Le puritanisme, produit d’exportation internet américain

Humo a perdu ses droits de publication sur sa page Facebook. Jeudi dernier, un courriel de Facebook est tombé dans la boîte mail du magazine flamand, indiquant que son action ‘Bol Het Af!’ enfreignait les règles du réseau social.

Humo a perdu ses droits de publication sur sa page Facebook. Jeudi dernier, un courriel de Facebook est tombé dans la boîte mail du magazine flamand, indiquant que son action ‘Bol Het Af!’ enfreignait les règles du réseau social. L’on ne sait pas pendant combien de temps le site d’Humo sera bloqué sur Facebook. Mais il s’agit en tout cas du énième cas d’une longue série d’actions de censure prises par des entreprises américaines puritaines, telles Facebook et Apple, à l’encontre d’Européens notamment.

A partir du 16ème siècle, l’Europe expédia en grande partie ses fanatiques religieux et autres puritains de l’autre côté de l’océan. Aujourd’hui, ils nous reviennent via internet et nous le font payer. Le succès mondial des iPhone, iPad et iTunes App Store d’Apple contraint aussi les éditeurs européens à s’adapter au puritanisme des Américains. Du moins s’ils veulent picorer l’une ou l’autre graine de cette réussite. Il est vrai qu’il ne faut pas envisager plus d’une graine, car Apple prélève de toute façon trente pour cent des rentrées. Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Les utilisateurs de l’iPad doivent se conformer à la morale puritaine américaine. La violence gratuite n’est pas un problème, mais la moindre trace de nu est bannie par la censure d’Apple. L’iPad est par exemple un appareil idéal pour les bandes dessinées numériques. Des éditeurs belges, français et néerlandais souhaiteraient sauter dans le train iPad. “Dans notre catalogue, nous avons pas mal de BD, dont je sais qu’elles ne trouveront pas grâce chez Apple”, déclare Johan Stuyck de l’éditeur Oogachtend (De Standaard).

La nouvelle BD Asem de Marc Legendre et Marcel Rouffa a été refusée par Apple tout simplement parce qu’on voit apparaître un sein dénudé dans une scène cruciale. L’éditeur est allé en appel. Résultat: la BD a pu accéder à l’App Store… mais dans la section réservée aux 17 ans et plus. C’est regrettable, car Asem est une BD sur l’incompréhension et la xénophobie, destinée aux jeunes de 13-14 ans.

Le nu est interdit, mais le lucre non, car c’est une pratique capitaliste… saine. Smurf’s Village (le village des Schtroumpfs) de l’entreprise japonaise CapCom Mobile est un super hit sur l’iPhone. Il peut être téléchargé gratuitement. Mais au bout de 30 secondes déjà, le jeu vous demande de l’argent: 3,99 dollars pour un seau de baies. Ce dont de nombreux joueurs, surtout parmi les jeunes, ne sont pas conscients, c’est que ces 3,99 dollars sont prélevés de leur compte App Store.

Et ce n’est pas fini. Une brouette pleine de baies coûte pas moins de 44,99 dollars. Il est donc possible de dépenser des dizaines de dollars en quelques minutes. Mais c’est apparemment toléré, car après tout, y a-t-il quelque chose de mal à gagner de l’argent, même si c’est sur le dos d’enfants et d’innocents? Apple n’est d’ailleurs pas la seule entreprise internet américaine à exporter ses normes et valeurs à l’échelle internationale. Facebook en est un autre exemple. Ici aussi, la censure sévit durement et l’on soutire des dizaines de dollars à des utilisateurs naïfs ou ignorants avec des jeux insignifiants tels que Farmville.

Nous, Européens, ne pouvons que regretter amèrement ce comportement, mais la faute nous en incombe un peu aussi. Nous n’avons en effet ni Apple, ni Google, ni Facebook. Nous avons tout vendu ou étouffé dans l’oeuf par un manque de stimulation, de stratégie et/ou d’innovation. Et aujourd’hui, nous voilà dans de beaux draps.

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