Les extrémistes trouvent toujours plus facilement leur chemin sur internet
Les développements technologiques génèrent non seulement le progrès, mais ils aident aussi les groupes extrémistes à propager leur idéologie et à s’attirer des adeptes, selon le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. Plus de 3 milliards des 7,1 milliards d’habitants de la Terre ont déjà accès à internet.
“Les groupes extrémistes utilisent les réseaux sociaux pour diffuser leurs idéologie haineuse”, a déclaré Ban Ki-moon lors du Digital Forum organisé la semaine dernière en Corée du Sud. Malgré la fracture numérique, la technologie de l’information et de la communication (ICT) détermine toujours plus le futur agenda des développements durables des Nations Unies. “Notre organisation alimentaire recourt aux téléphones mobiles pour donner des informations de prix aux fermiers. Nos organisations d’assistance communiquent par le biais des réseaux numériques. Nous expédions nos messages directement vers le public partout dans le monde via Twitter et Facebook”, a-t-il expliqué.
Mais il y a aussi un revers à l’utilisation de plus en plus généralisée de Twitter et Facebook. Les réseaux terroristes propagent volontiers à l’échelle mondiale leurs messages politiques, extrémistes et haineux par l’intermédiaire des réseaux de communication modernes. Ils précèdent ainsi souvent les gouvernements qui les pourchassent.
L’ambassadrice Samantha Power, la représentante permanente américaine auprès des Nations Unies, avait annoncé le mois dernier au Conseil de Sécurité que des groupes tels l’Etat Islamique (IS), Al Qaeda, Boko Haram et Al Shabaab exploitent les plus récentes technologies à leur profit. “IS semble toujours mieux parvenir à recruter des jeunes, tout particulièrement via le monde virtuel”, a-t-elle affirmé. Selon elle, le groupe extrémiste enverrait quotidiennement quelque 90.000 tweets dans le monde. Ses membres et adeptes ‘retweetent’ alors les messages et aident ainsi à les propager.
Sécurité numérique
Nick Ashton-Hart, directeur de l’Internet & Digital Ecosystem Alliance (IDEA), une ONG suisse, prétend pour sa part que c’est un défi que de sortir vainqueur du débat numérique mené par ceux qui tentent d’anéantir les sociétés pluralistes ouvertes: “Mais cela a toujours été le cas, que ce soit hors ou en ligne.”
Pour sortir vainqueur d’un tel débat, il faut pouvoir démontrer que les sociétés pluralistes sûres ont un meilleur avenir à offrir, selon lui: “S’il s’agit de sécurité numérique, nous sommes cependant en situation d’échec. Considérez simplement la collaboration internationale nécessaire pour protéger les gens dans leur vie quotidienne contre le crime, la fraude et le vol d’identités, ainsi que contre des délits comme le terrorisme.”
Rien qu’aux Etats-Unis, l’on enregistre 11.000 demandes d’assistance juridique de services de police d’autres pays, poursuit Ashton-Hart. Il s’agit en l’occurrence de délits divers. Le Mutual Legal Assistance Framework (MLAT) ne suffit tout simplement pas à faire face aux objectifs numériques.
Power a déclaré avoir appris que l’IS avait lancé l’année dernière une appli Twitter permettant aux utilisateurs de transférer le contrôle de leur flux (feed) à l’IS. Les extrémistes pourraient ainsi envoyer des messages via des comptes individuels d’utilisateurs, ce qui amplifie nettement leur portée.
En février, l’IS a mis en ligne un guide de cinquante pages intitulé ‘L’Hidjra vers l’Etat Islamique’ et contenant des informations pour rejoindre le ‘califat’. Le guide contient notamment des conseils sur la manière de trouver de l’hébergement en Turquie, sur le type de sac à dos à utiliser de préférence et sur la façon de répondre aux fonctionnaires de l’immigration sans éveiller les soupçons, selon Power: “L’IS n’est pas le seul à s’adresser de manière agressive aux enfants et aux jeunes. Al Qaeda, Boko Haram, Al Shabaab et d’autres groupes le font aussi.”
Attaques
La semaine dernière, l’IS a publié une vidéo de plus d’une demi-heure, apparemment en provenance de son leader, Abu Bakr al-Baghdadi. Dans cette vidéo, ce dernier appelle les musulmans à rejoindre l’IS ou à lancer des attaques dans leur pays d’accueil. Selon le New York Times, l’appel a été traduit en anglais, français, allemand, russe et turc. “Une action inhabituelle tendant à démontrer que le groupe aspire à une attention maximale.”
Des experts des Nations Unies estiment que le cyber-crime coûte chaque année quelque 400 milliards de dollars à l’économie mondiale. Il n’y a pas assez d’argent disponible pour une implémentation du plus important traité de prévention criminelle mondial, à savoir la Convention en matière de Crime Organisé Transfrontalier, selon Ashton-Hart: “Les juges à La Haye disent qu’ils n’obtiennent pas la collaboration requise lorsqu’il est question de collecter des preuves numériques fondamentales pour des crimes odieux et dans certains cas même pour les méfaits les plus graves de l’histoire de l’humanité.”
“Si le cadre international qui veut mettre fin à l’IS, ne peut y arriver, comment pourrait-on sortir vainqueur du débat plus large sur l’extrémisme?” Ashton-Hart ajoute encore que les mesures pratiques destinées à renforcer la confiance entre les sociétés au niveau de l’application fondamentale de la loi et de la sécurité internet ne sont pas optionnelles: “Et pourtant, il y a encore et toujours actuellement plus de deux cents processus liés à ces questions, sans coordination structurée effective en vue de garantir une issue ‘win-win’ durable.”
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