Omar Mohout

Les starters ne doivent-ils pas plus souvent remporter une Gazelle ou un Lion?

Omar Mohout Le serial entrepreneur Omar Mohout encadre des start-ups et de jeunes entrepreneurs, et est conseiller chez Sirris, le centre collectif de l'industrie technologique belge.

Fonder une petite entreprise de software ou web ne coûte plus rien. En un week-end, il est possible de mettre au point un minimal viable product: créer une simple appli, c’est l’affaire de quelques heures. Voilà qui explique l’explosion des startups dans tous les coins du monde avec les entrepreneurs de la Silicon Valley comme nouvelles têtes d’affiche. Etre entrepreneur ou co-fondateur, c’est übercool aujourd’hui.

Fonder une petite entreprise de software ou web ne coûte plus rien. En un week-end, il est possible de mettre au point un minimal viable product: créer une simple appli, c’est l’affaire de quelques heures. Voilà qui explique l’explosion des startups dans tous les coins du monde avec les entrepreneurs de la Silicon Valley comme nouvelles têtes d’affiche. Etre entrepreneur ou co-fondateur, c’est übercool aujourd’hui.

Pourquoi la création d’un produit/service software ou web est-elle si abordable?

Il y a pas mal de logiciels open source disponibles. Les langages de script se trouvent partout, de même d’ailleurs que les structures pour applis web. Les développeurs ont donc accès à un ensemble d’outils extrêmement puissant.

Il y a une autre raison pour laquelle l’on peut aisément créer du software: l’API. Pourquoi encoderiez-vous encore vous-même tous les éléments de votre application, si vous pouvez utiliser d’innombrables outils basés ‘cloud’ pour les paiements, les formulaires d’inscription, la facturation, le support clientèle, l’hébergement, les bases de données ‘back-end’, le monitoring et l’analyse? Utilisez simplement des API permettant à vos données de passer par une chaîne de services reliés.

Et même si vous n’êtes pas en mesure de programmer, concevoir ou créer un site web, ce n’est pas un problème car aujourd’hui, vous pouvez louer des programmeurs offshore, qui travaillent ailleurs dans le monde pour bien moins cher que ce que cela vous coûterait localement.

Qu’en est-il du modèle commercial de la startup?

Le ‘Business Model Canvas’, le ‘Lean Canvas’, la méthodologie ‘Lean Startup’ et le modèle ‘Customer Development’ sont des méthodes écrites à la mesure des startups. Ces modèles ont trois caractéristiques en commun: ils sont bien documentés, ils ont été efficacement testés et peuvent être utilisés gratuitement.

Les méthodes susmentionnées peuvent donc être appliquées et utilisées par quasiment toutes les entreprises, mais de par leur nature, elles conviennent surtout pour les entreprises de software et web, où la norme est au pivotement, à la répétition, à l’expérimentation et au feedback direct des clients. En outre, les startups n’exigent que peu de capex et recourent à des freelances pour garder leur organisation aussi svelte que possible.

Ce qui rend ces nouvelles méthodes aussi innovantes, c’est qu’elles sont si proches des clients que d’éventuelles erreurs sont découvertes à un stade précoce et que du temps et de l’argent peuvent ainsi être économisés. “Echouer vite, échouer à bon compte et échouer souvent”, tel est le principe de base de la startup.

Il existe des accords portant sur la façon de travailler utilisée depuis des années en ingénierie software et qui a finalement trouvé sa voie vers les entreprises. Le business plan de 50 pages est complètement dépassé, tout comme le ‘modèle en cascade’ est devenu le dinosaure du développement des logiciels.

Les nouveaux modèles commerciaux sont pour les entreprises ce que représente le travail rapide, adroit et agile pour l’ingénierie software. Les geeks sont prêts à bondir pour accueillir les nouveaux modèles et ce, contrairement à de nombreux MBA (Master of Business Administration). Dans un certain sens, il s’agit d’une énigme pour le Big Four, comparable au dilemme du rénovateur d’entreprise.

Evolutivité du modèle commercial de la startup

Le dernier point intéressant, et peut-être le plus important de tous, c’est que les startups utilisent un modèle commercial évolutif, basé sur des actifs immatériels. Pensons à la musique, à la littérature, aux films, aux photos, mais aussi aux brevets, à la franchise et au software. La limite principale des entreprises ayant beaucoup de personnel est simple: les personnes ne sont pas évolutives.

Les avantages d’échelle d’un modèle basé sur le personnel ont un impact minime, si on les compare avec les énormes leviers des modèles commerciaux basés IP. Pensez-vous que McDonalds aurait encore 34.000 filiales dans 119 pays, si l’entreprise construisait et gérait elle-même ses restaurants plutôt que des franchisés?

Une startup est une entreprise où le produit occupe la partie centrale, et qui peut prendre des proportions mondiales, sans être directement dépendante du capital humain. Il en résulte que les startups n’ont pas nécessairement beaucoup de collaborateurs sur leur liste salariale.

A propos des opportunités du marché

Nous vivons dans un monde, où le software stimule non seulement tout ce qui est numérique, mais bouleverse aussi chaque industrie. Voilà qui explique pourquoi des entreprises en vue, qui s’occupent de commerce de détail, de vidéo, de musique, de télécommunications, de voyages, d’hospitalité, de marketing, de photographie, de paiements, de recrutement, d’actualités, de traduction et d’enseignement sont aujourd’hui toutes des entreprises (assistées) par du software.

Il n’en va pas autrement en Belgique. Les principaux spécialistes de l’immobilier (Immoweb), station radio (Radionomy), annonces (tweedehands/2ememain.be), cartographie (Tele Atlas), chambre de compensation (SWIFT), services de ressources humaines (NorthgateArinso), Pages d’Or (Truvo) et sites de rencontres (Twoo) sont tous assistée par du software.

Pour les entreprises orientées services, l’impact du software est déjà très clair, et l’on sait aussi déjà comment le software absorbera la production: robots et impression 3D. Le software n’est plus une industrie en soi. Cette façon de penser est complètement dépassée. C’est comme qualifier toutes les entreprises du 20ème siècle d’entreprises ‘papier-crayon’ parce qu’elles écrivaient des choses et effectuaient des calculs sur du papier.

Qu’en est-il de l’accès au marché?

Ici, la réponse est assez simple: dès que vous êtes en ligne, vous pouvez atteindre 2 milliards d’abonnés au haut débit, dont la plupart sont prêts à communiquer en anglais avec vous.

Avant, seules les multinationales pouvaient exporter des produits et services à l’étranger. Aujourd’hui, même un particulier peut facilement commander ou vendre un produit de l’autre côté de la planète. Il en résulte que les startups belges tirent souvent une grande partie de leurs rentrées de l’étranger. Des startups comme Woorank ou Engagor pourraient-elles survivre sans rentrées ‘étrangères’?

Le monde entier peut certes devenir votre marché, mais le revers de la médaille, c’est que ce monde vient aussi vers vous. Vous commencez dès le début à être un concurrent mondial. C’est précisément ce Darwinisme international qui fait d’un agrandissement d’échelle rapide une importante condition pour la réussite d’une startup.

Le lancement d’une startup peut être économique, mais pour sa croissance et son agrandissement d’échelle, il faut plonger profondément dans son portefeuille. Voici donc deux raisons pour lesquelles la plupart des startups sont vouées à l’échec, même si elles disposent d’un modèle commercial sain: le manque de capital pour financer la croissance, en combinaison avec une concurrence mondiale féroce.

A propos des rentrées

Avec une haute valeur ajoutée (des marges brutes jusqu’à 95 pour cent), les rentrées basées sur l’innovation tirées du software sont moindres, tout en étant supérieures cependant à celles basées sur le volume d’un grand distributeur, où une grande partie des rentrées se compose des coûts d’achats de marchandises et où les marges sont faibles.

Le jeu des trophées

En résumé succinct, une start-up qui réussit, est non seulement une Gazelle (se livrer à de l’agrandissement d’échelle ou périr), mais aussi un Lion (exporter ou périr) et une championne dans la création de valeur (rentabilité économique).

Comment se fait-il dès lors que les startups ne remportent, façon de parler, jamais le prestigieux trophée Gazelle organisé par des magazines professionnels respectables comme Trends et Trends/Tendances? Malheureusement parce que les principales conditions pour être prises en considération reposent sur la création d’emplois, les rentrées et un cash flow positif. Précisément trois éléments sur lesquels les startups ne se distinguent pas.

Répétons-le: les startups créent une valeur économique substantielle avec une équipe relativement modeste – souvent rien que le ou les fondateur(s) et une poignée de freelances. Voilà pourquoi elles ne sont pas repérées par le radar (partial) des organisateurs de ce genre de concours. Et pourtant, les startups sont bien par définition les authentiques Gazelles dans le paysage professionnel.

Le Lion de l’Exportation est un prix renommé en Belgique, qui souligne l’importance économique de l’exportation pour les régions. Et malgré le fait que le concept ‘exportation’ soit étranger aux startups – leurs rentrées numériques ne passent pas la douane et sont donc ‘invisibles’ pour les pouvoirs publics -, toujours plus d’entreprises technologiques remportent néanmoins ce trophée. Du moins, si elles ont du personnel en suffisance.

Pourquoi attribuerait-on des trophées généraux?

Très simple: des trophées pour les starters pourraient inspirer nos jeunes à devenir entrepreneurs et ce, d’une manière qui ne sera jamais à la portée d’un CEO d’un magasin de chaussures confirmé.

Nous savons tous que nous avons besoin de plus d’entrepreneurs dans ce pays. Ils assurent le renouvellement et génèrent la valeur économique. Ils ne sont malheureusement pas récompensés par les concours susmentionnés, qui créent ainsi une ‘tache aveugle’ dans les médias généraux et donc aussi dans les yeux des décideurs socio-économiques et politiques de ce pays.

Le récent lancement de food.be – qui associe le chocolat, les gaufres, les frites et la bière à ce qu’il y a de ‘mieux en Belgique’ – est un symptôme de cette myopie.

Nous devons placer les startups sous les feux de la rampe, afin qu’elles puissent servir d’exemples aux jeunes et aux moins jeunes d’ailleurs qui envisagent d’entreprendre. Si vous venez de terminer vos études, la chance est grande que le dernier lauréat de la Gazelle, du Lion de l’Exportation ou du Meilleur Employeur de l’année soit un modèle à suivre pour vous.

La seule chose que ces trophées font, c’est de vous motiver à travailler pour les gagnants. C’est en soi une bonne chose pour les lauréats, mais nous avons beaucoup besoin de bien plus que cela. Voilà pourquoi les startups méritent autant d’attention de la part des médias généraux.

Nous conclurons par ces mots de Thomas Friedman: chaque matin, une gazelle s’éveille en Afrique. Elle sait qu’elle devra courir plus vite que le lion le plus rapide, sous peine de mourir. Chaque matin, un lion s’éveille. Il sait qu’il devra être plus rapide que la gazelle la plus lente, sous peine de mourir de faim. Peu importe que vous soyez un lion ou une gazelle. Lorsque le soleil se lève, mieux vaut partir du bon pied.

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