Sans chauffeur, et après ?

© Daimler AG

La connectivité, l’autonomie et les peurs soulevées par la voiture de demain alimentaient les nouvelles conférences Shift Automotive du dernier IFA de Berlin. Prévue dans un futur lointain, la banalisation des véhicules sans chauffeur excite toutefois l’imagination de BMW et Daimler à des degrés divers. Explications, sur place.

Du boom de la vente de pièces détachées en ligne à l’auto-partage sous toutes ses formes (1), la digitalisation accélérée de notre quotidien enterre doucement la voiture de papa. Tesla, Waymo (Google) et Uber se hissent en tête des acteurs déplaçant les lignes d’une industrie plus que jamais dépendante du logiciel. Si bien qu’en quelques années, les allées du Consumer Electronic Show de Las Vegas ont ainsi vu le nombre de constructeurs automobiles doubler. Copilote intelligent, pilotage autonome, électrification et autres écrans holographiques poussaient une dizaine de marques à y planter des stands l’an dernier. Des nouveaux acteurs électriques chinois, comme Byton et Faraday Future, y lâchaient également des avant-premières mondiales. Rien de tout cela à l’IFA de Berlin, cette semaine. Vides de nouveautés automobiles, le plus grand salon tech d’Europe (245.000 visiteurs) comblait ce trou béant, de justesse avec Shift Automotive.

Inaugurées cette année en collaboration avec le Salon Automobile de Genève, ces deux journées de conférences semestrielles (bouclées ce 5 septembre) décryptaient avec talent la voiture de demain. Objectifs ? Identifier les ” défis immédiats d’une mobilité en cours de disruption ” et ” sonder son futur lointain “. Des grosses têtes d’affiche issues des pouvoirs publics européens, du secteur de la recherche et bien entendu de l’industrie automobile tapissaient les panels de discussion. Et d’emblée, un clash des visions. Daniel Deparis, responsable du Smart Lab de Daimler, insistait ainsi sur l’importance ” de rendre la vie de ses clients plus facile aujourd’hui “, tandis que BMW détaillait des concepts de mobilité à 30 ans.

Vivre, manger et mourir dans sa voiture ?

” Quid du plaisir de conduire ? “. Interpellé par un spectateur sur la raison d’être du slogan de BMW face à la voiture autonome, John Schoenbeck, directeur stratégique du design de la marque bavaroise, reconnaissait, au premier jour des débats, que ” le plaisir de conduire est en danger. A l’avenir, nous parlerons plutôt du plaisir de voyager. Mais il y aura encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’en arriver là “. Brandissant le concept Inside Future (déjà présenté lors du CES 2017), Schoenbeck confirmait que BMW croit dur comme fer à l’accession de la voiture au statut de tiers lieu. Le conducteur ne devant plus conduire, cette dernière se transformerait en lieu de vie entre le travail et le domicile. Une vision également partagée – lors d’autres événements de ce type – par GM, Byton, Hyundai, Fiat Chrysler et Rinspeed.

Décorée de coussins, d’un tapis végétal et même d’une (vraie) petite bibliothèque, la voiture autonome de demain pourrait évoluer vers une forme de déplacement ferroviaire partagé. Une vision pour le moins rocambolesque où des ‘life units’ se déplacent sur des rails et pourraient se transformer en hôpital, bar ou galerie d’art, etc. Avant d’arriver à cette vision que BMW Group a développée avec Siemens et la Deutsche Bahn, il faudra toutefois que la voiture sans chauffeur regagne la confiance du public.

Sans chauffeur, et après ?
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Peur de la voiture autonome

Vie privée, choix moraux (qui tuer en cas d’accident ?), perte d’aptitudes à la conduite, sécurité physique, montée en puissance des GAFA (2) … les craintes restent vives, d’autant qu’un prototype autonome d’Uber tuait une passante en Arizona, il y a 6 mois. La confiance se regagnera en plaçant ” l’avis du conducteur et du passager au centre de sa conception “, selon Dale Harrow, directeur de l’Intelligent Mobility Design Centre du Royal College of Art de Londres. Le centre de design – fondé il y a à peine 2 ans – a ainsi dessiné des projets de véhicule autonome, d’ambulance et de taxi londonien en basant son travail sur des interviews d’utilisateurs concernés et… des dessins d’enfant.

Notons également que l’efficacité et donc l’intérêt des voitures autonomes varieront avec plus ou moins de force selon le pays et donc la culture dans laquelle elle évolue. ” En Allemagne, même s’il n’y pas de voiture à 30 km à la ronde, les gens attendent au feu rouge. En Inde, on prie son dieu pour s’en sortir vivant, note Peter Welles, professeur à l’Automotive Industry Research de Cardiff. Une voiture sans chauffeur ne bougera jamais dans le chaos de Mumbai tandis que des gamins s’amuseront à l’arrêter au Pays de Galles. “. L’an dernier, le cabinet d’étude Morgan Stanley prédisait que les voitures sans chauffeur de niveau 5 (totalement autonome) n’accuseront que 5 % de taux de pénétration au niveau global en 2030.

Daimler dans un éco-quartier

Au-delà de cet avenir plus que conditionnel, les débats du Shift Automotive se centraient sur le futur proche de la voiture connectée. Daniel Deparis, responsable du smart lab de Daimler, concluait ainsi sa keynote en insistant sur le fait que ” le moment était venu de proposer aux propriétaires de l’auto-partage et de la livraison de colis en voiture pour leur faciliter la vie “. Et ce dernier de pointer le projet de Future Living Berlin (Panasonic) auquel Daimler participe en livrant des Smart électriques partagées. Prévu l’an prochain, ce bloc d’habitations et de voitures électriques partagée sera alimenté par du solaire. Ou comment la solution ” Smart Grids ” du philosophe et penseur Jeremy Rifkin trouve une application pratique…

Cloud, analyse de la santé du conducteur via le siège, transmission de films et séries en 4K, gestion millimétrique du trafic, assurances observant à distance nos habitudes de conduite, etc. De 2018 à 2025, le marché de la voiture connectée devrait passer de 22,87 à 139,37 milliards ? pour une croissance annuelle moyenne de 15 % (4). ” Face à ce boom imminent, aux GAFA, à Elon Musk, et aux manifestations de chauffeurs Uber, il est urgent de réagir, concluait Karima Delli, députée européenne d’ Écologie Les Verts et présidente de la Commission Transports au Parlement européen. J’ai décidé de créer le premier sommet européen pour l’industrie automobile pour régler ces problèmes de protection de données automobile et pour essayer de créer une plate-forme multimodale ouverte. ” Gageons que des mesures seront prises sans délais. Car l’évolution technologique, elle, file à grande vitesse.

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