Ben Caudron
“Allo, c’est Mark”
Jeudi dernier, Mark Zuckerberg a diffusé un message surprenant sur Facebook. L’homme qui, il n’y a pas si longtemps encore, déclara la mort de la vie privée et qui expliqua pourquoi cela ne devait pas trop nous chagriner, a appelé Obama pour lui exprimer son désappointement à propos de la façon dont les autorités réduisent à néant son travail utile.
Jeudi dernier, Mark Zuckerberg a diffusé un message surprenant sur Facebook. L’homme qui, il n’y a pas si longtemps encore, déclara la mort de la vie privée et qui expliqua pourquoi cela ne devait pas trop nous chagriner, a appelé Obama pour lui exprimer son désappointement à propos de la façon dont les autorités réduisent à néant son travail utile.
Zuckerberg débute son message singulier en affirmant qu’internet nécessite notre confiance. Il va de soi que Facebook est digne de confiance car cette entreprise ne s’éreinte-t-elle pas à nous proposer un environnement sûr? Et à créer un jardin emmuré où nous pouvons jouer sans souci?
La confiance est une denrée rare. Les gens en font usage, sans y réfléchir. C’est évident. Cela fait partie de ce que j’appelle volontiers ‘l’action préconsciente’. Nous ne prenons conscience de la confiance que si on l’enfreint. Lorsque quelque chose nous contraint à nous rendre compte que nous accordons peut-être trop facilement notre confiance. Ce qui est tout aussi étonnant, c’est la vitesse avec laquelle nous interrompons à nouveau cette réflexion. Cela fait partie de la façon dont nous nous comportons les uns avec les autres en tant qu’êtres sociaux, afin de faire surtout de l’interaction et non pas une analyse de celle-ci.
La confiance que nous plaçons dans nos préférés numériques, a été fortement ébranlée, lorsqu’Edward Snowden décida de rendre publiques des informations sur les pratiques déloyales de la NSA. Nous nous sommes demandé alors si nous faisions bien de confier nos allées et venues aux marques puissantes qui contrôlent le web social.
Ces jours-là, nous n’entendions guère Zuckerberg. Peut-être n’était-il alors pas inquiet à propos de ces révélations et estimait que les dommages resteraient limités. L’étonnement et l’indignation n’allaient-ils pas disparaître bientôt pour que notre attention soit orientée vers autre chose?
Mais c’était sans compter sur Greenwald. Ce journaliste activiste sait comment concocter une histoire et veille à ce que les informations révélées par Snowden, soient savamment rendues publiques par petites doses successives. Les dénonciations se poursuivent donc et sont depuis peu aussi collectées et analysées via theintercept.org. Ce qui n’était à l’origine qu’une petite flamme, semble à présent devenir un brasier qui va brûler bien plus longtemps que la flamme olympique. Aujourd’hui, une enquête effectuée notamment par PEW démontre que toujours plus de gens quittent – temporairement – le jardin de Facebook car ils sont en manque de confiance.
Zuckerberg est frustré, a-t-il écrit, et le président n’a apparemment pas pu le rassurer. Il faudra encore un certain temps, avant que les autorités en finissent avec les dommages qu’elles causent à Facebook – et à la démocratie, mais de cela, Zuckerberg n’en pipe mot. Il ne faut pas être peiné de tant de porte-malheur, affirme Mark, car Facebook est là pour veiller à notre sécurité.
Il est évidemment louable que Zuckerberg se prononce sur les pratiques douteuses des autorités américaines, mais ne soyons pas naïfs. Ne nous laissons surtout pas détourner du fait que Zuckerberg n’estime soudainement plus que la vie privée n’est pas “une norme sociale” (comme il l’affirmait en 2010) ou ne regrette plus avoir jamais intégré la possibilité de partager des informations avec des amis sur Facebook exclusivement.
Zuckerberg est un gars intelligent qui appartient à un club extrêmement fermé ayant les possibilités financières de déterminer de manière importante l’avenir de la technologie. Mais il a besoin de nous pour cela. Nous devons non seulement accéder à la matière qu’il nous propose, mais nous devons aussi et surtout continuer de croire que nous pouvons lui faire confiance. Il n’a que faire des rabat-joie. Voilà ce qui a frustré Zuckerberg.
Je ne sais pas ce qu’il a dit exactement à Obama. Je suppose que la conversation n’a pas porté sur le droit fondamental de la confidentialité, mais sur les gros sous. Peut-être était-ce un bref entretien du style: “Mr. President? Hi, it’s Mark. Listen, your governement is costing me money. That’s not how the game is played, Mr. President. Please fix it.”
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