Dossier bien-être au travail: “Priorité aux soins auto-administrés”

© Martina Sessarego martinasessare

Un collaborateur bien dans sa peau travaille mieux. A présent que la guerre des talents fait plus que jamais rage, plusieurs start-up misent sur le bien-être au travail. “Il ne faut pas négliger l’aspect physique.”

Stress, manque de motivation, conflits entre personnes: un lieu de travail peut parfois se transformer en champ de bataille des émotions humaines, ce qui impacte fortement l’envie au travail. Car un collaborateur malheureux est un collaborateur improductif, comme le souligne d’expérience Alexandre Vandermeersch d’Evoluno. “Que l’on travaille dans une grande multinationale comme Procter & Gamble, dans une PME ou dans une start-up, comme maintenant, j’ai rencontré partout les mêmes problèmes. C’est pourquoi j’ai commencé début 2020, avec mes cofondateurs, à réfléchir à la meilleure manière d’aborder cette problématique.”

Nous savons que pour beaucoup de personnes, franchir la porte d’un psychologue est une étape très difficile.” ALEXANDRE VANDERMEERSCH

Ce n’est évidemment pas un hasard si Evoluno est née au milieu d’une pandémie. Si le problème du burn-out se posait déjà, il touche désormais toujours plus de personnes. Le profil de l’équipe de fondateurs, associant des spécialistes en données et un psychologue clinique, est un indicateur clair: celui des points de données et de la prévention.

Dès lors, Vandermeersch et ses collègues ont fait ce qui se passe trop peu souvent à leurs yeux: discuter avec des collaborateurs qui couraient un risque de burn-out pour leur demander ce qu’il fallait faire selon eux. “Il s’agissait non seulement de personnes présentant des symptômes réels, mais aussi des personnes qui n’avaient pas encore de problèmes. Car finalement, il s’agit aussi d’une question de perception, de ressenti. Mais en outre, on se heurte à beaucoup de déni: on ne veut pas en parler parce que l’on ne veut pas être considéré comme ‘le maillon faible’ de l’organisation. Appeler une ligne d’assistance comme il en existe parfois, est tout aussi difficile car il s’agit d’inconnus. S’adresser aux RH apparaît aussi comme délicat car ceux-ci sont perçus comme faisant partie de la direction. Nous devions donc trouver une autre approche plus positive et susceptible d’améliorer soi-même sa situation, son niveau de stress et ses interactions avec les collègues.”

Le résultat n’était finalement peut-être pas vraiment surprenant: les collaborateurs voulaient d’abord savoir ce qu’ils pouvaient faire eux-mêmes pour améliorer leur situation, avant de devoir en parler avec d’autres. “Pour ce faire, il est important qu’ils sachent exactement où le bât blesse: s’agit-il vraiment d’un épuisement ou simplement d’une fatigue et d’un besoin de vacances? C’est pourquoi nous avons privilégié l’auto-évaluation afin que la personne sache ce qu’elle a vraiment”, explique Vandermeersch.

Le résultat de cette étude préliminaire a débouché sur une solution de type ‘digital-first’. Une appli donc, disponible tant sur mobile que sur le Web, permettant d’évaluer le risque de burn-out en s’appuyant sur le Burnout Assessment Tool de la KULeuven. Et si le danger est identifié, l’appli propose différentes solutions, avec dans un premier temps des solutions auto-administrées. “Il s’agit par exemple de plusieurs courtes pistes audio pour apprendre à gérer le stress ou aborder autrement les interactions avec des collègues, poursuit Vandermeersch. Ce sont en somme de petits cours en ligne qui se basent fortement sur la thérapie comportementale cognitive et sur la thérapie de l’acceptation. On propose également des exercices pratiques qui vous aident à changer votre vie au quotidien.”

Et si la situation devient vraiment grave, Evoluno ne vous laisse pas pour autant tomber. “Nous savons que pour beaucoup de personnes, franchir la porte d’un psychologue est une étape très difficile, ajoute-t-il. C’est pourquoi nous suggérons au départ de l’appli de franchir le pas si c’est nécessaire. Nous avons un réseau étendu de spécialistes que l’on peut contacter pour une session en ligne ou au choix un face-à-face. Et si nous n’avons aucun psychologue capable de vous aider, nous faisons intervenir un ‘case manager’ qui recherchera avec vous l’aide la plus adéquate.”

Avec cette approche, Evoluno promet une économie de 100.000 ? par mille collaborateurs. “C’est naturellement une estimation, nuance Vandermeersch. Nous nous basons pour ce faire sur le fait que le présentéisme – les collaborateurs qui sont physiquement présents, mais mentalement moins – est en somme le poste de coût le plus important dans une entreprise. L’atout principal de notre outil est de délivrer des résultats presque directement et donc d’avoir un véritable retour sur investissement. Car vous savez, on considère souvent les RH comme un pur coût, alors que notre solution peut générer des résultats. Et soyons honnêtes: un employeur qui investit dans le bien-être de ses collaborateurs se donne aussi une image attractive.”

Ne pas se limiter aux portes de son bureau.” JELLE VAN DE VELDE

La santé en général

“Le bien-être va au-delà du seul bien-être au travail, estime de son côté Jelle Van De Velde de Leadlife. Il convient de prendre en considération l’ensemble de son style de vie et de ne pas se limiter aux portes de son bureau. Nous voulons mener les gens au top de leurs performances, ce qui nécessite d’analyser l’ensemble des facteurs, et pas seulement le mental, mais aussi le physique.”

Dans cette optique, Leadlife a mis au point une plateforme qui permet aux personnes d’analyser leur style de vie à la fois présent et futur. “Pour ce faire, nous procédons à différentes mesures qui permettent de cartographier la santé d’une personne, dixit le CEO. Les gens peuvent s’adresser à nous pour de multiples analyses (ADN, sang, urine, salive) et tests (ECG, spirométrie, functional movement screening, test à l’effort, etc.). Les résultats fournissent de très nombreux points de données que nous pouvons corréler et qui permettent aux médecins et experts de la santé de tirer des conclusions. C’est ainsi qu’un test de cortisol peut par exemple permettre de détecter une fatigue surrénale, ce qui est lié au burn-out.”

JELLE VAN DE VELDE
JELLE VAN DE VELDE© STYN.be

L’association de toutes ces données fournit des scores qui peuvent donner des indications sur le style de vie actuel. Vous recevez des résultats séparés pour les mouvements, l’alimentation, le stress, le sommeil et la santé en général – comme le risque de maladie cardiaque ou vasculaire ou encore le diabète -, ce qui vous permet de savoir quel domaine vous devez surveiller plus spécialement. “Sur la base de ces tests, un entretien est organisé avec un médecin et un expert en santé qui vous proposent un plan personnalisé pour le semestre à venir. Car le but est de procéder à de nouvelles analyses tous les six mois afin de voir la progression.”

Qu’en est-il de la sécurité et de la discrétion par rapport à toutes ces données personnelles? “Celles-ci sont conservées dans un coffre-fort personnel sur lequel vous avez tout pouvoir. Vous déterminez donc qui peut accéder à quelles données et durant combien de temps”, précise Van De Velde.

Pas uniquement de la prévention au travail donc, mais sur toute la vie. “Nous considérons les entreprises uniquement comme un facilitateur pour notre service à leurs collaborateurs, note encore Van De Velde, ce qui leur permet non seulement de travailler dans un environnement agréable et sain, mais aussi d’être stimulés pour vivre sainement. Et cette motivation personnelle peut être différente d’un individu à l’autre: l’un veut prendre ses distances, un autre se sent extrêmement fatigué et souhaite décrocher, etc.”

En résumé? Bien-être, prédiction et personnalisation, même si ce deuxième aspect reste un peu futuriste. “Mais on y travaille d’arrache-pied, insiste-t-on. Grâce à l’IA, l’idée est ancrée dans notre système. A long terme, notre ambition est de prévenir les gens avant qu’ils ne soient malades. Pour ce faire, nous avons besoin de très grands ensembles de données pour nous permettre d’établir de multiples corrélations. Ce type d’algorithmes prédictifs est en plein développement, mais nous ne sommes pas encore suffisamment proches du but pour prendre des engagements précis.”

Et l’aspect mental, alors? “Nous ne dissocions pas le physique du mental, fait-on remarquer. Nous envisageons le tout de manière intégrative et nous analysons donc à la fois l’alimentation, les mouvements, le stress et le sommeil. La santé est un tout, car il peut très bien se faire qu’une personne qui se sent toujours fatiguée souffre effectivement de fatigue surrénale, mais qu’elle puisse tout aussi bien avoir une carence en fer et qu’il ne soit nullement question de burn-out. Il faut donc aussi intégrer cette dimension physique dans la mesure où une alimentation ou de mauvais gestes fassent en sorte que l’on se sente mal. Il faut donc voir l’ensemble.”

Désormais, Leadlife a réussi à convaincre toute une série d’entreprises de son approche, et parmi elles AB InBev, la SNCB et Ghelamco dont les collaborateurs sont accompagnés par les services de la start-up. “Ils ont été convaincus précisément par notre vision globale”, résume Van De Velde.

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