Frank Maene

Tech: ce n’est pas reparti comme en 1999

Frank Maene Managing partner de Volta Ventures et capital-risqueur.

Ces derniers temps, j’entends diverses voix annoncer qu’il y aurait une bulle technologique comme en 1999-2000. Je ne suis pas d’accord.

Ces derniers temps, j’entends diverses voix annoncer qu’il y aurait une bulle technologique comme en 1999-2000. Je ne suis pas d’accord. Le secteur technologique en soi ne connaît pas les excès boursiers d’il y a 14 ans, et ses fondements sont complètement différents.

3 milliards de gens en ligneAujourd’hui, le plus grand supermarché en ligne, Amazon, enregistre six fois plus de chiffre d’affaires que Colruyt. Il y a actuellement 3 milliards de gens online, et Facebook par exemple possède 1,2 milliard d’utilisateurs récurrents. Voilà qui contraste nettement avec les… misérables 300 millions de personnes qui étaient en ligne dans le monde en 2000. Facebook n’est pas seul – Youtube, Qzone, Sina Weibo, Whatsapp, Google+ et Tumblr disposent aussi de plus de 300 millions d’utilisateurs mensuels.

Mais ce qui plus important encore réside probablement dans la statistique suivante: en 2014, 13% des ventes totales des petits commerces britanniques ont lieu en ligne. Qui donc réserve aujourd’hui encore un voyage via une agence? D’anciens serviteurs tels Booking.com et Expedia, et de nouveaux venus comme Airbnb et Uber couvrent aujourd’hui entièrement le marché du voyage.

Les bases sont donc totalement différentes qu’en 1999-2000, lorsque nombre d’évaluations reposaient sur les ‘eyeballs’ (le nombre de visiteurs surfant sur un site).

NASDAQ: encore et toujours 25% en dessous de son picVenons-en maintenant à la Bourse. La Bourse de référence pour les actions technologiques est le NASDAQ. Aujourd’hui, il cote encore et toujours 25% en dessous de son pic de 2000. David Kostin de Goldman Sachs a calculé qu’en 2000, les actions technologiques représentaient 33% de la valeur boursière totale des S&P 500 contre 14% seulement du gain total. En 2014, la technologie représente 19% du gain et 19% de la valeur boursière. Plus équilibré que cela, ce n’est pas possible.

Encore quelques chiffres. Au premier trimestre de 2000, il y eut 115 entrées technologiques à la Bourse (IPO) qui récoltèrent 18 milliards de dollars. Au premier trimestre de 2014, il y eut 63 IPO pour 11 milliards de dollars. Le chiffre d’affaires médian d’une entreprise lors de son entrée en Bourse était en 2000 de 12 millions de dollars contre 106 millions aujourd’hui, soit neuf fois plus.

Qu’en est-il des prix de rachat élevés d’entreprises non cotées en Bourse? Les grands acteurs tech tels Google, Apple et Facebook ont à la fois un cours boursier élevé et des masses de liquidités au bilan (respectivement 60, 160 et 13 milliards de dollars), de sorte qu’ils peuvent effectuer aujourd’hui même des méga-rachats de manière relativement avantageuse.

Possible de démarrer déjà avec cent euros Il est aujourd’hui nettement plus facile et économique de lancer une entreprise internet ou de software (en faire une réussite est bien entendu une autre paire de manches). Au moyen de quelques clics de souris, vous avez approvisionné un serveur opérationnel sur Amazon ou sur Google – et ce, pour seulement quelques centaines d’euros par mois. Il y a dix ans, il fallait acheter ses propres serveurs, licences software coûteuses et bande passante internet pour quelques centaines de milliers de dollars. Aujourd’hui, tout se trouve dans le nuage. Il existe des masses de solutions open source gratuites, et l’on applique des méthodes de la ‘lean startup’.

Les Belges montrent la voieL’on parle évidemment d’entreprises qui obtiennent en l’espace de deux ans des cotations stratosphériques (cf. le cours boursier élevé et le cash ci-dessus). Elles ne courent certes pas les rues, mais elles reçoivent disproportionnellement beaucoup d’attention.

La plupart des entreprises dans le secteur technologique procèdent encore de la manière ‘habituelle’. En Belgique aussi, il y a pas mal d’entreprises qui montrent la voie. En 2000, un étudiant lance à Anvers un système open source pour créer des sites web. Avec plusieurs clients américains, tels MTV, il décide en 2007 de proposer également des services payants liés à sa solution. Cela lui rapporte de l’argent, et il se rend à Boston. Cette année, Acquia / Drupal de Dries Buytaert enregistrera un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars et envisage d’entrer en Bourse.

Un fait unique? Clear2Pay, leader mondial en systèmes de paiement pour les banques, a été créée à Bruxelles en 2001 et réalise aujourd’hui 100 millions de chiffre d’affaires. Elle envisage aussi d’entrer à la Bourse. Et la louvaniste Materialise, leader en impression 3D, va faire elle également son entrée à la Bourse après 20 ans. Trois magnifiques réussites, mais pas la folie ‘get big fast’ de 1999-2000.

C’est donc parti comme en 2014 – nouveau styleLes starters sont poussés, accompagnés et financés par des acteurs qui ont déjà tout connu et qui possèdent bien plus d’expérience.

Actuellement, ce sont de solides entreprises qui entrent à la Bourse. Sur base de leur clientèle et de leur cash flow, elles courent nettement moins de risques qu’en 1999-2000.

Et les quelques startups qui sont rachetées pour de gros montants, aboutissent chez des repreneurs qui veulent profiter de leur cours boursier élevé et de leurs liquidités pour s’approprier une connaissance supplémentaire, des marchés et une accélération de leur croissance.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire