Pornhub va collaborer avec Child Focus

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Pieterjan Van Leemputten

Pornhub va mieux contrôler ce qui apparaît sur son site. Pour cela, il collaborera aussi avec Child Focus, afin de pouvoir intervenir plus rapidement au cas où une vidéo indésirable serait mise en ligne.

Pornhub est l’un des plus importants fournisseurs de vidéos pornographiques gratuites. Cela est dû notamment au fait que les utilisateurs peuvent y déposer eux-mêmes des vidéos. Mais c’est précisément là où la situation dérapait régulièrement dans le passé. Un contrôle d’âge et d’identité déficient faisait souvent en sorte que des images de mineurs d’âge ou de personnes n’ayant pas donné leur autorisation pour une diffusion aboutissent sur le site.

Le site entend à présent mieux aborder le problème. Désormais, seules les personnes, dont l’identité sera contrôlée de plus près, pourront encore ajouter des vidéos. Les vidéos ne seront en outre plus téléchargeables, ce qui devrait éviter que du contenu mis hors ligne soit de nouveau déposé sur la plate-forme par d’autres.

Pornhub misera également davantage sur la modération. Une équipe spéciale recherchera pro-activement tout matériau potentiellement illégal. Pour y arriver, elle utilisera aussi des technologies identifiant automatiquement l’abus d’enfants ou des images d’excès bien connus, sans que ces images doivent être visionnées par une personne physique. Il s’agit en l’occurrence de CSAI Match (de YouTube), de Content Safety API (de Google), de PhotoDNA (de Microsoft) et de Vobile.

Child Focus

Pour mettre plus rapidement hors ligne des vidéos de mineurs d’âge, le site va aussi collaborer avec plus de quarante organisations oeuvrant contre l’abus d’enfants, dont la belge Child Focus. L’organisation collabore de son côté depuis assez longtemps déjà avec Facebook, YouTube, TikTok, Snapchat et Twitter et entretient à présent aussi un contact direct avec Mindgeek, l’entreprise à l’initiative de Pornhub.

‘Le problème tant des médias sociaux que de Pornhub, c’est qu’on leur rapporte tant de choses que leurs équipes de modération ne peuvent suivre. Grâce à ce système, nos mentions auront la priorité’, explique Niels Van Paemel, conseiller stratégique chez Child Focus.

‘C’est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas encore la solution’

Cela signifie que si des images d’un mineur d’âge aboutissent sur Pornhub, la victime pourra les faire supprimer rapidement via Child Focus. ‘Pour cela, les mineurs d’âge pourront prendre contact avec nous 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, même de manière anonyme’, affirme Van Paemel.

Il n’en reste pas moins que Child Focus reste critique vis-à-vis du site: ‘C’est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas encore la solution. Il subsiste le problème que les images sur le site ne sont pas vérifiées à l’avance en fonction de l’âge et de l’autorisation. Nous pouvons à présent certes les faire retirer plus rapidement du site, mais à propos des vidéos existantes, nous ne savons pas s’il s’agit de mineurs d’âge, si les personnes représentées y ont volontairement participé ou si elles ont donné leur autorisation pour diffuser ces images.’

L’actuelle collaboration ne vaut que pour Pornhub, donc pas pour Redtube, XTube, YouPorn et d’autres marques de la société-mère MindGeek. Mais ce qui a été convenu pour Pornhub serait à terme aussi étendu aux autres sites pour adultes de l’entreprise.

Pour les mineurs d’âge victimes, parce que leur sextape a par exemple été dévoilée par un ex-partenaire, Child Focus conseille de prendre contact avec l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes. Il ne dispose pas encore d’un ‘Trusted Flagger’ de Pornhub, mais cela pourrait bientôt être le cas.

Pourquoi Pornhub réagit-il maintenant?

Les pas accomplis à présent par Pornhub vont aussi de pair avec un Transparency Report et des audits indépendants. Mais quelle est l’origine de la volte-face du site, qui se montrait jusqu’à présent particulièrement laxiste sur le plan de sa politique de contrôle?

Cela fait pas mal de temps déjà que Pornhub est pointé du doigt. Au début de cette année, Laila Mickelwait avait lancé une pétition contre le site, parce qu’il ne faisait quasiment rien contre les images de viol ou de mineurs d’âge. L’un des exemples intolérables qu’elle avait mis en évidence, était celui d’une jeune fille de 15 ans portée disparue, à propos de laquelle pas moins de 58 vidéos étaient apparues sur Pornhub. Les actions pornographiques revanchardes, où des ex-partenaires balancent en ligne des images explicites de leur relation, sont aussi régulièrement exploitées sur Pornhub.

Mickelwait estime que les mesures prises par le site, sont trop restreintes et trop tardives. Elle continue de plaider pour que le site soit carrément supprimé et que le CEO et le COO de l’entreprise soient incarcérés et contraints d’indemniser les victimes.

Un exemple plus connu est l’affaire Girls Do Porn, une série de vidéos d’un site web éponyme. Dans ce cas, les femmes mises en scène avaient certes accepté que leurs activités soient filmées, mais pas que les images soient diffusées en ligne. Plusieurs d’entre elles ont donc intenté un procès et ont obtenu raison. Mais les images en question demeurèrent des mois encore sur Pornhub.

Questions parlementaires

Mindgeek déclare préparer depuis quelques mois déjà une meilleure politique en la matière. Mais d’autres éléments jouent aussi un rôle. C’est ainsi que le New York Times a consacré il y a quelques jours un article détaillé aux abus de mineurs d’âge, qui aboutissent sur le site.

Au Parlement canadien (la société-mère de Pornhub, Mindgeek est hébergée au Luxembourg sur le plan technique, mais opère surtout au départ du Canada), des questions cruciales sont débattues ces derniers jours à propos des pratiques de l’entreprise.

Tout semble donc indiquer que le changement de cap de Pornhub a partiellement débuté suite à la pression publique croissante. En réagissant plus rapidement et plus efficacement aux abus, le site évitera peut-être soit de devoir s’arrêter complètement, soit d’être mis en accusation, soit encore de perdre sa popularité du fait que ses activités soient liées à du viol et à l’abus d’enfants.

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