TrapWire vous tient à l’½il

Guy Kindermans Rédacteur de Data News

TrapWire est un système de surveillance privé commercial et potentiellement mondial, selon WikiLeaks. Quoique.

TrapWire est un système de surveillance privé commercial et potentiellement mondial, selon WikiLeaks. Quoique.

Cet été semble bien être la saison du ‘smile, vous êtes surveillé’. C’est ainsi que Wired a publié un article étoffé sur un super-système de stockage du trafic électronique international, mis au point par la National Security Agency américaine (‘Inside the matrix’, avril 2012) et qu’un autre article récent a été consacré à un système de surveillance automatisé à New York City (un développement commun de la police de New York et de Microsoft).

C’est maintenant au tour de WikiLeaks, qui a trouvé dans les courriels piratés du bureau d’informations Stratfor des références à TrapWire, un système capable de collecter et d’interpréter aux Etats-Unis, mais potentiellement aussi dans le monde entier, des informations en provenance de caméras de surveillance. Au moyen de celles-ci, l’on tente notamment d’enregistrer les préparatifs d’attaques, de sorte que des mesures puissent être prises. En effet, affirme-t-on, ces préparatifs exigent une étude de la cible et donc des visites préliminaires par les terroristes ou leurs complices. La technologie Trapwire serait non seulement utilisée aux Etats-Unis, mais aussi à l’étranger, entre autres en Grande-Bretagne et au Canada. Pour tout cela, l’on utiliserait, selon les rumeurs, notamment du software sophistiqué de reconnaissance des visages, mais aussi du software se chargeant d’une corrélation des observations (à la recherche de modèles).

La technologie TrapWire a été développée par Abraxas Applications, une division d’Abraxas Corp, une entreprise qui appartient à son tour au Cubic Group. Ce dernier incorpore plusieurs sociétés proposant une gamme complète de services aux instances militaires, policières et gouvernementales. D’Abraxas, l’on sait qu’elle occupe pas mal d’ex-collaborateurs de la CIA, notamment au sein de l’équipe directoriale. Aujourd’hui, TrapWire Inc. constitue une entreprise en soi, basée en Virginie (où Abraxas est du reste aussi installée et où Trapwire, sur base des courriels divulgués de Stratfor, entretient encore des liens étroits). L’entreprise qualifie son software TrapWire “de moyen simple mais puissant de collecter et d’enregistrer des rapports relatifs à des activités suspectes. Une fois qu’une activité suspecte est entrée dans le système, elles est analysée et comparée avec des données provenant d’autres régions dans un réseau, en vue de distinguer des modèles comportementaux indiquant qu’une attaque se prépare.”

Les clients sont notamment de grandes villes telles Los Angeles et New York City, mais aussi Las Vegas, qui a installé le software dans un certain nombre de ses grands casinos. Trapwire serait aussi utilisé par des services de police, dans de vastes ‘fusion centers’, où des informations sont collectées. Les différents corps de l’armée américaine y recourent également (Army, Marines, Navy). Selon un mail de Stratfor, Trapwire serait aussi proposé à Salesforce.com (“interested in Trapwire”). Dans ce même mail, l’on fait du reste également référence à des contacts entre Stratfor et Google. D’autres clients évoqués par les mails de Stratfor sont Scotland Yard, ‘Downing Street 10’, toute une série d’entreprises de transport public, ainsi que les clients possibles Wal Mart et Dell.

Moins grave que prévu

S’agit-il vraiment ici d’un système secret mondial capable d’espionner tout un chacun sans contrôle, comme on le craint? La situation est moins grave que prévu, semble-t-il. Pour commencer, il n’est pas question d’un produit secret, étant donné que l’entreprise éponyme décrit et propose publiquement TrapWire, y compris la garantie qu'”en général”, aucune information personnelle n’est enregistrée (cfr. l’explication Safe Harbor). TrapWire est aussi décrite dans une demande de brevet déposée par Abraxas. Il n’y est pas directement question de l’utilisation d’un logiciel de reconnaissance de visages, mais plutôt de celle de modèles (gabarits).

Sur base de cette information, l’on peut affirmer qu’un produit comme TrapWire ne forme aucune difficulté. Comme toujours, il se pose plutôt le sempiternel problème de ‘qui surveillera les surveillants?’ (‘sed quis custodiet ipsos custodes’, comme l’affirmait déjà Juvenal à son époque). Ce qui est utilisé en bien, peut aussi être abusé. Un problème réellement universel. Un TrapWire en Belgique n’est pas exclu et provoquerait très certainement une levée de boucliers. C’est ainsi que la zone de police du ‘Westhoek’ a cette année déjà remporté le prix Big Brother de la Ligue des Droits de l’Homme pour l’utilisation de caméras notamment. Or le nombre de caméras ne cesse de grimper dans toujours plus de villes, où elles pourraient à terme être aisément connectées à un système TrapWire ou similaire. Dès à présent, la police a accès aux images des caméras dans les transports en commun entre autres, alors que des caméras mobiles avec reconnaissance des plaques d’immatriculation sont utilisées dans la chasse aux voitures volées. Le fait que ces informations soient utilisées à des fins parfaitement légitimes, va de soi. Et l’on assure toujours que tout abus est évité grâce à des procédures et des mesures de protection. Mais cette protection n’est jamais fonction que du maillon le plus faible. Or il s’agit malheureusement trop souvent du maillon humain…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire