Ou dans le pire des cas: comment elles pourraient protéger leur monde et bloquer la chaîne. Quoi qu’il en soit, on n’a pas fini d’en parler.
Karel Dekyvere est privacy & security expert depuis plus de 20 ans déjà, dont 15 chez Microsoft. Il fut pendant 2 ans security manager chez INS, qui fait à présent partie de BT Group, et il a été aussi actif 7 années durant à l’OTAN. Il fut aussi pendant un certain temps pirate éthique. Il est passionné par le respect de la vie privée et par la sécurité. Il n’a pas non plus l’habitude de manier la langue de bois, indépendamment de Microsoft. Karel est aussi le co-auteur du guide The Belgian Cybersecurity et du Security cookbook for small medium businesses.
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