Peter Dedecker

Une mer agitée pour le Captain Jack: pas mal de défis à relever pour le nouveau patron de l’IBPT

Peter Dedecker Peter Dedecker est parlementaire de la N-VA.

Depuis le 1er septembre, Jack Hamande est le nouveau président du contrôleur télécoms belge, l’IBPT. Un certain nombre défis l’attendent: il y a en effet non seulement les risques et autres pièges dans la régulation des acteurs en vue que sont Belgacom et Telenet, ainsi que la stimulation de la compétitivité sur le marché télécoms, mais aussi les relations avec un ministre de tutelle qui fait de la lutte en faveur des consommateurs dans le secteur télécoms son programme de campagne. Mais d’abord et surtout, il faudra qu’il résiste à la tempête provoquée par sa nomination.

Depuis le 1er septembre, Jack Hamande est le nouveau président du contrôleur télécoms belge, l’IBPT. Un certain nombre défis l’attendent: il y a en effet non seulement les risques et autres pièges dans la régulation des acteurs en vue que sont Belgacom et Telenet, ainsi que la stimulation de la compétitivité sur le marché télécoms, mais aussi les relations avec un ministre de tutelle qui fait de la lutte en faveur des consommateurs dans le secteur télécoms son programme de campagne. Mais d’abord et surtout, il faudra qu’il résiste à la tempête provoquée par sa nomination.

La manière dont celle-ci s’est déroulée, suscite en effet de nombreuses questions. En 2009, il y avait plusieurs candidats pour un mandat à l’IBPT: Jack Hamande, Luc Hindryckx, Charles Cuvelliez, ainsi que les ex-membres du conseil liés au PS et au MR Georges Denef et Michel Van Bellingen. Un jury indépendant sélectionna Hindryckx et Cuvelliez, parce qu’il les trouvait donc meilleurs qu’Hamande. Denef et Van Bellingen n’étaient plus pris en considération. Aujourd’hui, après que le Conseil d’Etat a cassé la nomination de Luc Hindryckx, un autre jury a décidé que Jack Hamande convenait mieux que Luc Hindryckx pour diriger l’IBPT. Les mêmes candidats, un autre jury et un résultat différent. Cela appelle une certaine relativité. Jack Hamande devra donc convaincre les esprits critiques qu’il est bien le meilleur choix possible, et que cela n’est pas le résultat d’une pression politique exercée par l’actionnaire principal de son actuel employeur, Belgacom.

La fonction actuelle assumée par Jack Hamande, Director Public Affairs chez Belgacom, n’est pas un problème en soi: pour un président du régulateur télécoms, une connaissance étendue du secteur et de la régulation (affaires publiques) est une nécessité, et on la trouve bien entendu aussi et surtout chez les acteurs actuels du marché. Une période d’épouillage est surtout nécessaire dans le cas contraire, lorsque quelqu’un migre d’une fonction chez le régulateur vers un emploi chez un opérateur. L’on dispose en effet alors d’informations confidentielles sur les concurrents.

Il en va de même du reste pour Luc Vanfleteren, qui a travaillé chez Telenet et qui prend la place de Catherine Rutten. Belgacom et Telenet ont été incités sans ménagement par l’ancien Conseil de l’IBPT pour ouvrir leurs réseaux. Tant Hamande que Vanfleteren vont devoir démontrer qu’ils possèdent la dose de professionnalisme requise et qu’ils peuvent couper aussitôt les liens avec leurs précédents employeurs pour progresser sur le chemin de la stimulation de la concurrence sur le marché télécoms. Le précédent Conseil de l’IBPT avait (entre autres) comme priorité la suppression des obstacles imposés par Belgacom aux acteurs qui veulent utiliser son réseau. Cela doit rester une priorité.

La relation avec le monde politique en général et avec le ministre de tutelle en particulier promet d’être également un fameux défi à relever. Tout président d’un régulateur autonome trouverait par exemple insupportable le fait que Georges Denef et Michel Van Bellingen, non renommés par le jury indépendant, soient néanmoins imposés à l’IBPT par le PS et le MR par le biais de postes influents, grassement rémunérés et tout spécialement créés de “chargés de missions particulières”. Avec l’annulation de la présidence de Luc Hindryckx, leur nomination a elle aussi été cassée. Lorsque je posai la question, le ministre Vande Lanotte affirma qu’il n’était pas demandeur à ce que ces pions du PS et du MR occupent de nouveau des fonctions de “chargés de missions particulières”. Il ajouta aussitôt que cela était du ressort d’un IBPT autonome. Pour une bonne compréhension: si le nouveau Conseil de l’IBPT décide de réengager ces deux messieurs, pour conserver la paix sous la pression politique, le ministre peut dire à la façon de Shaggy: “It wasn’t me”. La seule solution ferme est de supprimer simplement de la loi le statut complètement superflu de “chargé de missions particulières”, mais ni le ministre ni la majorité Di Rupo I ne l’ont jamais voulu. Je vais de nouveau introduire une proposition de loi dans le but d’y mettre fin et de renforcer encore l’autonomie du régulateur au niveau de son contenu et de son organisation.

Le nouveau directeur de l’IBPT devra surtout trouver un équilibre entre l’aspiration à un marché concurrentiel avec un bon climat d’investissement d’une part, et son intégration à la campagne (électorale) du ministre en charge des consommateurs d’autre part. Le ministre de l’économie se profile en effet surtout comme le ministre des consommateurs qui, après le secteur de l’énergie, dirige ses flèches vers le secteur télécoms. Alors que chaque parti a approuvé le principe que les consommateurs peuvent changer d’opérateur gratuitement après six mois, Telenet a lancé ses formules King & Kong (à l’époque encore) offensives. D’autres opérateurs ont dû suivre, après que les consommateurs se soient massivement mis à comparer les prix et changé d’opérateur. Une très bonne chose pour un fonctionnement optimal du marché. A présent, le ministre veut toutefois passer du principe de “renforcer le consommateur” à celui de “le cocooner”, ce qui hypothèque le bon fonctionnement du marché et les marges nécessaires pour des investissements dans de nouveaux réseaux qualitatifs. Il faut aussi que la qualité de nos réseaux télécoms soit précisément un élément qui rende notre pays encore un peu attractif pour les investisseurs malgré ses coûts salariaux élevés. La mission légale de l’IBPT est donc aussi de contrôler un climat d’investissements favorable. Je suis par conséquent curieux de voir comment le nouveau patron de l’IBPT va s’acquitter de cette tâche.

Les défis à relever ne sont pas simples donc. Je souhaite d’ores et déjà à Jack Hamande un plein succès et j’espère qu’il collaborera et dialoguera de manière fructueuse avec le parlement. Et qu’il ne subira pas le même sort que son prédécesseur car personne ne mérite ce genre de chose.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire