Le fournisseur américain de logiciels Workday rachète Pipedream, une plateforme spécialisée dans les intégrations d’API. Cette plateforme devrait devenir l’épine dorsale de sa stratégie en matière d’IA agentique’.
Lors de la conférence Workday Rising à Barcelone, l’entreprise a affirmé ce matin clairement qu’elle ne servirait plus uniquement de système d’enregistrement statique, mais qu’elle voulait évoluer davantage vers un ‘system of action’, où l’intelligence artificielle n’analysera pas uniquement les données, mais effectuera aussi de manière autonome des processus d’entreprise concrets. Toutes sortes d’agents d’IA qui exécuteront par eux-mêmes des actions dans diverses applications. Tel est donc pour Workday l’avenir des logiciels d’entreprise. Parallèlement, l’outil Sana récemment racheté est mis en avant e tant que nouvelle interface utilisateur tout en une pour les employés.
Pipedream: le pont menant à 3.000 applications
Pour pouvoir matérialiser cette vision, il manquait encore au fournisseur un élément crucial: la connectivité avec le monde extérieur, comme d’autres applications. Telle est la raison principale pour laquelle Workday vient d’annoncer avoir conclu un accord définitif en vue de racheter Pipedream. Pipedream est une plateforme d’intégration qui permet aux développeurs de générer des flux de travail entre différents services cloud et des applications. ‘Pipedream deviendra le pont qui reliera Workday au reste de l’organisation chez nos clients’, explique Gerrit Kazmaier, President of Product & Technology chez Workday. Lors de sa présentation, Gerrit Kazmaier a insisté sur le fait que les agents d’IA n’apportent réellement de la valeur que s’ils ont accès au paysage complet des applications d’une entreprise, et pas seulement aux données RH ou financières.
La technologie de Pipedream amènera directement plus de 3.000 connecteurs préélaborés à la plateforme Workday. Voilà qui devrait permettre eux entreprises de créer plus facilement des agents – sans même qu’il faille recourir à des développeurs – qui lanceront par exemple des actions dans Workday, mais les géreront ensuite dans Microsoft Teams, Salesforce ou dans un autre système externe. ‘Imaginez que le mal de l’intégration disparaisse’, déclare Kazmaier, en faisant référence aux processus d’intégration souvent complexes et coûteux auxquels de nombreux départements informatiques font face. Jerry Casey, Vice President of Agentic AI, a ensuite démontré comment cette intégration fonctionne en pratique dans ‘Agent Builder’ de Workday, où des connecteurs peuvent être ajoutés aux flux de travail via une interface glisser-déposer.
Sana en tant que nouvelle porte d’entrée
Si Pipedream renforcera l’aspect technique de la stratégie d’IA, le rachat antérieur de la firme suédoise d’IA Sana devrait radicalement changer le front end – l’expérience utilisateur. Les interfaces actuelles des logiciels d’entreprise sont souvent dépassées et complexes. La commande a souvent à peine changé depuis plus de 20 ou même 30 ans. Workday considère la popularité de la célèbre interface de chat des bots d’IA comme une opportunité de transformer radicalement la commande des logiciels d’entreprise. L’intégration de Sana devrait offrir à Workday une ‘nouvelle porte d’entrée vers les applications de travail’, permettant ainsi une interface conversationnelle de remplacer la traditionnelle navigation pilotée par menu.

Joel Hellermark, cofondateur et CEO de Sana, considère ce glissement comme un changement fondamental dans la manière dont les employés interagiront avec les logiciels. ‘L’IA sera la nouvelle interface utilisateur’, a répété Hellermark à plusieurs reprises. La technologie de Sana permettra aux utilisateurs de poser des questions en langage naturel, après quoi le système effectuera des recherches non seulement dans les données de Workday, mais aussi dans des données non structurées provenant de sources telles que SharePoint, Slack et Google Drive.
L’objectif est de combiner gestion des connaissances et action. Une démonstration a montré comment un employé peut visionner les tâches ouvertes provenant de différents systèmes, tels que Jira et Workday, et les approuver instantanément sans quitter l’interface, grâce à une seule recherche. ‘Nous pouvons mettre un Léonard de Vinci dans la poche de chaque employé, les aidant à apprendre de nouvelles choses et à résoudre des tâches’, a déclaré Hellermark d’un ton un peu métaphorique.
Cette focalisation sur des intégrations opérationnelles et une interface utilisateur simplifiée ne tombe pas du ciel. La semaine dernière, lors du Gartner IT Symposium/conférence Xpo, on a appris que les anciennes interfaces des logiciels de bureau avaient un besoin urgeant d’être remplacées et que cela pourrait entraîner une nouvelle bataille entre les grands fournisseurs de logiciels.
De l’expérience à la mise en œuvre
Workday tente également et surtout de réagir à la frustration de nombreux CIO face à la lenteur du retour sur investissement des projets d’IA. Ces dernières semaines et mois, on a été bombardé par toutes sortes de statistiques et de résultats de recherche montrant que de nombreux projets d’IA (agentique) ne dépassaient pas la phase de test, étaient arrêtés prématurément et/ou n’offraient pas de valeur ajoutée démontrable. Dans sa présentation, Kazmaier a lui-même repris des chiffres récents de McKinsey, qui montrent que 80 pour cent des organisations expérimentant des modèles d’IA n’enregistrent pas encore de retours significatifs.
En intégrant en profondeur des agents d’IA dans la plateforme et en abaissant les barrières à la connectivité et à la facilité d’utilisation grâce à Pipedream et Sana, Workday espère sortir les entreprises de la phase pilote récurrente. Il faudra cependant voir si la promesse d’une intégration fluide entre des milliers d’applications externes et une interface ‘agentique’ centrale fonctionnera aussi bien dans la pratique que lors des démonstrations. Ce ne sera en tout cas pas pour tout de suite, mais ‘quelque part’ l’année prochaine.