ZettaScale: Exit Frankenstein numérique

Elsa Lanchester and Boris Karloff in Bride of Frankenstein © Bettmann Archive

Le protocole de l’entreprise française doit faciliter la manière d’utiliser les communications, le stockage et la puissance de calcul dans un mode décentralisé – tout en permettant de gagner ou d’économiser de l’argent avec les données.

« La technologie actuelle est confrontée à ses propres limites », estime Angelo Corsaro, CEO et CTO de ZettaScale, une startup française employant quelque 60 collaborateurs. « Et cela n’a rien de surprenant : un grand nombre des technologies que nous utilisons actuellement ont été développées voici trente à quarante ans. »

Durant une présentation dans le cadre de l’IT Press Tour, Angelo Corsaro a mis en lumière la problématique. « Nous sommes saturés de Frankenstein numériques. » Depuis le microcontrôleur jusqu’au centre de données, il s’agit à chaque fois d’éléments autonomes et de technologies différentes qui se révèlent difficilement interconnectables. « Et il faut encore prévoir des fonctions supplémentaires si l’on veut intégrer le stockage de données, car il n’y a pas qu’un seul protocole à prendre en compte. »

L’IP ne peut pas tout

En soi, le constat n’a rien de nouveau. « L’IP [Internet Protocol] a en fait permis de transformer l’Arpanet en l’internet », poursuit Angelo Corsaro. « Avant l’émergence de l’IP, tout était vraiment extrêmement compliqué. Finalement, l’IP s’est développé pour devenir le protocole générique par excellence. Et aujourd’hui, nous l’utilisons dans des environnements pour lesquels il n’était pas conçu au départ. »

Ainsi, l’IP n’offre pas la réponse à toutes les questions. « L’IP échange des paquets de données entre deux machines. Cela étant, les applications modernes sont construites autour de données. L’IP ne suffit pas, ce qui nécessite d’autres protocoles, comme MQTT pour l’IoT ou DDS pour la robotique. Ce faisant, on voit émerger un nouveau Frankenstein numérique. »

Accès aux données

ZettaScale a dès lors imaginé une solution qui ne s’appuie pas sur l’adresse IP, mais sur les données : Zenoh. Il s’agit d’une technologie de gestion des données en mouvement, au repos ou en cours de traitement, depuis le cloud jusqu’au microcontrôleur. Avec ce protocole, ZettaScale cible surtout l’informatique périphérique (edge computing) et les solutions de conduite autonome, comme les voitures, les chariots élévateurs et les trains.

C’est ainsi que les voitures autonomes présentent des défis totalement nouveaux sur le plan des données. « Un tel véhicule est une boîte noire qui renferme de grands volumes de données », fait remarquer Angelo Corsaro. « Envoyer toutes ces données dans le cloud est tout bonnement inconcevable. Les volumes sont en effet trop importants et le trafic de données consommerait nettement trop d’énergie. Car tel est le problème aujourd’hui : il ne s’agit pas tant des données elles-mêmes que des besoins en énergie qui constituent un frein. »

Pourtant, l’accès à ces données est vital. « Imaginez un accident entre voitures autonomes : il existe des témoins numériques, comme les images prises juste avant l’accident. Mais comment accéder à ces données ? Celles-ci se trouvent en effet uniquement en local, dans les voitures concernées. Ou il s’agit de données en périphérie, par exemple les feux de signalisation. » Zenoh permet de rechercher spécifiquement ces données – et donc pas via l’IP.

Efficacité supérieure

ZettaScale a développé Zenoh en Rust, affirmant que son protocole tourne partout : Linux, Window, MacOS, etc., tant en pair-à-pair qu’en routage. « Supposons que vous vouliez connecter à la maison votre smartphone à un thermostat intelligent », précise Angelo Corsaro pour illustrer son propos. « C’est possible via Zenoh en pair-à-pair. Avec MQTT, la communication se fait toujours via un centre de données. Soit un trajet de plusieurs milliers de kilomètres, même si vous vous trouvez à côté du thermostat. En termes de consommation énergétique, c’est un non-sens absolu – sans même tenir compte ici de la consommation du centre de données. »

Carsora évoque un autre exemple pour démontrer que les gains d’efficacité peuvent se traduire en termes financiers. « Lorsqu’un robot envoie toutes les minutes des données via DDS, on en arrive sur l’année à 1,8 Go. Avec Zenoh, ce volume n’est que de 157 Mo. » Mais est-ce vraiment si important ? Selon Angelo Corsaro, le calcul est vite fait. « Pour un capteur offshore, vous payez 8 $ par Mo. Avec Zenoh, la facture s’élève donc à 1.256 $, contre 14.400 $ avec DDS. »

Développement interne

Dans son portefeuille de clients, ZettaScale compte des entreprises comme Fujitsu, General Motors, les chemins de fer néerlandais ProRail ainsi que le contrôle du trafic aérien français et suisse. Potentiellement, la société pourrait grandir plus rapidement dans le sillage d’un grand acteur technologique. « Pas trop pour nous. Nous préférons tout développer en interne, notamment dans le cadre d’un nouveau tour de table financier en 2024. » Même s’il reste difficile de conquérir le monde au départ du Vieux Continent. « Notamment parce que les Chinois surinvestissent dans leurs propres entreprises. »

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