L’apprentissage machine pour anticiper les délits à la police

L'apprentissage machine au service de la lutte contre la criminalité. La police pourra-t-elle demain se contenter d'attendre les criminels ? © (Photo Predpol)

Prévoir un délit et l’éviter grâce à l’apprentissage machine ? Ce qui apparaît comme de la fiction est d’ores et déjà une réalité dans plusieurs zones de police des Etats-Unis. Tandis que la police fédérale belge s’intéresse également au ‘predictive policing’. Mais avec quelle précision les algorithmes peuvent-ils prévoir les futurs délits ?

Dans ‘Minority report’, un film de science-fiction américain de 2002, le personnage joué par Tom Cruise arrêtait des criminels avant même qu’ils n’aient attenté à la vie de personnes. Une idée qui, 17 ans plus tard, devient bien moins futuriste. Wim Hardyns, criminologue (UGent) : ” La plupart des services de police surveillent de plus près certaines zones sur base de statistiques de criminalité. Ils détachent un plus grand nombre de patrouilles dans les quartiers où l’on a par exemple recensé davantage de délits au cours de l’année écoulée. Ce ‘predictive policing’ anticipe les délits futurs au départ de prévisions étayées. ” Certes, les services d’ordre ne vont pas, comme dans le film, traquer les futurs criminels, mais bien se rendre sur les lieux au moment où un acte criminel pourrait être commis.

Tablette avec cartes prévisionnelles

Wim Hardyns s’est rendu aux Etats-Unis en voyage d’étude pour se familiariser avec les techniques déjà utilisées dans différents Etats. Ainsi, le corps de police de Los Angeles utilise le logiciel de Predpol. Les agents emportent une tablette en patrouille et peuvent visualiser sur une carte numérique où et quand un délit risque de se produire sur base de données agrégées. ” Plus près de chez nous, des exemples de ‘predictive policing’ ont vu le jour en Suisse et à Amsterdam, précise Wim Hardyns, même s’il s’agit d’une utilisation moins sophistiquée qu’outre-Atlantique. ”

Si plusieurs applications sont déjà opérationnelles, le nombre de tests de précision reste assez limité. L’Institute for International Research on Criminal Policy de l’Université de Gand est l’un des rares instituts de recherche à se pencher sur cette question. ” Les algorithmes de ‘predictive policing’ sont basés sur des informations combinées. Le modèle ne se contente pas de données historiques sur la criminalité. Nous y ajoutons un large éventail de jeux de données, comme des variables démographiques et socio-économiques. C’est ainsi que la présence de magasins peut avoir un impact important sur l’endroit d’un délit. Il en résulte des quantités gigantesques de données sur lesquelles nous appliquons l’apprentissage machine. ”

Jusqu’à 70% de précision

Les chercheurs traduisent les données collectées en cartes qui localisent les futurs cambriolages, des cases rouges indiquant un délit possible à un moment donné. Ces informations sont comparées par les chercheurs aux cambriolages qui ont réellement eu lieu. Et qu’a-t-on constaté ? De 50 à 70% des présomptions sont correctes. Un pourcentage qui, selon Wim Hardyns, donne une certaine crédibilité au projet.

Guy Theyskens, porte-parole de la Police fédérale, a déclaré au Tijd que les services de police ont besoin de tels outils. Le nouveau système informatique iPolice, qui doit voir le jour en 2020, doit collecter les données de l’ensemble des services de police dans le cloud et faciliter le ‘predictive policing’. L’ancien ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, avait déjà eu des mots plutôt élogieux pour ce travail prédictif de la police. ” Si vous parvenez à éviter de tels délits ou à démasquer des pédophiles ou des terroristes avant qu’ils ne passent à l’acte, ce serait une négligence coupable de ne pas utiliser une telle technologie. ”

Réserves

Wim Hardyns insiste pourtant sur le fait que les recherches se poursuivent. Il met également en lumière les possibles questions éthiques et objections. Les critiques portent notamment sur les risques de préjugés systématiques et le manque de transparence. Par ailleurs, un effet de déplacement pourrait se produire, les criminels changeant de territoire en réaction à une surveillance renforcée de la police. Voilà une dynamique que les modèles de données ne peuvent pas (encore) prévoir.

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