Lancé dans l’espace, le téléscope James Webb prêt à voir plus loin dans l’Univers

Décollage réussi samedi pour le télescope spatial James Webb (JWST), attendu depuis trente ans par les astronomes du monde entier pour examiner l’Univers avec des moyens inégalés, qui va pouvoir rejoindre son poste d’observation, à 1,5 million de km de la Terre.

Le JWST, le plus puissant téléscope spatial jamais conçu, a décollé avec une fusée Ariane 5 du Centre spatial guyanais à 13H20 HB, avant de se séparer 27 minutes plus tard, comme prévu. “Bonne séparation Webb télescope, Go Webb”, a annoncé le directeur des opérations de lancement Jean-Luc Voyer depuis le bocal du centre de contrôle, à Kourou, sous des tonnerres d’applaudissements. “Une importante étape a été franchie”, a tweeté la Nasa, qui a fabriqué le JWST avec la collaboration des agences spatiales européenne (ESA) et canadienne (ACS). Le groupe Arianespace a salué de son côté “le meilleur cadeau de Noël qui soit”, avec ce lancement.

Juste après son envol, le téléscope a survolé l’Atlantique, puis l’Afrique, jusqu’à la séparation finale, intervenue à 1.400 km d’altitude et une vitesse de plus de 34.000 km/h. Une caméra embarquée sur l’étage supérieur d’Ariane a montré cette séparation et surtout le déploiement des panneaux solaires du JamesWebb.

Le téléscope mettra environ un mois pour rejoindre sa position finale. Avec l’ambition d’éclairer plus avant l’humanité sur deux questions qui la taraudent: “d’où venons-nous?” et “sommes-nous seuls dans l’Univers?”. Et apercevoir ainsi les lueurs de “l’aube cosmique”, quand les premières galaxies ont commencé à éclairer l’Univers depuis le Big bang, il y a 13,8 milliards d’années. Il permettra de mieux comprendre la formation des étoiles et des galaxies, et observer les exoplanètes dont les astronomes découvrent toujours plus de spécimens, pour y identifier peut-être un jour d’autres Terres.

Le JamesWebb va marcher dans les pas du télescope Hubble, qui a révolutionné l’observation de l’Univers: c’est grâce à lui que les scientifiques ont découvert l’existence d’un trou noir galactique au centre de toutes les galaxies, ou de vapeur d’eau autour d’exoplanètes. Imaginé par la Nasa dès le lancement de Hubble en 1990, le JWST s’en distingue à plus d’un titre.

La taille de son miroir, de 6,5 mètres d’envergure, lui procure une surface et donc une sensibilité sept fois plus grande, suffisante pour détecter la signature thermique d’un bourdon sur la Lune.

Autre différence: son mode d’observation. Là où Hubble observe l’espace essentiellement dans le domaine de la lumière visible, JamesWebb s’aventure dans une longueur d’onde échappant à l’oeil: l’infra-rouge proche et moyen. Un rayonnement que tout corps, astre, humain ou fleur, émet naturellement. Cette lumière sera étudiée par quatre instruments, munis d’imageurs et de spectrographes pour mieux la disséquer. Leur développement a mobilisé une pléthore d’ingénieurs et scientifiques, sous la houlette de laboratoires et industriels américains et européens.

Grâce à cela “en regardant les mêmes objets (qu’avec Hubble), on verra de nouvelles choses”, expliquait à Paris l’astronome Pierre Ferruit, co-responsable scientifique du télescope pour l’ESA. Par exemple les premières galaxies, des objets dont l’éloignement a fait virer leurs lumières vers le rouge. Ou les jeunes colonies d’étoiles, qui grandissent masquées dans les nuages de poussière de leurs pouponnières. Ou encore l’atmosphère des exoplanètes.

La condition impérative au bon fonctionnement du JWST est une température ambiante si basse qu’elle ne trouble pas l’examen de la lumière. Hubble est en orbite à quelque 600 km au-dessus de la Terre. A cette distance, le JWST serait inutilisable, chauffé par le soleil et sa réflexion sur la Terre et la Lune. Il va être placé à l’issue d’un voyage d’un mois à 1,5 million de km de là. Et sera protégé du rayonnement solaire par un bouclier thermique de cinq voiles souples qui dissipera la chaleur, abaissant la température (qui est de 80°) à -233 degrés côté télescope.

Mais avant d’en arriver là, la machine et ses concepteurs vont devoir réaliser un véritable exploit: son déploiement sans failles, avec une série d’opérations impliquant par exemple pour le seul bouclier 140 mécanismes d’ouverture, 400 poulies et presque 400 mètres de câbles.

Car l’observatoire, avec ses 12 mètres de haut et un bouclier équivalant à un court de tennis, a dû être plié pour se glisser dans la coiffe d’Ariane 5. “L’encapsulage” s’est effectué avec guidage laser pour éviter tout dommage à l’instrument, dont le développement a coûté quelque dix milliards de dollars.

Pour ces manoeuvres, la Nasa a aussi imposé des mesures draconiennes de propreté pour éviter toute contamination du miroir du télescope, par des particules ou même une haleine chargée… Il faudra plusieurs semaines pour savoir si le télescope est prêt à fonctionner. Avec une entrée officielle en service prévue en juin.

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