La Wallonie recherche 14.500 informaticiens

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Marc Husquinet Rédacteur de Data News

Comme en Belgique en général, la Wallonie souffre d’un déficit de compétences numériques. Quelque 14.500 profils seraient à pourvoir. Le JobITDay entendait résorber cette pénurie.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en Belgique, il manquerait selon la fédération de l’industrie technologique Agoria pas moins de 50.000 postes vacants liés aux compétences numériques, dont 10.000 dans le secteur des TIC et 40.000 hors secteur TIC. « Avec un taux d’emplois vacants de 4,6% tous secteurs confondus, mais de 7% dans les TIC. Seul l’horeca fait pire avec 9% », indique d’emblée Jeroen Franssen, expert du marché du travail chez Agoria.
Autre chiffre épinglé par Jeroen Franssen : le taux de productivité par an d’un profil qualifié en informatique est de 140.000 € en Wallonie, contre 131.000 € en Flandre et 213.000 € à Bruxelles. « Il est donc aisé de calculer la perte de création de richesse que cette pénurie représente pour la collectivité », raisonne-t-il.

Défi

Plus précisément dans la partie francophone du pays, quelque 14.500 profils numériques seraient manquants (8.000 en Wallonie et 6.500 à Bruxelles), dont 3.500 dans les TIC et 11.000 hors des TIC.
« Or le secteur des TIC va continuer à grandir en Wallonie, et ce sont 9.000 profils qu’il faudra trouver entre 2023 et 2030, d’autant que la population de spécialistes TIC est vieillissante », analyse encore Jeroen Franssen. En outre, plus de 1.000 personnes quittent le secteur TIC chaque année en Wallonie et à Bruxelles, ce qui ne fait qu’aggraver le problème.

« Ces chiffres sont à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, estime-t-il. Une bonne nouvelle car la création d’emplois est un indicateur de la bonne santé de l’économie en général, et du secteur ICT en particulier. Mais aussi une mauvaise nouvelle car la pénurie de talents est un frein à la croissance. »
Au-delà de la pénurie quantitative, se pose également un problème qualitatif : désormais, les profils doivent combiner des compétences numériques et sectorielles afin de travailler dans des environnements multidisciplinaires et dans le cadre de projets.
« Une cartographie du secteur en Wallonie a permis de montrer qu’il existe 2.600 entreprises actives dans le secteur TIC, indique pour sa part Willy Borsu, vice-président de la Wallonie et ministre de l’Economie et du Numérique. Or 44 à 45% de ces entreprises considèrent la pénurie de talents numériques comme un frein à leur croissance. Ce taux est même de 55% dans les start-up. »
Et parmi les compétences les plus recherchées, l’étude cite les programmeurs/développeurs, les gestionnaires de projet, les spécialistes en web et mobile, les analystes de données et les spécialistes en cybersécurité essentiellement.

Solution

Pour relever ces défis, le Forem s’associe aux centres de compétences wallons que sont Cepegra, Technifutur, Technobel, Technocité et Technifutur TIC, regroupés sous la houlette de Numéria. C’est ainsi qu’en 2022, 1.190 demandeurs d’emploi ont été formés au numérique. De son côté, Numéria se profile comme un guichet unique pour les différents centres de compétences. Celui-ci a formé l’an dernier plus de 3.400 demandeurs d’emploi aux métiers de l’IT au sens large, de même que plus de 9.300 professeurs et élèves. Avec une proportion de plus de 30% de femmes, ce qui mérite d’être souligné.

Enfin, une initiative comme le JobITDay (désormais à sa 13e édition et la 3e en format 100% numérique, Covid oblige) est susceptible d’apporter une réponse à la pénurie de profils IT. Ouverte durant 2 jours à la mi-octobre, cette plateforme numérique de matching vise à se faire rencontrer l’offre et la demande IT. Cette année, près de 850 candidats ont déposé leur candidature sur le site, tandis que 82 recruteurs proposaient plus de 220 offres d’emploi. Et selon Laura Beltrame, présidente de l’Organe d’Administration de TechnofuturTIC, « près de 670 interviews ont été planifiées. Et en 2022, plus de 70% des recruteurs estimaient le niveau des candidats ‘très bon’ à ‘bon’. Quant au nombre de candidats, il était qualifié d’’excellent’ à ‘très bon’ pour 44% et de ‘bon’ pour 44% également. » Ajoutons que toujours l’an dernier, 56% des recruteurs avaient déclaré avoir des perspectives d’engagement, et 33% vouloir engager ‘probablement’ un candidat.
Compte tenu du succès de le JobITDay, Laura Beltrame confie encore envisager d’ouvrir la plateforme plus longtemps ou d’élargir le champ des compétences recherchées.

« Il n’y a pas de pénurie de talents, mais d’expérience »

Manuel Pallage, CEO de NSI (un intégrateur de services informatiques liégeois présent en Wallonie et au grand-duché de Luxembourg, et depuis peu aussi en France), sait de quoi il parle : à son arrivée à la tête de la société en 2010, NSI employait 200 collaborateurs. Et aujourd’hui, les effectifs atteignent 1.400 personnes, « dont 23% de femmes », insiste-t-il fièrement. « Nous recrutons de 120 à 140 collaborateurs par an », ajoute-t-il.
« Si nous engageons évidemment des compétences spécialisées en informatique, nous constatons que les métiers changent et que, dans les interactions avec nos clients, les ‘soft skills’ prennent une importance croissante. D’ailleurs, la proportion chez NSI est désormais de 50/50 entre diplômés en informatique et les autres profils, remarque encore Manuel Pallage. « À mon sens, il n’y a pas vraiment de pénurie de talents, mais bien d’expérience. Du coup, il faut trouver des talents ailleurs et les former, les recycler, etc. » A cet égard, NSI a mis sur pied voici 3 ans une Académie qui a formé pas moins de 110 personnes dans le cadre d’un cycle de 6 à 9 mois alliant formation théorique et pratique. « De même, il faudrait songer à renforcer les stages en entreprise pour les futurs diplômés, comme le fait la France, afin de leur permettre d’être plus directement opérationnels », conclut-il.

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