Une pénurie de 50.000 informaticiens en 2020?

Au cours du dernier débat CIOforum ayant comme thème ‘CIO 2020: the next generation gap?’, la fracture entre l’offre et la demande de professionnels ICT a été soulignée par un simple nombre. A l’horizon 2020, y aura-t-il effectivement une pénurie de 50.000 informaticiens ou est-ce terriblement exagéré? Et que peut-on y faire?

Au cours du dernier débat CIOforum ayant comme thème ‘CIO 2020: the next generation gap?’, la fracture entre l’offre et la demande de professionnels ICT a été soulignée par un simple nombre. A l’horizon 2020, y aura-t-il effectivement une pénurie de 50.000 informaticiens ou est-ce terriblement exagéré? Et que peut-on y faire?

Passons donc les chiffres en revue. Pendant la période comprise entre 1999 et 2008, le nombre de professionnels ICT a crû de 66% (sic!) dans l’UE. Voilà qui est révélateur d’une ‘technologisation’ toujours plus poussée de notre société, un phénomène qui ne fait que s’accélérer depuis l’invention de la puce.

En outre, 2011 a été une année record en Belgique pour ce qui est du nombre d’actifs professionnels possibles. D’ici 2020, il y en aura cependant quasiment 5% de moins. Quand on sait que dans notre pays, il y a grosso modo 100.000 informaticiens actifs, qu’il en manque aujourd’hui déjà un peu moins de 10.000 sur le marché du travail et qu’en outre, le recours à la technologie va encore croître, l’on peut en conclure: ‘Houston, nous avons un problème!’. Peu importe finalement que ce soit 30.000, 40.000 ou 50.000. Cela ne fait en effet qu’empirer.

Au cours de cette décade et compte tenu de l’approche actuelle sur le plan de l’enseignement, de la manière dont est traité le talent en général, ainsi que de la politique ICT dans les entreprises destinée à faire face à ce tsunami de carence de talent, l’on n’en sortira malheureusement pas. Tout comme l’équipage d’Apollo 13 a exploité toute sa créativité, afin de mener à bien le voyage aller-retour vers la Lune, les décideurs, les enseignants et les organisations professionnelles de ce pays doivent accomplir un voyage similaire autour de l’ICT et en ramener quelque chose et ce, en exploitant plusieurs trajectoires parallèles, afin de réussir. Ne rien faire ou trop peu, ce n’est pas envisageable.

L’on peut agir sur différents terrains: l’enseignement et l’afflux d’élèves vers les formations ICT, la sortie de formations énérales vers des emplois ICT, l’augmentation de la productivité au sein des départements ICT et le recours à l’informatique dans le nuage ou des ressources off-shore.

Afflux Un premier volet essentiel, c’est amener les élèves vers les formations ICT. ‘L’IT n’est PAS cool’. Lorsqu’on entend que pour l’élève moyen, l’ICT se résume à apprendre à utiliser Excel et Powerpoint et ce, année scolaire après année scolaire, l’on se rend compte qu’il y a comme un problème. Comme l’a dit Jonas (15 ans) lors de l’événement Year End du CIOforum: “L’IT est réservé au petit boutonneux à lunettes qui se cache dans un coin derrière son écran d’ordinateur”. Le ‘digital native’ d’aujourd’hui jongle avec Facebook, Twitter, etc., alors que l’enseignement secondaire présente très souvent encore l’ICT du 20ème siècle. Il faut renoncer à cette méthode au profit d’une autre qui passionnera les élèves, comme par exemple sous la forme de petits projets avec lesquels ils pourront créer quelque chose. L’élève moyen peut en effet se servir d’un PC et de la technologie, souvent même beaucoup mieux que le professeur qui est dans de nombreux cas un ‘digital immigrant’. Nous insistons dons sur le fait qu’il est urgent de générer l’image ‘L’IT est cool’ et de réorganiser en profondeur l’enseignement secondaire sur le plan de l’IT. Cela ne pourra que profiter à son image et, au final, au nombre d’élèves, tant des garçons que des filles, qui opteront pour l’ICT.

Sortie La sortie des formations master (académiques) plus générales vers des emplois ICT est due elle aussi à un problème d’image. Les étudiants bacheliers en économie suivent un cours de langage de programmation Java et se font ainsi aussitôt une certaine image de l’ICT. Une image selon laquelle l’ICT est une matière complexe et ennuyeuse qui ne peut passionner que les ‘nerds’. Proposons plutôt à ces masters en devenir des processus business et la façon de les traduire en systèmes d’information sans rien programmer. Donnons-leur des cases illustrant comment l’ICT a bouleversé et bouleverse encore les modèles business et des secteurs professionnels tout entiers, etc. Et offrons-leur une image complète de ce que représente l’ICT, surtout pas le T de Technologie, mais le I d’Information.

Pour faciliter la sortie de ces formations master générales, des formations spécifiques pourraient être développées en vue par exemple de convertir un biologiste en un ‘business analyst’. Que le corps enseignant et les entreprises se réunissent donc et évaluent comment changer l’image de l’ICT chez l’élève, qu’ils examinent à la loupe l’approche de l’enseignement et ce qu’il convient de faire pour attirer des néo-diplômés vers certaines professions en pénurie. Le CIOforum prendra en 2012 l’initiative de se mettre autour de la table avec différentes universités et écoles supérieures en parallèle et d’envisager des solutions pour en sortir.

Productivité L’accroissement de la productivité au sein des départements ICT est quelque chose qui n’est pas nouveau et qui tient à coeur des CIO. Quand on sait que dans un environnement de production, la productivité croît en moyenne de 2 à 3 pour cent par an, pourquoi n’y arriverait-on pas en ICT? Il y va cependant ici d’un trajet de gestion des changements au niveau du département ICT et de ses fournisseurs, ainsi que d’un profond changement de mentalité des clients internes. L’on observe heureusement une augmentation graduelle de l”ICT savviness’ (la compréhension de l’ICT) de ces derniers, de sorte que les CIO ne prêchent plus dans le désert. Une hausse de la productivité ICT a, outre la libération de rares professionnels ICT, aussi comme effet secondaire positif que les coûts ICT peuvent diminuer ou que les moyens limités au sein de l’entreprise peuvent être nettement mieux exploités. Le soutien inconditionnel du comité exécutif de l’entreprise concernée dans ce genre de changement est il est vrai indispensable.

Nuage et offshoring Un dernier ‘remède’ dans la recherche des 50.000 informaticiens manquants, c’est l’informatique dans le nuage et l’offshoring. Tous deux sont des stratégies d’externalisation (outsourcing) à même de fournir leur contribution en vue de réduire cette fracture. Quand on sait qu’en Inde, 80.000 informaticiens sortent des écoles chaque année, le besoin belge de, disons, 3.000 informaticiens ou moins par an pourrait quand même être aisément rencontré. Ce n’est hélas pas aussi simple que cela. Mais malgré tout, la ‘commoditysation’ de l’ICT génère un passage plus simple à l’externalisation, que ce soit via le nuage ou l’offshoring. Ici encore, une politique ICT forte soutenue par le comité exécutif de l’entreprise s’avère nécessaire.

La conclusion, c’est qu’il faut agir sans tarder. Les 50.000 places vacantes ne seront pas remplies en restant les bras croisés. Les instances compétentes comme l’enseignement, les entreprises et les groupes d’intérêts doivent à présent prendre des mesures, afin que notre ICT Apollo 13 revienne saine et sauve de son voyage.

Joost Rommelaere Joost Rommelaere est board member du CIOforum Belgian Business. Cela fait plus de 20 ans qu’il est actif dans l’ICT. Ces 10 dernières années, il a occupé le poste de CIO chez Pioneer Europe et Tessenderlo Group notamment. Il est fasciné par l’interaction entre la technologie, l’homme et la société. (joost.rommelaere@gmail.com)

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