Les centres de données préfabriqués ont la cote grâce à… l’IA
Le marché des ‘prefab modular datacenters’ est en pleine expansion et pourrait doubler de volume d’ici 2027 et ce, en partie grâce à l’intelligence artificielle.
Les solutions de ‘prefab modular (PFM) datacenters’ ne sont pas un concept tout à fait nouveau en soi. Il y a des années déjà, voire des décennies, on a en effet vu débarquer le premier concept du ‘datacenter-in-a-box’, basé généralement sur des containers maritimes. L’entreprise belge Automation fut même l’un des pionniers en solutions de centres de données préfabriqués.
Mais il convient – et c’est important – d’apporter la nuance, selon laquelle dans les solutions PFM actuelles, on parle de modules standardisés, comme nous l’avons appris à Rugvica en Croatie. Nous étions là à l’invitation du fabricant de centres de données Vertiv qui nous a expliqué l’évolution des centres de données, les tendances pour 2024 et nous a guidés dans son usine de production de centres de données préfabriqués.
FOMO
La réussite que connait actuellement ce segment spécifique d’infrastructures de centres de données, n’étonne absolument pas Vlad Galabov, analyste au sein de l’agence de recherche Omdia. Les avantages sont évidents: mise en œuvre plus rapide, réduction des coûts, évolutivité, efficience et moins de nuisances liées à la construction.
‘Mais on peut sans problème affirmer que les centres de données deviennent toujours plus des AI factories. Cela signifie que l’infrastructure doit être adaptée et sans tarder. Une manière rapide d’utiliser les modules de centres de données préfabriqués: ils sont des facilitateurs pour l’AI factory’, déclare Galabov. Selon l’analyste, il règne parmi les fournisseurs de services cloud et les entreprises un important FOMO (Fear Of Missing Out, ndlr), ‘à savoir une forte crainte de passer à côté du prochain grand moment iPhone proverbial. Ils veulent donc à présent tous tirer les avantages de la l’IA générative, et je vois vraiment poindre une sorte de nouvelle ruée vers l’or, en vue de détenir la principale valeur des large language models (LLM). Tout cela fait que, selon moi, nous nous situons vraiment dans une période de cinq années, durant laquelle la capacité des centres de données va croître énormément. Et le marché du préfabriqué représentera une pièce essentielle du puzzle durant cette phase. Tout spécialement pour le segment PFM, on évoque actuellement un marché de 4 milliards de dollars que je vois progresser à 7 milliards d’ici 2007.’
Nvidia est le seul acteur qui s’enrichit grâce à l’IA’
Selon Galabov, le top 10 des opérateurs de centres de données utilise à présent déjà (et depuis des années) des solutions modulaires. Mais le fait que le marché du préfabriqué a progressé plus rapidement qu’imaginé au départ, est entièrement dû à l’émergence de l’IA générative depuis le lancement de ChatGPT il y a plus d’un an. ‘Mais Microsoft et OpenAI essuient encore et toujours de lourdes pertes avec ChatGPT. La seule qui s’enrichit avec l’IA générative est actuellement Nvidia. Mais les véritables top-GPU nécessaires pour les formations des AI LLM n’étaient l’année dernière accessibles qu’à une poigne d’entreprises: Microsoft, Meta, Google et Amazon. Il en sera autrement l’an prochain: on assistera en effet à une démocratisation du secteur, et je m’attends à ce que d’autres acteurs puissent acheter les GPU nécessaires. En d’autres termes, l’acceptation de l’IA générative sur un marché plus large ne débutera qu’en 2024’, estime l’analyste d’Omdia. ‘Et c’est là une bonne nouvelle pour les HPE et Dell de ce monde, qui ont connu une année plutôt piètre. Pas mal de budgets d’informatique générale ont en effet glissés vers l’IA, et HPE et Dell n’avaient là aucune réponse directe’, d’après Galabov.
Le fait que le modèle préfabriqué puisse profiter au mieux de la croissance des centres de données, tient surtout, selon Galabov, à ce véritable ouragan qui met davantage en évidence plusieurs avantages: l’évolutivité, mais surtout la rapidité tant de la livraison que de l’implémentation. ‘La course à l’IA est une affaire de temps. La vitesse est essentielle si on veut remporter cette course. Voilà qui explique pourquoi il y a à présent un glissement dans les budgets: tout le monde veut de nouvelles applications dans les plus brefs délais. Il vous faut maintenant les chaussures qui vous permettront de courir le plus vite’, comme il le résume par analogie.
Période faste
Karsten Winther, président EMEA de Vertiv, parle d’une période faste pour l’IA, mais aussi pour ‘ses’ activités de centres de données. ‘L’IA générative est un gigantesque catalyseur pour le marché de l’intelligence artificielle, et les centres de données doivent jouer le rôle de propulseur. Ne me comprenez pas mal. Les centres de données devraient continuer de croître, même sans IA – car il y a à présent un besoin de toujours plus de capacité en raison de notre utilisation de données en hausse -, mais la demande que provoque l’IA, est quand même d’un tout autre ordre que ce que nous avons connu ces dernières années’, affirme Winther.
‘Avec l’IA, nous évoluons en général des CPU vers les GPU. Cela veut dire davantage d’instructions. Et cela provoque plus de chaleur. Le seul refroidissement par air ne sera bien vite plus suffisant. Les clients opteront alors pour un mixte de refroidissement par air et par eau jusqu’à atteindre 50 kilowatts par exemple.
Dans l’usine de production située à Rugvica, près de Zagreb en Croatie, on peut voir comment Vertiv fabrique des installations préfabriquées pour des clients partout en Europe, y compris en Belgique. Sur un site externe trône un container aux indications bilingues (français, néerlandais) à côté de tous les modules équipant le container-centre de données. ‘Celui-ci prendra bientôt la direction de la Belgique’, explique en souriant notre guide, sans pour autant citer le nom du client en question.
Des containers aux dimensions maximales requises pour le transport par poids lourd, cela s’entend. Mais un peu plus loin lors de notre visite guidée, nous pénétrons dans un espace où nous découvrons un container nettement plus volumineux. ‘Nous le fabriquons pour un client français. C’est en fait un assemblage de quatre containers qui seront séparés lors du transport’, explique le guide. Que voilà un étonnant business, selon nous: câbles d’alimentation, goulottes, soudures,… tout est calculé pour être dissocié pour le transport, puis remis en place sur site.
Tendances
Karsten Winther distingue pour 2024 plusieurs tendances dominantes dans le secteur des centres de données. ‘De nouveaux modes de réflexion, la recherche de nouvelles opportunités au niveau énergétique’, selon lui. Et c’est bien nécessaire aussi, car ‘en 2030 , les centres de données seront déjà responsables de 2 pour cent de toute la consommation électrique mondiale. Et ce n’est encore qu’une estimation minimale’, précise Vlad Galabov. ‘Dynamic grid support, voilà ce qui devrait normalement se passer’, ajoute Winther. Pensez ici au support de réseaux électriques au départ de l’industrie des centres de données et à (aider) à faciliter la (ré-)utilisation de l’énergie. ‘Une deuxième tendance est celle du double refroidissement que j’ai déjà abordé. Mais comme les clients n’ont plus le temps de concevoir tout cela par eux-mêmes, cela explique l’émergence des solutions préfabriquées’, conclut Winther.
Centre de données en bois
Tout à la fin de notre visite guidée, nous faisons halte devant le nouveau TimberMod qui doit être présenté officiellement le lendemain: un centre de données modulaire complètement fabriqué en.. bois. En fait, le boîtier extérieur – construit normalement en ‘vilain’ acier ou aluminium – est remplacé par d’élégantes lattes de bois. Comme si vous disposiez d’un sauna sur votre terrain industriel. Ce n’est pas vraiment une nouveauté, apprenons-nous ensuite lors d’une table ronde. Mikael Svanfeldt, CTO de la firme suédoise EcoDataCenter nous explique comment son entreprise fabrique depuis quelque temps déjà des centres de données entièrement en bois.
La question qui était alors sur toutes les lèvres et que nous avons posée nous aussi: qu’en est-il de la sécurité-incendie? Car enfin, le bois est un combustible naturel. Mais celui que Vertiv utilise, ne semble pas être du bois brut, mais traité de telle façon qu’il offre une protection-incendie aussi sûre que le métal. Cela tient un peu du slogan de marketing, voire d’écoblanchiment (greenwashing), mais Vertiv insiste pourtant sur le fait que le TimberMod réduit sensiblement l’empreinte carbone totale en comparaison avec l’acier traditionnellement utilisé.
TimberMod: un centre de données en bois.
Vertiv
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