L’Industrial Internet of Things: de couple non-cohabitant à mariage réussi

© Getty Images/iStockphoto

L’Industrial Internet of Things (IIoT) se situe au croisement entre l’IT et l’OT, ce qui induit de très nombreux défis nouveaux.

L’IIoT fait référence au recours à l’Internet des objets dans des applications industrielles. Même si le contexte est particulièrement large, l’accent est mis sur l’automatisation et l’efficience dans un environnement industriel. En l’occurrence, les machines, capteurs et logiciels sont nettement plus interconnectés au sein d’un système central.

La première question qui se pose alors est de savoir où réside la puissance de calcul pour la collecte, l’envoi et l’analyse de toutes ces données. Et plus spécifiquement lorsque l’intelligence artificielle (IA) est déployée dans des applications d’IIoT, la demande en capacité de calcul est particulièrement élevée. Tel était notamment le cas pour le fabricant de cigares Scandinavian Tobacco Group qui a remplacé son système traditionnel de vision machine d’inspection automatisée de la qualité par un contrôle plus sophistiqué à l’aide de l’IA.

Cloud AI contre edge AI

Tant l’informatique cloud que l’informatique périphérique (edge) doivent être prises en compte dans les applications d’IA dans un environnement IIoT. Bram Verhoef, cofondateur du fondeur de puces Axelera AI – un spécialiste de l’IA incubé par la licorne de la chaîne de blocs Bitfury et le centre de recherches imec – met en lumière tant les avantages que les inconvénients des deux options. « Dans le contexte du cloud AI, des aspects comme la flexibilité, l’évolutivité et les performances représentent un avantage. Dans le même temps, il faut prendre en compte l’efficacité énergétique, les contraintes en matière de connectivité et de bande passante, les problèmes de protection des données et les coûts élevés. Pour sa part, l’edge AI permet de réduire la latence et offre des perspectives d’analyse de données en temps réel, le tout combiné à une fiabilité plus élevée et à une meilleure protection des données. Les coûts et la consommation énergétique sont inférieurs, de même que les exigences en termes de bande passante. En revanche, la puissance de calcul est moindre, de même que la disponibilité de l’énergie. Par ailleurs, l’edge AI est davantage associée à des budgets réduits. »

De plus petits Large Language Models (LLM) réussissent à traiter des données plus qualitatives.

Bram Verhoef, Axelera AI

La croissance exponentielle des modèles IA met sous pression tant le matériel que le logiciel périphérique. « Le besoin de performance et d’efficacité énergétique continue à augmenter. Cela se traduit par une demande plus grande de modèles IA limités sans pour autant nuire à la précision. Il s’agit là d’une évolution qui impacte toujours plus le marché. Aujourd’hui, de plus petits Large Language Models (LLM) réussissent à traiter des données plus qualitatives. » Le problème se déplace donc désormais vers le niveau du processeur. Verhoef met le doigt sur l’absence de processeurs capables de gérer des applications d’edge AI avec des performances élevées, une consommateur énergétique moindre et des coûts inférieurs. Ce faisant, il fait le lien fort à propos avec ‘son’ unité de traitement Metis AI qui comblerait ces lacunes, du moins à ses dires.

Sécurité IIoT

L’IIoT induit de nouvelles interrogations en termes de sécurité. En effet, les spécialistes IT et OT travaillent généralement au sein des murs de l’entreprise et fonctionnent comme des entités distinctes, sans véritables échanges et avec leur dynamique propre. Tel était d’ailleurs le cas chez Atlas Copco, leader mondial des compresseurs industriels.

Tommy Van De Wouwer, responsable cybersécurité et architecture, a participé à la mise sur pied d’une structure qui a permis d’améliorer la compréhension mutuelle tant sur le plan technique qu’organisationnel. « Au sein d’une multinationale, les différences entre IT et OT ne sont pas à négliger. Ainsi, alors que le département IT est régi par un horaire classique, l’OT exige un support 24/7, même le week-end. Sachant qu’une interruption n’est pas acceptable, il faut s’efforcer d’aligner IT et OT dans la pratique. Un autre aspect important est la priorisation. Si un ordinateur ou une imprimante tombe en panne, l’impact est nettement moindre que lorsqu’une machine cruciale vient à s’arrêter. Par ailleurs, les mentalités divergent : l’IT fait souvent office d’early adopter qui est ouvert aux nouveaux logiciels et modes de travail, là où l’OT exige plutôt de la stabilité. Cela dit, l’émergence de l’IIoT induit certains changements. »

Au sein d’une multinationale, les différences entre IT et OT ne sont pas à négliger. Il faut s’efforcer d’aligner IT et OT dans la pratique.

Tommy Van De Wouwer, Atlas Copco

Nécessité d’un langage commun

Van De Wouwer insiste par ailleurs sur l’élément organisationnel. « La direction considère l’IT davantage comme un poste de coût et l’OT comme un élément générateur de revenus. Il est donc important de mieux se comprendre pour générer de la plus-value réciproque. Car si l’IT est défaillante, la facturation et le logiciel de vente s’arrêtent, ce qui empêche la division OT de travailler. Il convient donc de parler la même langue. »
Sur la base de ces constats, Atlas Copco a mis en place une stratégie de convergence de l’IT et de l’OT. « Une étape importante se situe dans la conjugaison des trois principes de CIA que sont la disponibilité, l’intégrité et la confidentialité dans l’environnement OT. Par ailleurs, nous avons rapproché les équipes tant virtuellement que physiquement dans le cadre de réunions formelles et informelles. Nous stimulons nos collaborateurs à identifier des objectifs communs et à partager leurs connaissances. Une autre clé de la réussite est le recours à des réseaux mixtes et la reconnaissance de la plus-value de chacun auprès de la direction. »

Van De Wouwer et son équipe ont ainsi élu le Factory Security Hero, une personne qui n’a pas un profil IT ou OT classique, mais travaille par exemple comme ingénieur en processus et comprend les systèmes et processus sous-jacents. Ce Factory Security Hero lance en somme un pont entre la sécurité et le métier, et promeut la culture interne de la sécurité. Par ailleurs, il doit être impliqué dans l’identification de situations problématiques et dans l’intégration des équipes. »

IA hybride

Une autre problématique qui se pose dans le contexte IIoT consiste à regrouper des modèles IA avec l’expertise et les connaissances des ingénieurs en processus. Dans le cadre du projet CHAI, différents leaders mondiaux comme P&G et Allnex collaborent avec des spécialistes de l’IA d’imec IDLab. « La plupart des modèles d’apprentissage machine sont purement orientés sur les données, constate Thibault Blyau, chercheur à l’imec et à l’UGent. Ils sont difficiles à expliquer, alors que les ingénieurs en processus doivent leur faire confiance pour prendre les bonnes mesures. »

Les modèles AI hybrides constituent la réponse parfaite dans la mesure où ils permettent d’intégrer des connaissances d’experts au sein de l’apprentissage machine. « L’IA hybride traduit les modèles et les résultats de l’apprentissage machine en analyses contextuelles, prédictions de résultat et actions de contrôle, précise Thibault Blyau. Ces informations sont communiquées aux opérateurs et aux ingénieurs en processus sous la forme de tableaux de bord synoptiques qui précisent dans le même temps la manière dont l’IA a tiré ses conclusions. Une boucle de feedback permet ensuite aux opérateurs et aux experts d’optimiser en continu et de manière intuitive la prise de décision de l’IA hybride. »

’IA hybride traduit les modèles et les résultats de l’apprentissage machine en analyses contextuelles, prédictions de résultat et actions de contrôle.

Thibault Blyau, imec et UGent

Quick Response Manufacturing

Dans de nombreux cas, l’IIoT permet de réagir plus rapidement à des demandes de clients. Le Quick Response Manufacturing (QRM) est l’une des manières d’exploiter au maximum cet avantage. CGK Group, un fabricant ouest-flamand de systèmes de stockage pour produits chimiques notamment, s’est tourné vers QRM avec des équipes de projets autonomes afin de réduire les délais de production et améliorer la fiabilité des livraisons. Le CEO, Tijl Charle, souligne que l’introduction de QRM ne concerne pas uniquement les personnes et les processus, mais inclut également une importante dimension de logiciel. « Avec QRM, tous les utilisateurs doivent pouvoir accéder facilement aux informations pertinentes pour eux, tout en augmentant la visibilité du travail des autres. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire