La Belgique est-elle confrontée à une croissance explosive des centres de données?
L’augmentation rapide des volumes de données, l’essor du ‘cloud computing’ et de l’internet des objets donnent des ailes au marché des centres de données. Ce n’est pas un hasard si cette croissance est également perceptible en Belgique, soutenue par la révolution de l’IA.
L’expansion du marché belge des centres de données n’est pas le fait du hasard. Notre pays a depuis assez longtemps déjà l’ambition de devenir l’un des concentrateurs les plus innovants d’Europe. L’IA, les centres de données et la connectivité ultramoderne en sont les moteurs, mais le rôle que la Belgique peut jouer en comparaison avec d’autres marchés européens, est au moins aussi important. L’avenir s’annonce plutôt prometteur à cet égard, comme cela a été souligné lors de DigitalX, un événement de la Belgian Digital Infrastructure Association (BDIA), ouvert aux entreprises actives dans notre pays dans le domaine des infrastructures numériques.
‘La capacité des centres de données est plus précieuse que jamais’, explique Kevin Restivo, directeur Data Center Research chez CBRE, actif dans l’immobilier commercial. ‘Jamais auparavant autant de fournisseurs n’avaient été actifs, mais il subsiste un déséquilibre entre l’offre en croissance rapide et la demande, ce qui entraîne une forte hausse des prix.’ La nette augmentation de la demande se traduit également par une taille croissante des centres de données. ‘En outre, les exigences des utilisateurs sont de plus en plus nombreuses, par exemple dans le domaine de l’IA.’
Poussés par la hausse des prix, les fournisseurs explorent l’horizon au-delà des sites primaires traditionnels de Francfort, Londres, Amsterdam, Paris et Dublin – la zone appelée FLAPD. Ce marché représente 61 pour cent de l’offre totale. D’ici 2024, chacun de ces sites, à l’exception d’Amsterdam, disposera de la capacité énergétique supplémentaire nécessaire pour alimenter en courant et refroidir les centres de données. Mais les prévisions montrent également que l’espace disponible se raréfiera, ce qui entraînera une hausse des prix. Cette évolution incite les acteurs à se tourner vers les marchés secondaires.
Groupe des poursuivants
Avec une capacité électrique de 1.000 mégawatts (MW) ou plus – l’énergie spécifiquement disponible pour les centres de données –, Londres et Francfort appartiennent à une catégorie à part. Paris et Amsterdam disposent d’environ 500 MW et Dublin de quelque 350 MW. Au cours de l’année à venir, cinq autres sites dépasseront la limite de puissance de 100 MW, qui sépare les emplacements primaires et secondaires. Milan sera en tête, mais avec Varsovie, Madrid et Oslo, Bruxelles appartiendra au groupe des poursuivants. ‘Au cours de la dernière année et demie, l’alimentation électrique du marché belge des centres de données a rapidement augmenté pour atteindre 65 MW et atteindra la barre des 100 MW à la fin de l’année prochaine’, selon Restivo.
De plus en plus de fournisseurs arrivent dans notre région, dont Google, qui a commencé en avril de cette année la construction d’un deuxième centre de données à Farciennes, dans la province du Hainaut. ‘Le marché des centres de données en Belgique ne représente qu’une fraction du marché européen, mais son taux de croissance saute aux yeux et dépasse celui d’un certain nombre de concurrents de la catégorie secondaire.’ Restivo fait référence ici à l’espace disponible à l’intérieur et à l’extérieur de Bruxelles, mais aussi au cadre réglementaire favorable de notre pays.
En raison de sa situation centrale, la Belgique constitue non seulement une alternative logique, mais également intéressante pour les centres de données.
Le marché belge des centres de données est principalement situé à Bruxelles, mais il existe un besoin croissant d’expansion dans d’autres régions. La nature décentralisée de l’approvisionnement énergétique de notre pays joue un rôle à cet égard, avec un potentiel pour les centres de données en Flandre occidentale, à proximité des parcs éoliens offshore, et dans les zones fluviales de Wallonie. Ce n’est donc pas un hasard si Google a choisi le Hainaut. Un aspect supplémentaire est la stratégie de cloud hybride du marché B2B belge, où les applications professionnelles critiques sont hébergées sur site ou dans des centres de données locaux, alors que les applications moins sensibles se retrouvent sous les ailes d’hyperscalers. Le désir des entreprises de conserver leurs données plus proches de leurs clients pour des transactions plus rapides et un meilleur service augmente la demande de centres de données locaux plus petits.
Pression croissante
Malgré des conditions plus favorables, les centres de données situés sur le sol belge ne peuvent échapper non plus aux exigences croissantes du marché. ‘La taille moyenne des installations pour les centres de données augmente, pour atteindre 30 à 35 MW’, déclare Restivo. ‘Il devient de plus en plus difficile pour les hyperscalers tels qu’AWS, Google et Microsoft, de trouver des approvisionnements en espace et en énergie.’ Les entreprises d’IA augmentent également la pression. ‘Elles sont submergées de capital-risque et ont un besoin urgent de rechercher de la capacité. Sous l’influence de l’IA, les centres de données devront être plus grands, plus hauts et plus compacts.’
La demande croissante nous amène au principal défi: trouver de l’espace disponible et suffisamment d’énergie. Traditionnellement, les centres de données suivaient le réseau de fibre optique pour leur implantation, mais en raison de la demande croissante en énergie durable, l’accent s’est déplacé vers la disponibilité de l’énergie. Cette approche axée sur l’énergie oblige les centres de données à choisir stratégiquement des emplacements disposant d’approvisionnements énergétiques stables et durables offrant une sécurité suffisante.
Lors d’une table ronde organisée à DigitalX, l’impact de la révolution de l’IA a également été abordé, plus précisément le défi de concilier l’explosion de la demande de capacité avec une consommation d’énergie durable. ‘L’accent est désormais mis sur une haute densité de serveurs dans des racks, avec davantage de refroidissement, notamment de type liquide.’ Cela nécessite des changements importants dans la conception des centres de données et un investissement supérieur dans la durabilité écologique et financière. ‘Le choix de solutions à haute densité deviendra de plus en plus central dans la stratégie, y compris des hyperscalers.’
Plus qu’une option de secours
Cela offre des opportunités pour les marchés En croissance comme la Belgique, qui sont moins soumis à l’effet limitatif des choix du passé. ‘Une planification stratégique est cruciale pour éviter que les marchés secondaires ne commettent les mêmes erreurs qu’Amsterdam et Francfort, où l’infrastructure énergétique atteint aujourd’hui ses limites.’ C’est pourquoi le potentiel stratégique de notre pays suscite beaucoup d’enthousiasme. ‘La Belgique est située au cœur de la zone FLAPD et constitue une alternative non seulement logique, mais également intéressante. Le sud du pays offre des localisations favorables, notamment en termes de connectivité des réseaux et d’infrastructures énergétiques. Ajoutez-y l’attractivité de Bruxelles en tant que siège de l’UE et de l’OTAN, et vous en arrivez à un environnement de croissance favorable.’
Quoi qu’il en soit, l’avenir des centres de données est étroitement lié à la disponibilité du réseau énergétique et aux défis liés à la congestion réseautique. En raison de l’expansion du net et de l’efficience énergétique croissante, les centres de données se concentrent de plus en plus sur une densité plus élevée et un meilleur refroidissement, alors que la power usage effectiveness (PUE) diminue progressivement. La décentralisation du paysage énergétique – des grandes centrales électriques vers un mix de sources d’énergie – détermine que les centres de données feront partie de réseaux intelligents et de micro-réseaux.
Une arme à double tranchant
Toute cette histoire se déroule dans le contexte de la croissance explosive du ‘cloud computing’ (informatique dans le nuage) et de l’IA, qui entraîne une demande toujours croissante de capacité pour les centres de données. Les experts s’accordent à dire que la Belgique peut s’attendre à des retombées de cette évolution due à la saturation des marchés primaires. Aux Etats-Unis, les premiers centres de données atteignent désormais leurs limites de capacité et peinent à faire face aux investissements massifs en GPU. C’est pourquoi on se tourne de plus en plus vers des centres de données modulaires. Ceux-ci offrent aux clients la possibilité d’augmenter rapidement leur capacité sans longs délais d’attente. Cela abaisse le seuil permettant aux entreprises de démarrer avec leurs propres modèles d’IA.
Tout spécialement en Belgique, on constate une tendance vers de petits centres de données stratégiquement placés. Les préoccupations concernant la localisation des données et la latence, en particulier pour les applications d’IA, en sont à l’origine. Pour répondre à ces besoins, les hyperscalers adaptent leur stratégie en développant à la fois des racks haute densité et des datacenters dédiés à l’IA. Et cela est bien nécessaire, puisque tous les cent jours, le volume des charges de travail de l’IA double. Il est donc crucial de construire des centres de données dotés des spécifications adaptées à l’IA, telles que des racks de serveurs haute densité et des systèmes de refroidissement perfectionnés.
Au cours des nombreuses tables rondes organisées à DigitalX, les experts ont également exposé le paradoxe qu’implique l’IA: il ne fait aucun doute que l’intelligence artificielle peut contribuer à la durabilité, mais en même temps, la technologie apparaît comme l’une des plus grandes consommatrices d’énergie. L’efficience des centres de données doit par conséquent être amenée à un niveau supérieur. L’IA peut jouer un rôle à cet égard, en répondant intelligemment à la demande et en contribuant à des concepts plus intelligents.
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