Un référendum sur la loi de mise sur écoute se prépare aux Pays-Bas
Nombre de Néerlandais dénoncent une loi qui permettrait à des services de renseignements de mettre sur écoute leur trafic internet. A présent que le nombre de signatures s’opposant à cette loi controversée a fortement augmenté, la tenue d’un référendum est de plus en plus plausible. Il pourrait être organisé en mars de l’année prochaine, en même temps que les élections communales aux Pays-Bas.
A partir du 1er janvier 2018, les services de renseignements néerlandais pourront mettre sur écoute une grande partie du trafic internet via le câble. C’est la là conséquence d’une loi qui a été approuvée cet été par le sénat des Pays-Bas.
Chalut
La nouvelle loi est appelée le ‘chalut’ par les défenseurs du respect de la vie privée, parce qu’en recherchant les communications de terroristes, les services de renseignements pourront aussi mettre la main sur les données de citoyens innocents. “Qu’il s’agisse d’un coup de fil, d’une appli ou de la sauvegarde en ligne de photos, tout ce que le citoyen fait sur le net pourra être récupéré dans le chalut déployé par les services secrets”, selon le mouvement militant en faveur des droits des citoyens Bits of Freedom. L’une des implications concrètes serait par exemple que tout un quartier puisse être mis sur écoute du fait qu’une personne suspecte y habite.
Il est dans un premier temps question de collecter des métadonnées: les services de renseignements pourront savoir avec qui les Néerlandais communiquent, où ils se trouvent et quels sites web ils visitent. En outre, toutes les données ainsi collectées, même celles de citoyens innocents, pourront être stockées pendant trois ans.
Mais il y a aussi le problème du piratage. Les services de renseignements peuvent dès à présent s’y adonner, mais avec la nouvelle loi, une nouvelle prérogative viendra s’y ajouter: même des personnes non-suspectes pourront être ‘hackées’. “L’idée, c’est que les cibles des services de renseignements soient souvent si bien protégées qu’elles ne pourront être piratées. Il sera donc plus facile de pirater un ami ou un membre de leur famille, ce qui permettra ensuite de faire le saut vers la cible”, explique la chaîne NOS. Il n’y aura pas que les smartphones ou les PC qui pourront être ‘hackés’, mais aussi tous les appareils automatisés, dont les TV connectées. Pour toute intervention, il faudra cependant à chaque fois l’assentiment du ministre compétent.
Les signatures affluent en masse
Cinq étudiants soucieux, craignant que la loi n’ait des effets trop radicaux sur le respect de la vie privée, ont donc eu l’idée d’organiser un référendum. Depuis septembre, ils recherchent les 300.000 signatures vérifiées nécessaires dans ce but. Ces derniers jours, le nombre de ces signatures a fortement crû, après que l’animateur TV Arjen Lubach ait dimanche dernier consacré une émission sur le sujet. Au moment d’écrire ces lignes, on en est déjà à 243.000 signatures. La date butoir est fixée au 16 octobre.
Si les signatures continuent de progresser au rythme actuel, il semblerait donc que le gouvernement néerlandais n’ait d’autre choix que d’organiser le référendum. Ce dernier pourrait avoir lieu en même temps que les élections communales en mars prochain, selon NRC, une info confirmée par un porte-parole du collège électoral. Selon ce dernier, les communes ont du reste déjà été informées qu’un référendum pourrait être organisé le 21 mars 2018.
Comme pareil référendum est purement consultatif, il se pourrait que le gouvernement néerlandais n’en tienne pas compte pour apporter d’éventuelles modifications à la loi controversée. C’est ce qu’il avait déjà fait avec le précédent référendum, où 61 pour cent des Néerlandais avaient voté contre le traité d’association européen avec l’Ukraine.
Le respect de la vie privée sous pression
Le référendum ouvrirait en tout cas un large débat sur les moyens que peut utiliser un gouvernement pour mettre des citoyens sur écoute et sur la limite à fixer au niveau du respect de la vie privée. Ce débat social a été à peine mené, selon les esprits critiques.
Le respect de la vie privée des internautes est sous pression dans d’autres pays encore. Cet été, le ministère américain de la Justice a ainsi réclamé les données d’1,3 million d’Américains qui visitaient un site web anti-Trump, une requête qui fut refusée par l’hébergeur dudit site.
Le gouvernement britannique entend lui aussi réglementer plus strictement internet. Après l’attaque terroriste à Londres, les autorités voulaient avoir accès aux services de messagerie protégés par un cryptage bout à bout, tels WhatsApp. Cette semaine encore, la secrétaire d’Etat à l’Intérieur Amber Rudd a déclaré qu’elle “n’acceptera plus que des entreprises technologiques permettent à des pédophiles et à d’autres criminels d’utiliser ce genre de services”.
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