La soif d’entreprendre (nom féminin)

L’ICT Woman of the Year nous le rappelle régulièrement: il y a de plus en plus de femmes qui occupent des postes de direction chez des fournisseurs ICT ou de gros utilisateurs. Par contre, les (jeunes) femmes qui lancent elles-mêmes leur start-up dans l’informatique ou l’e-business restent beaucoup plus rares. En particulier en Wallonie et à Bruxelles. Nous en avons tout de même trouvé trois aux profils très complémentaires. Portraits croisés.

L’ICT Woman of the Year nous le rappelle régulièrement: il y a de plus en plus de femmes qui occupent des postes de direction chez des fournisseurs ICT ou de gros utilisateurs. Par contre, les (jeunes) femmes qui lancent elles-mêmes leur start-up dans l’informatique ou l’e-business restent beaucoup plus rares. En particulier en Wallonie et à Bruxelles. Nous en avons tout de même trouvé trois aux profils très complémentaires. Portraits croisés. Un petit regard à la rubrique “Que sont-ils devenus?” des écoles de commerce suffit pour se rendre compte que les exemples de jeunes entreprises technologiques ou axées sur le web s’accordent à 99% au masculin. Vu la taille modeste du marché belge, on savait déjà que la probabilité de voir un jour émerger un Marc Zuckerberg est quasiment nulle. Mais une ‘success story’ féminine à la Meg Whitman (ex-eBay) ou à la Carol Bartz (ex-Autodesk) apparaît encore plus improbable. Normal, on est bien loin de la Silicon Valley, me direz-vous. Certes, mais avouons qu’il faut beaucoup chercher, toutes proportions gardées, pour dénicher quelques ‘entrepreneuses’ dans le secteur ICT.

Décisionnel “C’est vrai qu’à part une connaissance qui est justement en train de se lancer, je ne connais pas d’autre femme qui ait créé seule une entreprise liée à l’informatique. Les quelques rares l’ont fait avec leur mari ou avec d’autres associés”, constate Valérie Viatour, qui a fondé Chievo il y a 5 ans. Cette entreprise liégeoise d’une dizaine de personnes, spécialisée dans la consultance en outils de business intelligence, connaît une belle croissance (+ 40% en 2011). Un parcours exceptionnel pour autant? Il n’y a rien qui horripile plus Valérie Viatour que les récits de “superwomen” qui arrivent comme par miracle à marier vie familiale (3 enfants tout de même) et vie professionnelle. “Je vous assure que je ne suis pas impressionnante, dit-elle sur le ton de la plaisanterie. J’essaie simplement de prendre du recul par rapport aux choses et de bien organiser mon temps. Etre une femme ne change absolument rien dans la gestion quotidienne.”

L’informatique, Valérie Viatour est, il est vrai, tombée dedans quand elle était petite. “A 12 ans déjà, je programmais en Basic avec mon papa informaticien. Ensuite, j’ai entrepris des études d’ingénieur civil à l’ULg avec une orientation en géologie. Je passais l’essentiel de mon temps à faire de la modélisation mathématique.” Ajoutez à cette solide formation technique un diplôme en management de HEC Liège – “J’ai pu faire une croix sur un MBA, avec 3 enfants en bas âge…” – et vous comprendrez qu’il était finalement assez logique que cette femme de 41 ans crée sa propre entreprise dans l’informatique. Son premier client sera son ex-employeur, l’entreprise GFI où elle découvrira le potentiel de la business intelligence. Partenaire d’éditeurs de logiciels comme SAS, Business Objects (SAP) ou Cognos (IBM), Chiveo conseille à présent des (grandes) entreprises à structurer leur approche des outils décisionnels et des tableaux de bord.

Après 5 ans à la tête de son entreprise, Valérie Viatour tire pourtant une leçon qui va un peu à l’encontre de son propre business. “Pour prendre une décision, il est important de se baser sur des faits et des chiffres corrects, mais l’intuition, le feeling sont encore plus prépondérants. Les quelques mauvaises décisions que j’ai prises étaient trop basées sur les faits et rien que les faits.” Ce qui ne l’empêche pas d’appliquer au mieux, à sa propre entreprise, les procédures d’analyse et de reporting strictes qu’elle promeut chez ses clients. “Les outils d’aide à la décision permettent d’être plus proactifs et de mieux cibler les besoins.”

E-commerce
Julie Schumacher partage avec Valérie Viatour le virus de l’entrepreneuriat, un bon bagage en gestion (également HEC à Liège) et un goût prononcé pour les nouvelles technologies, sans pour autant être une matheuse comme son homologue. Son terrain privilégié, c’est plutôt la vente et le marketing. Elle a fait ses armes pendant 9 ans dans la société de tabac Philip Morris, à Luxembourg, avant de voler de ses propres ailes. Après 5 ans de réflexion et de préparation, elle lance Damedeco.be en octobre dernier. Il s’agit d’un commerce en ligne d’articles de décoration design et tendance, mais à des prix qui se veulent abordables. “L’e-commerce est encore largement sous-exploité en Belgique, en particulier sur le créneau de la décoration, qui me passionne. Les Belges sont obligés d’acheter bien cher sur des sites français comme MadeinDesign”, explique cette femme d’affaires de 33 ans.

Pour les aspects technologiques, Julie Schumacher se renseigne beaucoup et rédige un appel d’offres, qui sera remporté par le développeur web liégeois InFine Digital. “Nous avons fait le choix de la plate-forme e-commerce Magento, qui permet davantage de liberté de développement que le concurrent Prestashop.” Pour le suivi et la maintenance, Julie Schumacher affirme être relativement à l’aise en matière de programmation et surtout, elle peut compter sur le soutien de son compagnon Sébastien… informaticien chez Cisco. “Il est mon meilleur back-up”, ironise l’enthousiaste commerçante en ligne.

La priorité de Damedeco.be est d’abord de se faire connaître, après déjà quelques mentions dans la presse féminine, et de travailler son référencement sur la Toile. “Ensuite, l’objectif, comme pour toute jeune entreprise, est d’assoir de bonnes bases pour passer le cap des 3 ans.” Julie Schumacher sait que l’e-commerce arrive à maturité en Belgique, mais reste réaliste. “On entend encore trop souvent, notamment dans des salons consacrés à l’entrepreneuriat, qu’il est facile de se lancer sur le web. Mais gérer un site d’e-commerce demande autant d’énergie et de temps qu’un commerce classique.”

Un milieu fermé

La difficulté à se faire une place durable sous le soleil du web, Valérie Cuvelier en est également bien consciente, “même si entreprendre sur le web nécessite a priori de mobiliser moins de ressources, de matériel, etc.” Cette jeune Bruxelloise s’est illustrée il y a quelques mois en remportant le StartUp week-end avec son projet “I trust my driver”. L’idée: créer une plate-forme internet qui permet aux parents de réserver et prépayer un service de taxi à leurs ados, en toute confiance. Après un début de carrière dans la diplomatie (missions à Genève, Tokyo et New-York), cette diplômée en droit rentre au pays pour travailler dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne, puis accepte un poste dans une société d’énergie. Mais le virus de l’entrepreneuriat finit par l’emporter. “Le lendemain de ce Startup week-end, je remettais ma décision!” Valérie Cuvelier reconnaît qu’il y a ensuite eu un “effet boule de neige” qui l’a elle-même surprise: participation à un programme du Microsoft Innovation Center, Prix du Founder Institute, invitation au BetaGroup, à la Commission européenne, etc.

“J’essaie de ne pas me précipiter. La plate-forme n’est encore qu’au stade de démo. Il faut valider un certain nombre de points. Je n’ai pas envie de brûler toutes mes économies.” Valérie se donne idéalement jusque septembre pour lancer réellement son site. D’ici là, elle n’exclurait certainement pas de s’associer. L’intérêt d’investisseurs potentiels est réel, selon elle. “Je ne suis pas une ‘geek’ et il faut bien reconnaître que le milieu du web est assez fermé. Etre une femme y est clairement un désavantage.”

Chiveo
Fondation: 2007
Activité: consultance en matière d’outils décisionnels (BI)
Effectifs: 10 personnes
Capitaux: 82.000 EUR
Actionnaires: Valérie Viatour (66%), MeuseInvest (24%) et 2 investisseurs privés (10%)
Chiffre d’affaires 2011: environ 1,1 million EUR
Siège social: Chaudfontaine
Site web: www.chiveo.be
Dame Déco Fondation: 2011
Activité: commerce en ligne d’articles de décoration
Effectifs: 2 personnes
Capitaux: NC, fonds propres et emprunt bancaire
Siège social: Liège (Beaufays)
Site web: www.damedeco.be

I trust my driver Fondation: en phase de lancement
Activité: plate-forme web de transport prépayé par taxi
Site web: www.itrustmydriver.be


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