Connecter l’homme à la machine : la Défense américaine y croit

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Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

L’Agence pour les projets de recherche avancée du ministère de la Défense américain a prévu d’investir 65 millions de dollars dans l’élaboration d’une interface cerveau-ordinateur. À l’avenir, ferons-nous la guerre via notre cerveau ?

La DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency ) ambitionne de développer des technologies susceptibles, à long terme, de connaître des applications militaires. Déjà impliquée dans le développement d’Internet, du GPS et d’un éventail de robots, elle planche à présent sur une nouvelle technologie qui pourrait bien révolutionner encore plus la pratique de la guerre : un implant cérébral destiné à permettre aux soldats de communiquer directement avec les appareils électroniques.

L’implant en question devra bien sûr être capable de convertir en langage binaire les signaux électrochimiques utilisés par les neurones. En vue de la réalisation de ce projet, la DARPA a réuni des spécialistes issus de différents domaines : neurosciences, équipements médicaux, électronique, photonique, mathématiques, sciences informatiques et communication sans fil. Ceux-ci seront chargés de mettre au point des techniques capables de traiter rapidement les activités neuronales contre un coût informatique minime.

L’Agence dispose d’une enveloppe de 65 millions de dollars qu’elle va répartir entre cinq instituts de recherche et une entreprise. L’université Brown va ainsi obtenir 19 millions de dollars pour le développement de “neuro-graines” (neurograins) : un réseau de minuscules capteurs, pas plus grands qu’un grain de sel, qui seront implantés dans le cerveau afin de mesurer et de stimuler l’activité neuronale.

“La DARPA a déjà investi des centaines de millions de dollars pour traduire les connaissances des neurosciences en neurotechnologie. Par ces nouveaux investissements, nous souhaitons poser les premiers jalons vers le développement d’un implant cérébral qui bouleversera la façon dont les gens vivent et travaillent. Nous voulons également analyser les éventuels effets de cette nouvelle technologie sur la sécurité nationale”, peut-on lire dans un communiqué.

Un million de neurones simultanément

La DARPA ambitionne de perfectionner les interfaces neuronales de façon à leur permettre de traiter plus d’un million de neurones simultanément. “Nous avons pour objectif d’élever la communication cerveau-ordinateur à un niveau inédit”, lit-on encore dans le communiqué. Si cet objectif de communiquer avec un million de neurones apparaît comme ambitieux, il convient de remettre les choses en perspective : ce chiffre représente un pourcentage minuscule au regard des 86 milliards de neurones que possède notre cerveau. Partant de là, comprendre comment notre cerveau traite les stimulations sensorielles et convertir les signaux neuronaux en informations numériques constitue un défi titanesque.

Dans un premier temps, le programme s’efforcera d’effectuer les percées nécessaires aux niveau matériel et logiciel et dans le domaine des neurosciences, alliant ce faisant recherche appliquée et recherche fondamentale. Les quantités astronomiques de données neuronales doivent pouvoir être converties en informations susceptibles d’être traitées à l’aide de la puissance informatique et de la bande passante dont nous disposons actuellement. Une tâche pour laquelle il conviendra d’élaborer des techniques de codage avancées d’un point de vue mathématique et de neurocalcul.

Risques éthiques

Une seconde phase consistera à examiner comment tester les implants cérébraux sur l’homme. Pour évaluer les risques éthiques et les implications légales, la DARPA travaille de concert avec des experts en éthique biomédicale et la FDA. “Nous souhaitons garantir la sécurité sur le long terme, tout comme le respect de la vie privée, la compatibilité avec d’autres appareils ainsi qu’une kyrielle d’autres aspects auxquels les nouvelles applications technologiques doivent satisfaire.” La DARPA a par ailleurs promis de publier les résultats des recherches fondamentales menées dans le cadre de ce programme, l’objectif étant de susciter des discussions au sein du monde scientifique et d’informer le grand public.

Pour le moment, l’agence américaine insiste essentiellement sur les applications médicales des recherches. Mais dès que les interfaces cerveau-ordinateur seront au point, les possibles applications militaires ne manqueront pas de susciter de l’intérêt, sans oublier les éventuelles applications pour le monde de l’entreprise.

Elon Musk a d’ailleurs déjà créé Neuralink, une start-up vouée, elle aussi, au développement d’une puce capable de connecter le cerveau et les machines. Et Facebook a annoncé conduire des recherches similaires. Qui sait, peut-être serons-nous en mesure, dans un lointain avenir, d’envoyer des messages WhatsApp par télépathie ? Ou de lancer des missiles ? Une chose est sûre, cependant : ces technologies recèlent des possibilités illimitées. Des dangers aussi…

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