Les opérateurs pas toujours unanimes à propos des réseaux 5G dans les entreprises

Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Alors que les enchères du spectre 5G se rapprochent à grands pas, les opérateurs télécoms belges acceptent que nous lisions dans leurs cartes stratégiques. On y trouve manifestement pas mal de nuances, surtout en matière de ‘5G privé’.

On découvre progressivement la façon dont les fournisseurs de la 5G se profileront sur le marché. Data News a réuni Orange Belgium, Proximus et Telenet, à savoir nos trois grands opérateurs mobiles, autour d’une table ronde virtuelle. L’attente est que le trio décroche bientôt le spectre 5G voulu durant les enchères et ce, même si Citymesh (qui fait partie du groupe Cegeka) et NRB seront eux aussi candidats.

Lors du débat regroupant les trois grands opérateurs, il est clair qu’ils sont en grande partie d’accord: l’avenir mobile sera hybride – la 5G s’ajoutera à la 4G, et la 3G n’est pas encore prête de disparaître – et ce sont les écosystèmes et les services de chacun qui feront la différence. Pour les opérateurs, la 5G deviendra clairement aussi une affaire B2B et pas seulement un réseau plus rapide pour les consommateurs. Car pour eux, ‘la 5G va modifier la façon dont une entreprise fonctionne. Dans l’industrie par exemple, la 5G pourra être la clé regroupant IT et OT’, déclare Werner De Laet, Chief Enterprise Officer chez Orange Belgium. ‘La 5G sera un catalyseur d’innovations. Chaque secteur cherchera et trouvera des applications pour la 5G’, estime Anne-Sophie Lotgering, Chief Enterprise Market Officer chez Proximus. ‘Dans un premier temps, la 5G sera plus intéressante en B2B qu’en B2C’, affirme aussi Geert Degezelle, Executive VP chez Telenet Business.

Le slicing sur le réseau public apparaîtra à terme comme la meilleure approche.

Geert Degezelle (Telenet)
Geert Degezelle (Telenet)© DN

Réseau privé, mais comment?

Le débat révéla certes des divergence, lorsqu’il fut question de la manière de mettre en oeuvre des réseaux ‘5G privés’ pour les entreprises. Selon Proximus, dans la pratique, les entreprises voudront surtout bénéficier d’un 5G-MPN (Mobile Private Network). Dans ce cas, elles utiliseront sur un site privé, comme un parc commercial ou un hall de production, un réseau 5G local comme lieu de couverture. ‘Un MPN offrira encore plus d’avantages que le réseau public’, précise Anne-Sophie Lotgering. ‘L’entreprise aura le contrôle complet de son réseau. Il n’y aura pas d’interférences et encore moins de latence. L’atout principal résidera cependant dans le fait que toutes les données resteront sur site.’

‘Je doute que le MPN soit judicieux, particulièrement en Belgique’, se défend illico Werner De Laet. ‘Nos entreprises ne sont pas suffisamment grandes pour en tirer un véritable avantage d’échelle. N’oublions pas qu’on n’installe pas un 5G-MPN simplement en tant qu’alternative au wifi.’ En matière de coûts, Werner De Laet émet également des réserves. ‘Lorsqu’une entreprise assurera elle-même la maintenance de son réseau 5G privé, elle assumera alors en fait le rôle d’opérateur. Or c’est précisément ce que ne veulent pas la plupart des entreprises.’ Orange voit davantage son salut dans le modèle hybride, par lequel une entreprise utilisera une tranche privée sur le réseau 5G public. ‘Selon moi, on en arrivera alors vite à 30% d’économie’, prétend Werner De Laet.

Lorsqu’une entreprise assurera elle-même la maintenance de son réseau 5G privé, elle assumera alors en fait le rôle d’opérateur. Or c’est précisément ce que ne veulent pas la plupart des entreprises.

Werner De Laet (Orange)
Werner De Laet (Orange)© DN

Anne-Sophie Lotgering est d’accord pour dire que le MPN n’est peut-être pas adapté à la PME. ‘Mais la Belgique déborde de secteurs qui sont des primo adoptants (early adopters) de nouvelles technologies, tels les firmes de production, la logistique, les soins de santé et le secteur public. C’est là que le MPN représentera une véritable valeur ajoutée en tant que catalyseur d’innovations’, déclare-t-elle. Proximus a déjà installé des MPN dans son centre de tests Fabriek Logistiek de Gand. Le premier 5G-MPN belge, Proximus l’a mis en oeuvre chez A6K, une organisation de réseaux pour firmes technologiques, à Charleroi.

Dans de nombreux secteurs, le MPN représentera une véritable valeur ajoutée en tant que catalyseur d’innovations.

Anne-Sophie Lotgering (Proximus)
Anne-Sophie Lotgering (Proximus)© DN

Gérer un 5G-MPN sous-entendra cependant plus que simplement déployer un réseau, selon Telenet Business. ‘Il y aura sans aucun doute des applications valables pour le 5G-MPN’, explique Geert Degezelle. ‘Mais je considère cette solution plutôt comme une étape intermédiaire, après quoi le slicing sur le réseau public apparaîtra à terme quand même comme la meilleure approche.’ Avec le slicing (tranchage), une application se verra attribuer une tranche (slice) de la bande passante sur le réseau 5G public. De son côté, Anne-Sophie Lotgering n’est pas convaincue que le tranchage répondra à tous les besoins: ‘Nous devrons proposer des MPN dans des situations spécifiques en plus du slicing. Or la demande de 5G-MPN ne sera pas marginale, comme le prouvent les chiffres globaux et européens.’

‘Selon moi, le MPN sera la solution pour une phase de transition. Précédemment, les entreprises géraient leur propre centre de données, tandis que maintenant, elles investissent massivement dans le nuage. J’envisage une évolution similaire pour le MPN. A terme, les entreprises ne souhaiteront plus, selon moi, assumer le rôle de ‘petit opérateur’ pour leur réseau mobile privé’, conclut Werner De Laet.

Le compte-rendu complet de cette table ronde virtuelle sur la 5G regroupant Proximus, Orange Belgium et Telenet, vous pouvez le lire dans le numéro 3/2022 de Data News du 7 juin, ainsi que via MesMagazines et l’appli.

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