Steven De Blieck
Chères personnes autistes, merci pour la technologie
Samedi 2 avril dernier, c’était la Journée Mondiale de l’Autisme. Bravo! Est-ce une bonne raison pour faire la fête? Ou préférons-nous voir l’autisme ‘guéri’? S’il n’en tient qu’à moi, qui suis autiste, je ne le souhaite même pas. Je suis en effet content de mon iPhone. Vous ne pensiez quand même pas que sans le fonctionnement cérébral autiste, on aurait obtenu autant de progrès technologiques?
Avant tout, sachez que mon autisme peut parfois se révéler très gênant. Il peut m’arriver de de me perdre des heures dans un détail qui ne se trouve en fait que dans ma tête. Je peux aussi parfois me sentir socialement si vidé que je pourrais très bien passer un casting pour un film de zombies. Il arrive même que je provoque l’apparition d’une névrose chez mes semblables. Si on me demande par exemple de présenter mes salutations, je dis parfois qu’il suffit d’envoyer un courriel avec le mot ‘salut’. Plus irritant encore et à la grande joie de ma copine, j’ai parfois ce qu’on appelle le ‘mot de la semaine’, pour lequel j’éprouve un amour passionnel sept jours durant et que je veux continuellement imposer dans chaque conversation (à vous d’ailleurs de deviner mon mot de la semaine sur base de ce texte!).
Chères personnes autistes, merci pour la technologie
Or, et c’est là où je veux en venir, tout n’est pas une suite de malheurs en matière d’autisme. Peut-être l’autisme n’est-il finalement pas considéré comme si négatif au niveau de son évolution?
Mais commençons donc par le commencement – le véritable début -, à l’époque où nous étions encore tous des ‘chasseurs-cueilleurs’. Il est probable que ce furent des personnes autistes qui, par leur perception supérieure des différences furent les maîtres du traçage des pistes et arrivèrent à distinguer les animaux entre eux. Ou fussent-ce eux qui, par leur focus ultra-poussé, purent continuer de tester quelle pierre était capable de faire la lance la plus puissante?
En tout cas, l’autisme n’a pas cédé à la pression sélective et ne s’est donc pas révélé si dommageable. On observe même plutôt le contraire à présent. Dans certaines parties du monde, comme à San Franscisco Bay Area par exemple, les autistes semblent se propager massivement. A tel point qu’on pourrait même affirmer que l’autisme serait un avantage pour y trouver un partenaire, qui l’aurait cru? Une explication possible est qu’ils occupent souvent des fonctions élevées dans d’importantes entreprises, ce qui leur confère un côté attrayant, ou simplement parce que la stratégie ‘qui se ressemble, s’assemble’ rend les choses quelque peu plus faciles.
Le fait que les autistes se distinguent dans les firmes technologiques, n’a rien d’exceptionnel. Ils possèdent souvent une puissante capacité logique, ce qui est la seule véritable exigence nécessaire pour pouvoir rédiger du code informatique. Ils peuvent se concentrer des heures durant sur un problème technique pour lequel une personne neurotypique aurait depuis longtemps déjà jeté son dévolu sur un défilement Facebook sans fin. Un ordinateur fait quand même ce qu’on lui demande, même si on ne prend pas le temps de lui expliquer que la météo n’est finalement pas si mauvaise à l’extérieur. Mais même si le cerveau autiste se prête excellemment bien aux jobs techniques, il est important de préciser que les personnes autistes se distinguent souvent tout particulièrement dans des emplois créatifs, en partie parce que leur cerveau est souvent un ‘aspirateu’r très rapide de la connaissance.
Ne pensons pas automatiquement que l’autisme implique un trouble, mais renseignons-nous aussi sur la structure sociale dans laquelle nous orientons parfois des gens de manière forcée.
Si on fait le bilan, on pourrait prétendre qu’être autiste à San Francisco ne constitue pas nécessairement un problème pour tout le monde. C’est un endroit où les facteurs environnementaux ne sont pas un obstacle pour les facteurs génétiques et peuvent même parfois les convertir en une force. C’est ainsi que la structure d’entreprise y est souvent plane, car les personnes autistes n’y considèrent pas logique l’asservissement aveugle. Il y a là aussi une culture de la communication directe, ce qui est utile si vous avez un collègue qui ne peut s’empêcher de dire que vous puez vraiment du bec ce jour-là. Il est là tout-à-fait possible de passer 4 jours durant à programmer dans sa cave en sous-vêtements, s’il n’y a pas de réunions incontournables prévues. Peut-être pourrait-on en tirer des leçons en Belgique?
Et si on y réfléchit un peu plus en profondeur, les personnes autistes peuvent en réalité s’y sentir simplement elles-mêmes, car elles n’en demandent pas plus. Elles ne doivent pas se désavouer pour s’inscrire dans une structure abstraite inventée à l’ère industrielle. Pour moi personnellement, c’est précisément cette déconnexion d’avec moi-même, cette quête héroïque à trouver continuellement la pièce qu’il me faut pour mener à bien mon puzzle, que ce soit en classe, au travail, etc., qui a fait de mon autisme véritablement un trouble. Or – et c’est aussi important -, toute personne autiste réagit différemment
Fêtons donc lors de la Journée Mondiale de l’Autisme tout le progrès technologique qu’a engendré le fonctionnement cérébral autiste. Qui sait dans quels scénarios futuristes cela va-t-il finir? Ne pensons pas automatiquement que l’autisme implique un trouble, mais renseignons-nous aussi sur la structure sociale dans laquelle nous orientons parfois des gens de manière forcée. Levons surtout notre verre à toutes ces belles personnes autistes et remercions-les pour leur authenticité et leur droiture. Qu’elles ne doivent jamais se désavouer!
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