Le secteur ICT connaît son taux de croissance le plus bas depuis des années, mais le pire est peut-être passé. C’est ce qui ressort de l’analyse économique annuelle de la fédération technologique Agoria,. Pour la première fois, celle-ci examine également l’impact de l’intelligence artificielle.
Avec son analyse conjoncturelle, Agoria entend dresser le bilan du secteur, en s’appuyant sur des indicateurs tels que l’activité économique et l’emploi. Or, ces indicateurs étaient négatifs l’année dernière. 2024 a été une année désastreuse pour l’économie belge. Les fermetures d’Audi, de Van Hool et du fabricant de puces électroniques Belgam, entre autres, ont entraîné dans notre pays la perte de 6.000 emplois en un an seulement.
Six mille emplois perdus en un an dans le secteur technologique belge
Sommes-nous entre-temps sortis de cette crise? La réponse est: peut-être un peu. Cette année, l’industrie manufacturière est toujours en récession en Belgique. Les télécommunications et les services IT, en revanche, sont plus positifs, affichant une croissance respective de 1,5 et 2,5 pour cent. Il convient toutefois de remettre ces chiffres dans leur contexte. ‘Il s’agit des taux de croissance les plus faibles depuis 2014’, déclare Patrick Slaets, du département de recherche d’Agoria. ‘Historiquement, le secteur ICT croît en moyenne d’environ 5 pour cent par an. Les chiffres actuels indiquent que le secteur, à l’instar de l’industrie manufacturière, souffre du déclin des investissements internationaux.’
Investissements
Alors que les investissements dans l’économie belge dans son ensemble ont diminué d’1,9 pour cent au cours du premier semestre de 2025, le secteur technologique a enregistré une baisse de 9,9 pour cent. Agoria identifie plusieurs raisons à ce recul des investissements. La position concurrentielle de la Belgique s’est quelque peu affaiblie ces dernières années, notamment en raison de la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine. Le président américain Trump et ses droits de douane suscitent également une incertitude persistante, avec toutes les conséquences que cela implique pour le climat d’investissement.
‘Le secteur IT s’apparente au canari dans la mine de charbon’, déclare Maarten Colson, directeur du département de recherche d’Agoria. ‘Si les choses ne vont pas bien dans notre secteur, c’est mauvais pour le reste de l’économie. Or ce secteur doit fournir des solutions technologiques pour innover dans d’autres secteurs, comme l’énergie verte et l’entrepreneuriat numérique.’
Postes vacants
Dans le secteur IT, Agoria constate une baisse des postes vacants pour la première fois depuis longtemps. Ils s’élèvent désormais à quatorze mille environ. Les entreprises qui parlent de ‘guerre des talents’ depuis des années déjà, peuvent y voir un signe positif, mais cela témoigne également d’une baisse de la demande de main-d’œuvre, fait remarquer Slaets: ‘C’est une arme à double tranchant.’ Les coûts de main-d’œuvre plus élevés que dans les pays voisins sont l’un des facteurs qui nous impactent ici, selon Agoria.
Quel est l’impact de l’IA sur tout cela? ChatGPT entraîne-t-elle déjà des pertes d’emplois massives? Agoria tente de répondre à cette question au moyen d’une enquête réalisée auprès de 402 dirigeants dans notre pays. Cette enquête révèle que sept entreprises technologiques sur dix expérimentent déjà l’IA, mais que la grande majorité (80 pour cent) ne l’utilise pas encore de manière structurelle. De plus, le terme IA renvoie à la définition au sens large de l’intelligence artificielle. Il peut donc s’agir d’un outil que l’on applique sur la base de données des clients pour obtenir des informations supplémentaires, ou de capteurs facilitant la gestion logistique. Une licence sur une IA générative comme ChatGPT ou CoPilot est plutôt qualifiée d’expérimentale. Dans ce cas, très peu d’entreprises (environ un cinquième) sont donc occupées à intégrer actuellement l’apprentissage machine ou d’autres solutions d’IA. ‘C’est pourquoi cela nous inquiète un peu’, explique Slaets.
Sans surprise, l’IA n’a pas encore eu d’impact significatif sur le marché. Parmi les entrepreneurs interrogés, près de 85 pour cent ne constatent aucun impact sur leur chiffre d’affaires, et 90 pour cent aucun effet sur l’emploi. Un examen attentif des résultats révèle une perte d’emplois de 3 pour cent imputable à l’IA au sein des entreprises numériques. En revanche, un CEO sur sept observe un effet positif de cette technologie sur son chiffre d’affaires.
Recommandations
Et maintenant? ‘On peut continuer à avancer tranquillement et essayer de limiter les dégâts, ou rechercher la voie de la croissance’, déclare Bart Steukers, CEO d’Agoria. Il a déjà une liste de souhaits pour trouver cette croissance et des investissements supplémentaires. Le plus important d’entre eux: ‘Mettre fin à la politique de la girouette’, affirme-t-il. ‘Il est essentiel pour les investisseurs que le climat des affaires reste stable. Le gouvernement a ici son mot à dire.’ Par ailleurs, il existe des points sensibles classiques qui méritent qu’on s’y attèle: les coûts de la main-d’œuvre, ceux de l’énergie et la pression des réglementations. Il préconise par exemple des interventions telles qu’un saut d’index pour maîtriser les coûts salariaux.
Il propose en outre une initiative comme une déduction d’investissement pour les projets d’IA. ‘S’il existe une technologie capable d’accélérer notre innovation, c’est bien celle-ci’, affirme-t-il. Agoria a calculé qu’environ un tiers des investissements en Belgique sont actuellement déjà consacrés à l’intelligence artificielle. ‘C’est en même temps aussi le signal donné à cette industrie qu’elle est la bienvenue’, conclut Steukers.