Rapport sur la durabilité de l’ICT: mesurer pour savoir

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La Banque mondiale estime la part du secteur ICT dans les émissions mondiales de CO2 à 1,7 pour cent. Elle appelle cela une évaluation prudente, car les rapports laissent souvent beaucoup à désirer.

Outre les émissions de CO2, la part de l’ICT dans la consommation énergétique mondiale augmente également. Frank Vandenheede, professeur d’éthique et de technologie chez Thomas More, affirme que le cloud laisse déjà une empreinte écologique plus forte que celle de l’industrie aéronautique. Selon ses conclusions, les centres de données en informatique dans le nuage (cloud computing) consomment quelque 3 pour cent de la production énergétique mondiale, avec une hausse jusqu’à 8 pour cent au cours des prochaines années.

Même si les chiffres parlent d’eux-mêmes, il manque une certification claire, comme cela est apparu lors du Green Tech Forum organisé à Bruxelles, où un panel d’experts a insisté sur la nécessité d’une telle certification et de méthodes de mesure robustes. Selon la Banque mondiale, la France est actuellement le seul pays où un organisme de régulation collecte les émissions et la consommation d’énergie du secteur des télécommunications. Loïs Ponce, qui effectue ces contrôles auprès de l’Arcep, souligne le processus complexe de collecte des données chez un grand nombre d’acteurs: ‘C’est un processus progressif. Nous partons d’une collaboration avec les opérateurs, car une obligation nous paraît plus difficile à atteindre.’

Cinq critères

Aiste Rugeviciute de l’université de La Rochelle en France pointe cinq facteurs qui rendent malasié un rapport clair: ‘Le premier obstacle est l’accès aux données. Celles-ci semblent souvent insuffisamment disponibles ou contiennent des hypothèses peu claires. Il est en outre possible d’effectuer l’analyse de haut en bas et de bas en haut. Dans le premier cas, on mesure d’abord à un niveau global et on répartit la consommation totale entre les différentes composantes de l’entreprise. L’alternative est de commencer au niveau micro et d’additionner toutes les données pour obtenir une somme totale.’

Un autre point d’attention concerne les limites. ‘Où commence et où finit la responsabilité d’une entreprise et qu’en est-il des émissions directes et indirectes’, explique la chercheuse. ‘Il faut également tenir compte du contexte géographique. Le refroidissement d’un centre de données est tout simplement plus gourmand en énergie dans les zones plus chaudes. Enfin, la méthodologie joue aussi un rôle déterminant. L’approche la plus logique consiste à diviser la consommation électrique en kilowattheures par le nombre de giga-octets de données traitées. Mais on peut aussi effectuer le calcul par utilisateur et utiliser l’efficience comme référence.’

Ne pas rester lettre morte

Subramanian Kuppuswami de Tata Consultancy Services indique que la conformité ne devrait pas être le motif final d’un rapport sur la durabilité: ‘Cela ne peut pas rester lettre morte. La réglementation CSRD oblige les entreprises à cartographier leur empreinte de manière plus explicite, mais ce qu’on fait de ces résultats, est plus important encore. Le retour sur investissement ne réside pas seulement dans le respect des obligations légales, mais également dans la contribution à un avenir durable et aux relations avec les parties prenantes.’

Dmytro Kapotia de TCO Development, qui certifie la durabilité des produits IT, estime que la réduction de CO2 de l’équipement se manifeste sur de nombreux axes: ‘Des données claires encouragent les fabricants à intégrer plus explicitement la durabilité dans la conception de leurs produits. Cela garantit également que les entreprises se concentrent sur une utilisation plus longue de leurs appareils, voire optent pour un reconditionnement. Outre le CO2 et la durabilité, je recommande aussi de prendre en compte la dimension sociale dans cette réflexion.’

Augmenter la pression sur les hyperscalers

Au cours du débat, il est ressorti clairement des réactions du public que la qualité des données sur la durabilité dépend des informations avec lesquelles on travaille. Et c’est là que le bât blesse souvent, en raison de rapports incohérents et incomplets. Aiste Rugeviciute est d’accord avec la nécessité de faire du lobbying pour inclure les grands fournisseurs et les hyperscalers dans la thématique. ‘Nous devons maintenir la pression. La Sustainable Digital Infrastructure Alliance, qui sera bientôt lancée sous la bannière de Leitmotiv Digital, aura un rôle important à jouer à cet égard.’

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