Vincent Oostlander

‘Pas de stockage, pas d’IA fiable’

Vincent Oostlander Director EMEA Solution Sales chez Seagate.

La capacité de stockage mondiale pourrait-elle un jour atteindre ses limites ? Dans le pire des cas : oui. C’est un risque bien réel que les entreprises doivent anticiper. Il a fallu quarante ans pour bâtir l’infrastructure de stockage dont nous disposons aujourd’hui. Et pourtant, au cours des quatre prochaines années, cette capacité devra être doublée. Pour éviter des scénarios où des entreprises seraient contraintes de supprimer des données précieuses, il est essentiel d’adopter une vision de long terme sur le stockage.

En 2024, l’humanité consommait environ 7 Zo (zettaoctets) de capacité de stockage. D’ici 2028, nous aurons besoin d’environ 14 Zo. Cette explosion des volumes de données représente l’un des plus grands défis auxquels nous serons confrontés. Il nous faut non seulement plus de stockage, mais surtout des solutions plus intelligentes.

Le principal moteur de cette explosion des données est évidemment l’intelligence artificielle (IA). Certains secteurs IT et industries ont déjà atteint un haut niveau de maturité technologique et savent qu’ils génèrent d’immenses volumes de données. Pensons au High-Performance Computing (HPC) ou aux centres de recherche qui s’appuient sur les données pour apprendre et accélérer leurs travaux. Ou encore aux entreprises de la fintech ou de l’industrie pharmaceutique, dont les centres de R&D forment des modèles de Machine Learning capables de mieux prédire les événements futurs à partir de données historiques. Sans une immense capacité de stockage, tout cela serait tout simplement impensable.

Penser à long terme

Les entreprises doivent anticiper l’avenir. Lorsqu’on investit aujourd’hui dans une solution de stockage, il faut déjà se projeter dans les besoins des mois à venir. Car il est illusoire de penser qu’un système de stockage à grande échelle pourra être livré en quelques semaines. Avec la forte demande actuelle, certains projets d’envergure affichent des délais de livraison pouvant atteindre douze mois. Autrefois, les fabricants de disques durs disposaient de stocks importants. Aujourd’hui, la production se fait principalement à la demande. Et quand on sait qu’il faut parfois près d’un an pour fabriquer un disque dur, il devient évident que la planification à long terme est une nécessité.

Le stockage n’est plus un simple produit : c’est devenu un atout stratégique pour les entreprises. Il est donc crucial de sensibiliser les acteurs concernés – notamment les intégrateurs systèmes et les fournisseurs de cloud, qui consomment des volumes colossaux de stockage. Ces acteurs doivent apprendre à mieux anticiper leurs besoins. Mais même à plus petite échelle, la capacité de prédire les besoins en stockage devient un facteur clé.

La fin des IA fiables

L’enjeu est de taille : le stockage conditionne directement la qualité et la fiabilité des applications d’intelligence artificielle. Sur un smartphone, lorsque l’espace vient à manquer, on commence par supprimer des fichiers inutiles – souvent d’anciennes photos ou des documents oubliés. Mais pour une entreprise, et a fortiori une entreprise qui utilise l’IA, cette logique ne tient pas. Même des données « inutilisées » conservent une valeur. Ce qui semble anodin aujourd’hui peut devenir précieux demain, notamment si on souhaite entraîner une IA à partir de données historiques.

L’IA génère elle-même des volumes toujours croissants de données, qu’il faut bien stocker quelque part. On pourrait croire qu’il suffit de conserver les données récentes et de supprimer les plus anciennes. Mais ce raisonnement met en péril les fichiers sources, souvent cruciaux pour des questions de conformité. Dans certains secteurs, il est impératif de pouvoir retracer l’origine des données ou d’expliquer la décision prise par l’IA. Ces points de contrôle sont essentiels pour corriger les biais et prévenir les dérives. Sans un système de stockage robuste, couvrant l’ensemble des données, y compris les sources, l’IA n’est plus qu’un algorithme imprévisible qui propose des réponses approximatives – avec tous les risques que cela comporte.

Plus de capacité sur un seul disque

La pénurie structurelle de capacité de stockage représente aussi une menace à long terme pour des géants comme Facebook, Google ou Amazon. Si elle se confirmait, le commerce en ligne pourrait s’interrompre, les transactions numériques échouer, et les plateformes cloud deviendraient inopérantes – forçant potentiellement les entreprises à réintégrer leurs infrastructures sur site. Un scénario extrême, certes, mais qu’il faut considérer avec sérieux et anticiper dès maintenant. Cela passe, d’un côté, par une meilleure planification chez les utilisateurs, et de l’autre, par des solutions plus intelligentes du côté des fabricants.

Sur ce plan, la technologie de stockage continue d’évoluer rapidement, par exemple avec la technologie HAMR (Heat-Assisted Magnetic Recording). Grâce à des techniques avancées, les fabricants peuvent aujourd’hui stocker beaucoup plus de données sur un seul disque dur qu’auparavant. Des capacités de stockage allant jusqu’à 36 To sont déjà disponibles, et les 50 To sont à portée de main. Pour les centres de données, cela signifie qu’ils peuvent traiter et stocker davantage de données dans le même espace physique. Cette évolution est une véritable révolution, notamment en termes de rentabilité accrue, de réduction de la consommation d’énergie et de durabilité.

Dans des régions comme le Benelux ou plus largement l’Europe, ces solutions de stockage intelligentes sont d’autant plus cruciales. Ici, l’espace physique pour construire de nouveaux datacenters est bien plus limité qu’aux États-Unis ou en Chine. Et les réglementations environnementales et contraintes énergétiques complexifient encore davantage le développement de nouvelles infrastructures. En 2019, Amsterdam a d’ailleurs décidé de geler l’implantation de nouveaux datacenters. Aujourd’hui, la ville octroie à nouveau des permis, mais sous des conditions de durabilité particulièrement strictes. Les datacenters doivent donc fonctionner avec une efficacité maximale.

La capacité de stockage devient une ressource stratégique pour toute entreprise qui pense sur le long terme. Avec la montée en puissance de l’IA, datacenters comme entreprises doivent apprendre à se projeter beaucoup plus loin. Cela représente aussi une opportunité concurrentielle pour ceux qui sauront bien anticiper. Mais encore faut-il adopter une approche intelligente. Dans un monde gouverné par l’IA, supprimer des données n’est plus une option. Mieux planifier, et le faire de manière plus intelligente, est désormais un impératif absolu pour toute organisation moderne.

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