Carte blanche
“Bill Gates se trompe : la phobie des robots ne constitue pas la solution”
Par crainte de la robotisation croissante, toujours plus de voix s’élèvent pour imposer une taxe sur les robots. Pensons au PS en Wallonie, au candidat à la présidence Hamon en France ou, récemment encore, à Bill Gates. Marc Lambotte, CEO de la fédération technologique Agoria, explique pourquoi ce type de ‘taxe-robot’ n’est pas la solution.
La phobie du numérique ou la phobie des ordinateurs, qui se souvient encore de ces termes? Dans les années 1980, alors que l’ordinateur personnel faisait son apparition dans nos foyers et que le jeune Bill Gates faisait fortune avec son système d’exploitation PC DOS, cette phobie faisait le buzz dans les médias, les cours d’informatique et même dans les séances de psychologie. La phobie ou peur de l’ordinateur est restée tenace jusqu’en 2000. C’est cette année-là que le bug du millénaire devait plonger notre monde piloté par les ordinateurs dans le chaos. Lorsqu’il s’est avéré que ce bug n’était qu’un mythe exagéré, les termes phobie du numérique ont été effacés de notre mémoire collective. Pour céder progressivement la place à la phobie du robot. Et Bill Gates semble y être sensible, puisqu’il veut mettre un frein aux robots en prônant leur taxation. Mais c’est loin d’être une bonne idée.
Bill Gates se trompe : la phobie des robots ne constitue pas la solution
La peur des ordinateurs ou la phobie de les utiliser était dictée principalement par la crainte de paraître stupide ou de perdre le contrôle. C’est ce type de crainte qui refait aujourd’hui surface lorsqu’il s’agit des robots: ceux-ci nous voleraient nos emplois et mettraient ainsi le financement de notre sécurité sociale en péril. Et que préconisent ces prophètes de malheur? La taxation des robots. Et si les robots, au lieu d’être le problème, constituaient justement la solution?
Jusqu’à présent, les robots sauvent nos emplois
Les pays qui robotisent et automatisent rapidement, progressent en termes d’emploi.
Les pays qui robotisent et automatisent rapidement, progressent en termes d’emploi. Le secteur de l’automatisation dans notre pays croît chaque année et crée de nouveaux emplois. Mais les entreprises qui investissent dans l’automatisation, se portent également mieux. Elles sont en effet plus compétitives et plus productives. L’automatisation permet d’endiguer les coûts salariaux trop élevés: au lieu d’être délocalisée, l’usine reste dans notre pays et peut, grâce aux solutions d’automatisation, répondre de manière plus flexible aux demandes des clients locaux et devient surtout sensiblement plus productive.
Dans le même temps, le taux d’emploi dans notre pays n’a jamais été aussi élevé. Le Bureau du Plan prévoit encore une croissance de l’emploi pour notre pays jusqu’en 2020.
What’s new? Mon lave-linge est un robot
Des emplois disparaissent aussi à cause de l’innovation technologique. Dans le passé, ma mère a travaillé dans un lavoir. Puis le lave-linge est arrivé sur le marché, et elle a trouvé un autre emploi. Nous pourrions qualifier une telle évolution de technologie disruptive. Aujourd’hui encore, nous observons les (r)évolutions technologiques avec anxiété. Prenons l’exemple des “self driving technologies”. Dans le secteur des transports, de nombreuses personnes perdraient leur emploi à cause de ces technologies. En fait, on va pouvoir rouler beaucoup plus et donc fournir davantage de services. De nouvelles opportunités et fonctions vont graviter autour de ces services. Prenons également l’e-health: certains prétendent que nous n’aurons plus besoin de médecin de famille. En vérité, plus il y aura de données disponibles, plus vous et moi aurons besoin qu’elles soient interprétées. On se plaint actuellement d’une pénurie de main d’oeuvre dans les soins de santé. Et bien, je peux vous assurere que celle-ci sera encore plus critique à l’avenir.
Le fait que Gates soit maintenant favorable à une taxation du progrès technologique est dès lors pour le moins surprenant.
La vérité, c’est que les nouvelles technologies sont source de progrès et de nouvelles activités, et donc aussi de nouveaux emplois. Des emplois que vous et moi ne connaissons peut-être pas encore. D’ailleurs avions-nous déjà entendu parler, jusqu’à il y a peu, d’automation engineers, d’analystes données, d’experts IT dans la santé ou de pilotes de drones? Lorsque dans les années 80, IBM a introduit l’ordinateur dans nos foyers et surtout sur notre lieu de travail, cela a également suscité des craintes, notamment de pertes d’emplois. En réalité, l’introduction du PC dans notre vie a provoqué un boom inégalé d’activités et d’emplois. Cela a fait de Bill Gates l’homme le plus riche du monde. Le fait que Gates soit maintenant favorable à une taxation du progrès technologique est dès lors pour le moins surprenant.
Mais soyons clairs, réfléchir à la façon de créer un système d’imposition plus intelligent pour l’avenir est une bonne idée. Dans notre pays, par exemple, la pression fiscale, notamment sur le travail, est trop élevée. Nous pourrions réfléchir à un glissement de la taxation vers la consommation. Par contre, taxer les robots par analogie avec ce que nous avons déjà fait avec le travail, ne constitue pas une bonne idée. Avec une taxation trop élevée, nous avons déjà anéanti ou fait fuir de nombreux emplois vers d’autres pays. Il serait stupide de faire de même avec les robots. Les robots vont justement nous aider à créer plus de valeur. Taxer les robots mêmes serait donc énormément contre-productif.
Le monde idéal en 2100: nous nous amusons, et les robots travaillent
Projetons-nous plus loin dans le futur, carrément en 2100. Le monde ne s’arrête pas, et la technologie évolue. Et c’est bien ainsi. Mais il faudra que notre modèle de société évolue aussi pour être prêt pour ce futur. Il devra être plus efficace et plus flexible. Et nous aussi, nous devons nous préparer. Cela implique notamment que l’enseignement doive évoluer vers une forme d’apprentissage tout au long de la vie, et que chacun de nous accepte la responsabilité du cours de sa propre carrière. Nous devons également veiller à ce que les nouvelles technologies soient accessibles à tous, de sorte qu’elles soient pleinement intégrées dans notre travail et notre vie privée.
Si nous procédons de la sorte, nous créerons les conditions pour de nouveaux emplois, qui seront de meilleure qualité et plus agréables. Nous aurons aussi plus de temps libre, un avantage que la technologie a déjà offert souvent dans le passé. Et c’est possible. Mieux encore, si nous maintenons la technologie accessible pour tous, vous ne devrez pas être informaticien ou posséder la fortune de Bill Gates pour pouvoir l’utiliser. Après la phobie des ordinateurs, nous devons donc aussi éradiquer rapidement la phobie des robots.
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