Apprendre de la crise
Dans le n° 40 du 11/12/2006 de Data News, le Prof. Van Hootegem prévoyait une nouvelle crise dans le secteur IT avant 2010, à moins qu’il ne devienne “mature”. Le secteur, et surtout sa coupole patronale hélas partiellement représentative seulement, n’a depuis lors aucunement prêté l’oreille à son analyse. Les problèmes cités à l’époque n’ont que peu, voire pas du tout été résolus: gestion moderne du personnel, formation et recyclage, création d’un cadre transparent des profils et des compétences…
Dans le n° 40 du 11/12/2006 de Data News, le Prof. Van Hootegem prévoyait une nouvelle crise dans le secteur IT avant 2010, à moins qu’il ne devienne “mature”. Le secteur, et surtout sa coupole patronale hélas partiellement représentative seulement, n’a depuis lors aucunement prêté l’oreille à son analyse. Les problèmes cités à l’époque n’ont que peu, voire pas du tout été résolus: gestion moderne du personnel, formation et recyclage, création d’un cadre transparent des profils et des compétences…
À propos de ce dernier point, il y a bien eu quelques timides tentatives au niveau européen. Mais ici aussi, les employeurs belges brillent par leur absence. Les exemples de ce genre d’approche ont certes eu le mérite d’exister (Allemagne, Danemark, Suède,…), mais de récentes expérimentations en matière de gestion du personnel ne promettent aucune amélioration. Il est assez hallucinant de constater que c’est le monde académique et les syndicats dans le secteur qui plaident pour un renouvellement de la culture d’entreprise, alors que ce sont précisément les représentants des employeurs qui freinent des quatre fers. Vous avez dit paradoxe?
La déconfiture économique actuelle ne permet pourtant pas de contrôler aujourd’hui la valeur prévisionnelle d’une évolution en dents de scie. L’absence de grandes vagues de licenciements dans les entreprises IT donne l’impression que le secteur serait devenu moins sensible à la conjoncture. Tel n’est malheureusement pas le cas. Il n’est toutefois guère étonnant que le secteur IT ne réagisse pas très vite à la récession. Les grandes sociétés surtout ont des projets d’assez longue haleine en cours chez leurs clients, qui ne peuvent être résiliés du jour au lendemain. L’on entend cependant assez fréquemment dire que la vente de nouveaux projets devient malaisée, voire très malaisée. Les grands groupes peuvent certes accorder quelques facilités de financement pour combler le trou laissé par les banques, mais ensuite? Le secteur lui-même mentionnera volontiers l’effet d’économies potentiel de certains investissements. Mais dans leur rapport avec les fournisseurs, les clients semblent afficher une courbe d’apprentissage plus pentue que celle de ces mêmes fournisseurs. Aujourd’hui plus qu’en 2001, l’on analyse de manière plus critique les prévisions, tableaux et promesses.
Mais ce n’est que partie remise. Les PME commencent déjà à éprouver des difficultés. Pour nombre d’entreprises “belges”, la survie dépend de leur rôle de tampon (“buffer”) vis-à-vis des acteurs en vue. Les fiers petits chefs de PME réapprennent la signification du buffer: encaisser le choc d’un impact afin d’éviter les dégâts au noyau central. Même si ce choix n’est pas toujours évident. La flexibilité illégale du dumping demeure malheureusement aussi l’un des pôles d’attraction. Les acteurs en vue se plaignent volontiers lorsqu’ils sont concurrencés par de telles pratiques, tout en les utilisant eux-mêmes sans vergogne en sous-traitance, afin de conserver leur marge.
Nombre de ces premières mini-restructurations échappent aujourd’hui encore à l’attention, parce qu’elles sont si diffuses et passent inaperçues. Ou parce que les entreprises moyennes pataugent encore en licenciant des groupuscules tous les deux mois. La démotivation ainsi provoquée n’apparaît dans aucun livre. La situation devient progressivement si aiguë qu’au cours du premier trimestre de 2009, des sociétés plus grandes annonceront elles aussi des licenciements.
Heureusement, l’on s’attend néanmoins à ce que la situation soit moins dramatique qu’en 2001. Cette fois, il ne s’agit pas de la fin massive de commandes record temporaires, mais plutôt de la postposition d’investissements ou du marchandage plus poussé encore lors de prolongements de contrats. En outre, une partie du travail concernant de nouveaux projets et développements, ainsi qu’une partie du back office classique sont aujourd’hui soit offshored, soit nearshored, soit encore bestshored. Voilà donc les premiers emplois visés…
Un certain nombre d’entreprises se targuent de pouvoir traverser la crise actuelle avec une croissance nulle, sans recul donc. C’est certainement possible. Malgré le fait que “le secteur”, comme le craignait Van Hootegem, n’ait pas encore atteint la maturité sociale et économique, certaines entreprises ont tiré les leçons de 2000-2001. Les Centric et Atos-Origin de ce bas-monde par contre, qui ont négligé de s’adapter au cours des bonnes années et estiment encore et toujours que les clients apprécient que leur fournisseur IT considère la législation sociale comme un chiffon de papier, risquent de vivre des mois difficiles.
Qui sait si cette fois, le secteur n’en apprendra pas plus de la crise. On regrettera seulement que ce soit de nouveau l’informaticien moyen qui soit la première victime d’une piètre gestion, dont il n’est pas partie prenante. Et voilà comment un Van Hootegem en attente pourrait quand même avoir raison avec son évolution en dents de scie: au lieu d’investir dans un secteur de haute qualité, Agoria a attiré avec un certain succès grâce à des actions de marketing davantage d’étudiants vers les formations IT. Le hic, c’est que ces étudiants vont bientôt découvrir le traitement réservé à leurs prédécesseurs en période de crise, de sorte qu’il y aura de nouveau une pénurie de personnel lors de la prochaine période de haute conjoncture… Les traficoteurs donnent en effet généralement le ton dans les médias, surtout si le secteur lui-même ne s’y oppose pas
Koen Dries est secrétaire de la LBC-NVK (ICT), pendant flamant de CNE-GNC.
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