Peter Hinssen
Bon anniversaire, Apple!
Il y a précisément 40 ans, Apple était tenue sur les fonts baptismaux par Steve Jobs, Steve Wozniak et Ronald Wayne. Wayne en fut le dupe, puisqu’il revendit deux semaines plus tard sa participation de 10 pour cent dans Apple pour 800 dollars. Il faut dire qu’il n’y croyait plus à l’époque. Wayne a finalement abouti dans un terrain de camping au Nevada, où il gagna sa vie en négociant des timbres-postes. Sa participation de 10 pour cent Apple vaudrait aujourd’hui plus de 60 milliards de dollars.
L’histoire d’Apple est incroyable. Si Shakespeare vivait aujourd’hui encore, il aurait pu écrire sur Apple et à coup sûr aussi sur Steve Jobs. Mais à titre personnel, Apple ne m’intéresse pas, dans la mesure où elle est devenue l’entreprise cotée en Bourse à la valeur économique la plus élevée au monde. Non, ce qui me fascine surtout, c’est le fait qu’il y a 20 ans, Apple était à l’article de la mort.
C’est en 1997 que Steve Jobs revint dans l’entreprise, qui était proche de la disparition à l’époque. Ses produits étaient moches, ses logiciels ne ressemblaient à rien, et tant son image que sa marque étaient nulles. Apple avait même tenté de se vendre à IBM, mais celle-ci refusa. Mais aussi à Sun Microsystems, qui ne parut pas intéressée non plus. Et encore à Oracle, mais même Larry Ellison qui siégeait alors dans le ‘board’ d’Apple, ne voulut rien savoir. La valeur boursière d’Apple était inférieure au cash qui se trouvait sur son compte en banque. Personne ne voulait entendre parler d’Apple. C’en était bel et bien fini.
Apple, c’est une histoire faite d’incroyables hauts et bas. Et de tout aussi incroyables virages. La plus grande résurrection depuis Jésus Christ.
Et voilà que Steve fit donc son grand retour. Il parvint à convaincre Bill Gates – l’ennemi juré – d’investir 150 millions de dollars dans Apple, pour la sauver. Or c’est cette somme qui a fait la différence. Sans elle, Apple aurait disparu. Alors qu’aujourd’hui, l’entreprise enregistre quelque 235 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ce qui fait que les 150 millions de l’époque équivalent au montant des ventes d’une (faible) matinée actuelle. Mais en 1997, Apple a survécu grâce à la charité de Microsoft.
Et dire que ces nigauds ont vendu leurs actions Apple en 2003. Juste avant que l’entreprise n’entame son ascension boursière astronomique. Si Microsoft avait conservé ses actions Apple, les 150 millions de dollars en vaudraient aujourd’hui plus de 25 milliards. Mais ils n’y croyaient plus.
Apple, c’est une histoire faite d’incroyables hauts et bas. Et de tout aussi incroyables virages. La plus grande résurrection depuis Jésus Christ. Voilà ce qui me plaît dans Apple. Alors que tout semblait perdu pour l’entreprise en 1997, elle fit la une du magazine Wired – à ce moment LE magazine qui donnait le ton dans le monde numérique – avec une formidable couverture reprenant le logo d’Apple entouré d’une couronne d’épines et sous-titré “Pray”. Autrement dit: c’en est fini. Dix années plus tard, alors qu’Apple s’était distinguée avec l’iPod et venait de lancer l’iPhone, Wired est sorti avec une couverture quasiment identique, mais cette fois avec le sous-titre “Evil/Genius”. Chapeau à Wired car il n’y avait pas cru non plus. J’ai joint ces deux couvertures l’une à l’autre. C’est pour moi le plus bel exemple qu’il est toujours possible de vaincre, même en partant d’une position qui semble perdue d’avance.
Le côté ironique ici, c’est qu’une grande partie des échecs retentissants d’Apple est due à un Belge.
Je suis un collectionneur Apple. Mais je trouve peu captivant de réunir ses succès, tout le contraire de ses échecs, et il y en eu d’innombrables.
Le côté ironique ici, c’est qu’une grande partie des échecs retentissants d’Apple est due à un Belge. Gaston Bastiaens a été un brillant ingénieur de Westerlo, qui fit carrière chez Philips à Louvain en tant que responsable des CD, CD-ROM et CD-i. Le talentueux ingénieur fut débauché par Apple, dirigée alors par John Sculley, pour prendre en charge la division Apple PIE (Personal Interactive Electronics). Résultat: une succession de flops commerciaux: des lecteurs de CD Apple qui ne se vendaient pas, des appareils photo numériques que personne ne voulait, et, l’échec le plus spectaculaire qui fût, l’Apple Newton qui, pourtant était très en avance sur son temps. Il s’agissait d’un Personal Digital Assistant accueillant les notes, courriels et servant d’agenda, même de connexion online. Mais l’Apple Newton fut un bide total. C’était un iPad avant la lettre. Gaston Bastiaens passa pour un visionnaire, lorsqu’il développa ce produit. Mais quand Steve fit son retour en 1997, sa priorité numéro un fut de liquider toute la division PIE et de mettre au rebut le Newton. Car Steve n’y croyait pas.
Lorsque je demande aujourd’hui au public dans une salle qui possède un produit Apple à la maison, quasiment tout le monde lève la main. Pas mal pour une entreprise moribonde, il y a 20 ans. Et quand je les vois tous prendre des notes sur leur iPad, je ne peux m’empêcher de repenser au Newton et à Bastiaens.
Apple vivra encore longtemps, et l’on s’en rappellera aussi pas mal de temps encore. Mais le côté positif d’Apple, ce n’est pas pour moi sa force, sa puissance ou son statut d’entreprise à la plus haute valeur économique au monde, mais c’est sa vulnérabilité, son énergie et ses échecs dont elle a tiré les leçons. Apple est le meilleur exemple de redressement d’entreprise de l’histoire: une société qui parvient à se redresser pour mieux briller, même si elle a commis d’immenses erreurs. Même si elle était quasiment morte.
Longue vie à Apple. Hip, Hip, Hip, Hourra !
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