Comment Twitter a pendant 10 ans réduit le monde à 140 caractères

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Pieterjan Van Leemputten

Ce qu’on qualifiait autrefois de ‘microblogging’ est devenu en l’espace de dix ans un fondement des médias sociaux. Mais le trajet n’a pas été dénué d’obstacles. L’histoire de Twitter: de ”Qu’en faire?’ jusqu’à ‘Comment en gagner de l’argent?’

Se distinguer sur SXSW

Il y a peu de chances qu’en 2006, vous ayez déjà entendu parler de Twitter en Belgique. Il n’empêche qu’un an plus tard, l’entreprise profita de la conférence SXSW pour se faire connaître et en quelques jours, le support vola la vedette. Le nombre de tweets passa de 20.000 à 60.000 par jour, et c’était parti sur les chapeaux de roue. Saviez-vous du reste qu’au cours des six premiers mois, Twitter s’appela ‘Twttr’? Heureusement, l’entreprise comprit très vite la plus-value des voyelles.

Dans les années qui suivirent, Twitter continua sa percée dans le monde entier. Conjointement avec Facebook, Twitter personnifia le concept tout nouveau à l’époque de ‘média social’, comme nous qualifions aujourd’hui Uber et Airbnb, lorsqu’il est question d’économie du partage.

Durant ses premières années, Twitter avait surtout beaucoup de potentiel, le reste n’est venu que plus tard.

Après que les premiers utilisateurs se soient progressivement adaptés à un monde réduit à 140 caractères, le site commença à s’étendre. C’est à l’automne 2010 qu’apparurent des photos et vidéos sur les tweets. Depuis 2013, place aux mini-clips sur Vine et l’année dernière, l’on a vu arriver des émissions en direct via Periscope, et l’on peut désormais expédier des messages privés de plus de 140 caractères.

‘Show me the money’

Durant ses premières années, Twitter fut rapidement promise à un bel avenir. Des dizaines de millions d’utilisateurs, dont des entreprises, des célébrités, des politiciens et des journalistes trouvèrent rapidement leur voie vers Twitter.

Tout le monde était fou de Twitter, mais (quasiment) personne n’apportait de l’argent au compte en banque.

Par contre, l’entreprise éprouva beaucoup de mal à s’assurer des rentrées. L’utilisation de Twitter était gratuite et devint pour beaucoup d’entreprises une source de revenus, du fait qu’elles pouvaient via Twitter diffuser leurs messages rapidement et à bon compte, mais aussi aider leurs clients ou encore écouter quiconque avait des choses à dire sur leur marque. Mais cela faisait une belle jambe à Twitter même. Les premiers résultats trimestriels publics après l’entrée en Bourse en 2013 faisaient état d’une perte de 551 millions de dollars sur un seul trimestre. Tout le monde était fou de Twitter, mais (quasiment) personne n’apportait de l’argent au compte en banque.

Manoeuvre de rattrapage

L’entreprise redressa la situation par toute une série de rachats et de partenariats qui se déroulèrent surtout en coulisses, comme ce fut le cas avec la reprise de Namo Media (juin 2014) spécialisée en publicité résidente pour le mobile. Plus tard au cours du même mois, ce fut le tour de SnappyTV, qui permet aux chaînes de partager des vidéos via Twitter. En octobre 2014, Twitter conclut aussi un partenariat avec IBM, afin d’aider les entreprises à utiliser ses données pour lancer des tendances par exemple.

Qu’est-ce que tout cela rapporte? Au quatrième trimestre de son exercice, Twitter a enregistré un chiffre d’affaires de 641 millions de dollars à partir de la publicité, plus 70 millions de dollars à partir des licences data, ce qui représente dans les deux cas une croissance de 48 pour cent sur une base annuelle. Son Ebitda (bénéfice brut avant déduction des frais généraux) s’établit à 191 millions de dollars, en hausse de 35 pour cent sur une base annuelle. Cela ne fait pas encore un géant de Twitter, comme l’est Facebook, mais une entreprise qui a réussi à mettre de l’ordre dans ses rentrées.

Twitter en Belgique

La principale ‘chatbox’ au monde ne publie aucun chiffre par pays. Mais il y a de bons indicateurs. Il est ainsi possible de faire sur Twitter de la publicité ciblant spécifiquement les utilisateurs en Belgique, et l’on en arrive actuellement à une fourchette de 639.000 à 959.000 utilisateurs. Ce qui est étonnant, c’est que si l’on effectue un filtrage francophone/néerlandophone dans cet outil publicitaire, l’on n’en arrive qu’à 202.000 à 304.000 utilisateurs.

Twitter compte 639.000 à 959.000 utilisateurs en Belgique.

Cela s’explique en partie parce que nombre d’utilisateurs – citoyens, entreprises et Eurocrates par exemple – tweetent en anglais. Au sens très large, l’on peut affirmer que le nombre d’utilisateurs belges se situe grosso modo entre un petit demi-million et un million.

Le blogueur Bruno Peeters (BVLG) tente depuis un petit temps déjà d’évaluer la croissance de Twitter dans notre pays en examinant la fréquence de suivi des comptes d’entreprises populaires. Il en ressort que chaque mois, quelque 2 pour cent de suiveurs viennent s’ajouter. La forte croissance semble passée dans notre pays, mais l’on n’en est pas encore pour autant à une stagnation. Au niveau mondial, Twitter compte 320 millions d’utilisateurs actifs mensuels, soit 800 millions en tout.

Au niveau mondial, Twitter compte 320 millions d’utilisateurs actifs mensuels.

Défis

De bons chiffres, beaucoup d’utilisateurs: mission accomplie? Pas du tout. La principale menace pour Twitter n’est pas celle d’un concurrent (tel FriendFeed), mais bien des récentes applis sociales genre Snapchat. A l’instar de Google qui n’a pas été attaquée par de nouveaux moteurs de recherche, mais bien par Facebook qui s’est lancée sur un tout autre spectre numérique.

Le parcours des rachats de Facebook montre clairement qu’elle entend être bien plus qu’une page web remplie de photos de… bébés. Twitter ne véhicule pas ce genre de message.

La principale menace, à nos yeux, c’est le fait que Twitter ne possède jusqu’à présent en gros qu’une seule corde à son arc. Même si l’on apprécie Vine et Periscope, ils n’ont ni la puissance de WhatsApp ni le potentiel de l’Oculus Rift, deux rachats par lesquels Facebook voulait clairement faire comprendre qu’elle entend être bien plus qu’une page web remplie de photos de… bébés. Twitter ne propose pas cette diversification.

Il n’empêche que l’entreprise a imposé sa marque sur notre vie de tous les jours et est devenue un fondement de nos médias sociaux. Tweeter est le service clientèle de votre opérateur télécom, le canal de politiciens et de faiseurs d’opinions, le diffuseur instantané d’informations en cas de catastrophes et d’actions terroristes, et pour beaucoup l’exutoire favori, lorsqu’ils regardent #the voicebe ou #plusbellelavie.

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