Qu’en est-il du rêve de colonisation de l’espace ?

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Quand l’homme parviendra-t-il à conquérir véritablement l’espace. Le défi semble en tout cas plus difficile que prévu.

Voici 50 ans, en effet, l’on était convaincu que la Lune serait rapidement colonisée. Mais aujourd’hui, force est de constater que l’on n’a pas encore conquis totalement notre satellite. Entre-temps, les scientifiques estiment qu’il est grand temps de se tourner vers d’autres lieux. Qu’en est-il dès lors du rêve de la colonisation de l’espace?

Pourquoi l’être humain ne part-il pas encore en vacances sur la Lune ? Se pose pourtant d’abord la question de savoir si nous avons envie de conquérir l’espace qui entoure notre confortable planète. La Terre est en effet parfaitement vivable et totalement adaptée à nos besoins. On peut s’y promener sans équipement spécifique et nous n’avons pas besoin d’une capsule spatiale pour respirer et rester en vie. Le scientifique britannique Stephen Hawking est pourtant convaincu que la colonisation est importante. Dans le progamme de la BBC ‘Stephen Hawking : Expedition New Earth’ qui sera diffusé cet été, il explique que le risque de catastrophe est désormais plus grand. Un désastre majeur devrait très certainement se produire d’ici 1.000 à 10.000 ans. Du coup, l’humanité aurait intérêt à investir un autre lieu dans notre univers.

De son côté, le Pr. Christoffel Waelkens, astronome à la KU Leuven, n’estime pas urgent de coloniser d’autres planètes. Les arguments fréquemment utilisés à cet égard, comme la surpopulation de la Terre, sont à ses yeux faux. ” Si nous voulons compenser la croissance actuelle de la population en envoyant des personnes sur Mars, il faudrait en envoyer plusieurs chaque seconde. C’est totalement irréaliste. ”

Quelle destination ?

En revanche, la colonisation de l’espace paraît inévitable, estime Waelkens. ” Il n’était pas indispensable de conquérir l’Amérique, mais l’homme l’a fait. ” Reste à voir quelle destination choisir. D’aucuns rêvent déjà depuis les années 1920 de gigantesques navires et de colonies flottantes dans l’espace. Pour ceux qui préfèrent avoir les deux pieds bien ancrés dans le sol, le choix le plus évident est Mars. La planète rouge est relativement proche et a une surface stable, ce qui est important pour s’établir sur place et ne pas être absorbé par le noyau. Mercure et Venus sont également des planètes à sol stable, mais sont situées trop près du soleil pour permettre des températures acceptables par l’homme. Les satellites naturels offrent d’autres possibilités à proximité de la Terre. Notre Lune est certes une option, mais ne renferme pas d’eau, un élément relativement important pour démarrer une colonie. Les satellites de Jupiter et de Saturne renferment eux certes de la glace ou de l’eau en grandes quantités, mais les températures y sont particulièrement froides.

Mars est donc le candidat le plus intéressant. Mais pour conquérir notre voisin planétaire, la distance représente le premier obstacle majeur. Au moment où Mars et la Terre sont les plus proches, le voyage dure un peu moins de six mois. A ce jour, quelques sondes ont été envoyées vers Mars, mais celles-ci sont nettement moins fragiles que les navettes habitées, même si la plupart des scientifiques s’accordent à dire qu’un vol habité vers Mars est d’ores et déjà techniquement possible.

Une fois sur place, la priorité première est de survivre. L’atmosphère de Mars est plus mince que celle de la Terre, d’où un risque plus élevé de radiations mortelles à la surface. Par ailleurs, l’air de Mars se compose à 95 % de CO2 et n’est donc pas respirable pour l’homme. Etant donné la pression faible, le sang risque également de s’enflammer directement, même si la température ambiante est acceptable. Pas de quoi pavoiser donc.

Terraformation

Dans un premier temps, la vie sur Mars passera donc par des combinaisons et des capsules spatiales. Par la suite, on se retrouve dans le domaine de la science-fiction. Pr. Waelkens : ” Sur Mars, il fait actuellement assez froid, mais une atmosphère adaptée et un effet de serre suffisant peuvent en principe permettre la vie humaine. ”

Eh oui, l’effet de serre que nous combattons sur Terre peut densifier l’atmosphère sur Mars et permettre de créer des conditions de vie plus agréables pour l’homme.

C’est le phénomène de terraformation. L’une des idées avancées pour mettre en route ce processus serait de déployer une énorme voile solaire et de l’orienter en direction du pôle sud de Mars. Cette voile solaire ferait office de miroir et refléterait les rayons du soleil sur la glace. Dès lors, la glace commencerait à fondre et libérerait des gaz permettant de créer une atmosphère plus dense. Plus la densité de celle-ci augmenterait, plus il ferait chaud, jusqu’à même faire naître des cours d’eau. L’écosystème ressemblerait alors toujours davantage à celui de notre planète bleue.

Selon le Pr. Waelkens, un tel scénario n’est toutefois pas pour demain. ” Pour initier les cycles chimiques complexes qui caractérisent la vie, de nombreux recherches doivent encore être menées. Certes, la littérature relative à la terraformation est riche, mais nous sommes encore très loin d’un scénario offrant une garantie de succès. ”

Mars One : rêve ou duperie ?

En revanche, s’il est une organisation convaincue de son succès, c’est Mars One. Cette fondation néerlandaise entend envoyer les premiers colons avec un ticket aller simple pour Mars d’ici 2031. Les colonisateurs de Mars devraient arriver en 2032 déjà et vivre dans des capsules construites au préalable par des robots. Selon Mars One, l’eau serait obtenue grâce aux glaçons se trouvant sous la surface. Cette eau permettrait ensuite de produire également de l’oxygène. L’habitat de vie serait couvert afin de protéger suffisamment les colonisateurs à la surface de Mars contre les rayons dangereux de l’espace. La première équipe serait chargée de produire des aliments, tandis que d’autres installeraient des panneaux solaires pour alimenter en énergie l’ensemble de l’opération. Puis en 2034, une deuxième équipe débarquerait avec du matériel pour une troisième équipe, etc., l’objectif final étant de faire ‘atterrir’ des colonisateurs tous les 26 mois.

Il n’était pas indispensable de conquérir l’Amérique, mais l’homme l’a fait. ”

Certes, personne ne s’étonnera de voir les critiques surgir face à de tels projets ambitieux. Sur base des suppositions formulées par Mars One, le projet n’est pas réalisable selon les chercheurs de la prestigieuse université américaine MIT. Ainsi, les technologies actuelles pour extraire de l’eau de la surface de Mars ne sont pas encore au point. De même, les chercheurs considèrent que les pièces détachées occuperaient rapidement 62 % de la surface de chargement des vaisseaux lors de missions de réapprovisionnement, ce qui ne laisserait que peu de place pour le matériel neuf.

Johan Torfs, membre du comité de SKEPP (Studiekring voor Kritische Evaluatie van Pseudo-Wetenschap en het Paranormale, le centre d’étude pour l’évaluation critique des pseudo-sciences et du paranormal) remet également en cause la faisabilité de ce projet. ” J’ai des difficultés à croire que l’on veuille sérieusement mener à bien un tel projet. C’est très optimiste et relativement peu concret “, dixit Torfs. Ce qui ne l’empêche pas de considérer que le projet est techniquement possible. ” Si les moyens sont suffisants et que l’on examine le projet à court terme, je pense que c’est possible même si l’opération sera très coûteuse. ”

Le Pr. Waelkens de son côté parle d’absurdité. ” La faisabilité de ce projet ne dépend pas par priorité de notre niveau d’intelligence. Il est totalement stupide – voire éthiquement inacceptable – d’affirmer que nous pourrons d’ici 10 ans envoyer des gens sur Mars en toute sécurité. ” Et de douter même des intentions réelles des promoteurs du projet. ” Il semble s’agir jusqu’ici surtout d’une initiative rentable pour ceux qui l’ont lancée. Ceux-ci ont déjà englouti pas mal d’argent dans le cadre de dons et en organisant des exposés. “

Pour des raisons purement pratiques ou simplement techniques, il est pour beaucoup évident que l’homme colonisera un jour l’espace. L’être humain peut s’ouvrir des perspectives telles qu’il ne peut se contenter du petit coin de l’univers sur lequel nous vivons. Dans le scénario extrêmement optimiste de Mars One, cette conquête deviendra réalité d’ici 13 ans, dans le cadre d’une fondation privée. Mais d’autres observateurs comme Hawking évoquent une échéance de 100 ans au moins. Quoi qu’il en soit, le sujet continue à passionner l’homme, même si la voie vers Mars n’est pas encore ouverte.

Et SpaceX ?

Elon Musk, le milliardaire dont le rêve est d’assurer l’avenir de l’homme, a reporté une nouvelle fois en février dernier la date de la première mission habitée sur Mars. SpaceX, l’entreprise privée d’exploration spatiale qu’il a fondée, a déjà réussi à mettre sur orbite des satellites et envisage désormais d’envoyer une colonie sur Mars, même si des problèmes techniques semblent surgir. Une première sonde était planifiée pour l’an prochain, mais SpaceX envisage désormais une première expédition Red Dragon vers Mars pour 2020. L’entreprise technologique entend ainsi tester l’envoi de matériel très lourd à la surface de la planète rouge. Si la mission réussit, Red Dragon sera le plus gros engin à avoir jamais atterri sur la surface de Mars.

Si SpaceX lance sa sonde en 2020, elle ne sera probablement pas la seule. En effet, des missions devraient idéalement être lancées tous les 26 mois, sachant qu’en 2020, les deux planètes seront proches. La Nasa envisage d’envoyer cette année encore un Mars Rover, tout comme ExoMars, un consortium entre l’organisation spatiale européenne ESA et son homologue russe Roscosmos. De même, les Emirats arabes unis et la Chine auraient des projets en ce sens. La planète rouge pourrait donc voir débarquer pas mal de monde cette année. [EB]

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