600 chercheurs en AI demandent à l’Europe de passer à l’action
L’Europe doit créer un institut international pour guider sur de bons rails l’évolution ultrarapide de l’intelligence artificielle (AI) et pour pouvoir ainsi affronter d’égal à égal la Chine et les Etats-Unis dans ce domaine. Voilà ce que réclament 600 chercheurs européens de haut vol dans une lettre ouverte.
Les auteurs de la lettre font référence aux importants investissements consentis aux Etats-Unis, au Canada et en Chine dans la recherche sur l’AI et se demandent pourquoi l’Europe ne fait pas de même. L’année dernière, la Chine lançait un ambitieux plan en vue de devenir le leader mondial sur ce marché à l’horizon 2030. Aux Etats-Unis, c’est surtout le secteur privé qui y investit beaucoup. Des entreprises telles Google, Amazon et Facebook reprennent même des groupes de recherche entiers d’universités. Il en résulte une fuite de cerveaux, mais aussi une grande dépendance. Si nous aboutissons bientôt dans une société conditionnée par l’AI, mieux vaut ne pas être trop dépendant de ces entreprises américaines ou des autorités chinoises: tel est le raisonnement sous-jacent.
“Il est judicieux d’investir dans la recherche et dans l’enseignement, mais investir dans l’enseignement en matière de recherche sur l’intelligence artificielle est deux fois plus judicieux, car cela générera des gens et des machines intelligents”, explique Holger Hoos, professeur d’apprentissage machine à l’université néerlandaise de Leiden et l’un des initiateurs de la lettre ouverte.
Les auteurs de la lettre plaident pour la création d’un nouvel institut européen de recherche en intelligence artificielle. Ils lui ont même déjà trouvé un nom: CLAIRE, l’acronyme de Confederation of Laboratories for Artificial Intelligence Research in Europe. CLAIRE doit s’inspirer du CERN, l’institut de recherche installé à Genève, où des physiciens nucléaires collaborent par-delà les frontières pour constituer une seule et même communauté.
‘Une AI centralisée sur l’humain’
Les auteurs de la lettre ouverte plaident en outre pour une stratégie européenne spécifique. Ils proposent que l’Europe se focalise sur la recherche en intelligence artificielle, donnant la priorité à l’homme et menée sous diverses perspectives. “Les chercheurs en AI doivent appliquer une approche multidisciplinaire et collaborer avec des experts d’autres domaines, à savoir non seulement des mathématiciens, ingénieurs et bêta-chercheurs, mais aussi avec des scientifiques sociaux. La recherche AI en Europe doit comprendre, anticiper et aborder les aspects éthiques, légaux et sociaux”, écrivent-ils.
“Nous devons veiller à ne pas tomber dans l’illusion que l’apprentissage profonde puisse tout résoudre”, affirme Luc De Raedt, professeur de sciences informatiques à la KULeuven et l’un des signataires de la lettre ouverte. “Il ne suffit pas que les machines soient capables d’apprendre par elles-mêmes, mais il faut aussi qu’elles puissent raisonner”, prévient-il.
Le fait que des voitures autonomes aient appris d’elles-mêmes à identifier les panneaux routiers, ne suffit par exemple pas, selon De Raedt. “Elles doivent aussi pouvoir juger le trafic pour répondre à toutes les règles de circulation. Les ambitions au niveau de l’AI ne pourront se matérialiser que si l’on tient compte de tous les aspects.”
Ce n’est pas la première fois que des chercheurs européens appellent à unir les forces en matière d’intelligence artificielle. Fin avril, 20 chercheurs avaient ainsi défendu pareille initiative dans une autre lettre ouverte. Le lendemain, la Commission européenne annonçait vouloir investir 1,5 milliard d’euros dans la recherche sur l’intelligence artificielle. La semaine dernière, la Commission a également créé une nouvelle cellule de réflexion, au sein de laquelle 52 experts sont appelés à aider à soutenir la stratégie européenne dans ce domaine.
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