“Les entrepreneurs doivent oser se remettre en question”

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

“Les entrepreneurs débutants ont bien une idée de la manière dont leur produit devra se présenter et qui seront ses clients, mais dans la plupart des cas, ces prévisions s’avèrent incorrectes.”

“Les entrepreneurs débutants ont bien une idée de la manière dont leur produit devra se présenter et qui seront ses clients, mais dans la plupart des cas, ces prévisions s’avèrent incorrectes”, affirme l’Américain Tristan Kromer. Ce ‘lean start-up coach’ bien connu a récemment effectué une visite chez l’accélérateur Nest’Up de Louvain-La-Neuve pour quelques ateliers. “Demandez aux participants de Nest’Up combien de langes une famille utilise par jour pour son nouveau né? Ils répondront trois à cinq, alors que c’est 12 en moyenne, voire 24 au Japon. Nous aimons croire que nous savons comment les gens se comportent et nous estimons que tout le monde se comporte comme nous, mais tel n’est donc pas le cas.”

Tristan Kromer raconta cette anecdote lors de son passage à l’AxisParc de Mont-Saint-Guibert, où il était venu expliquer aux participants de la deuxième édition de Nest’Up comment ils devaient confronter leurs idées à la réalité et comment ils pouvaient identifier et segmenter des clients potentiels.

“Le plus important que je peux apprendre aux entrepreneurs en devenir, c’est qu’ils doivent continuellement se remettre en question”, a expliqué le coach, qui est actif depuis peu chez Luxr, une organisation de la Valley qui fournit aux accélérateurs un authentique programme d’études en vue d’aider encore mieux leurs starters.

“Les entrepreneurs doivent apprendre à identifier et à reconnaître leurs propres hypothèses. Lorsqu’ils conçoivent un produit ou un service qui leur paraît utile, ils doivent se poser la question cruciale suivante: les autres vont-ils le penser aussi? Ils peuvent alors effectuer une étude de marché, mais le customer development est encore plus important.”

“Avec une étude de marché, l’on procède à un sondage et l’on conclut par exemple que 60 pour cent des clients d’une station service paient en liquide. Avec le customer development, l’on observe non seulement que les gens paient en liquide, mais l’on se demande en outre pourquoi.”

“Pourquoi optent-ils pour cette station service plutôt que pour telle autre à proximité? Parce qu’elle est moins chère? Ou parce qu’elle vend aussi de savoureux hotdogs? Je veux simplement dire ainsi que vous pouvez même identifier de nouveaux segments encore pour des produits standard.”

Un autre point auquel Kromer consacre beaucoup d’attention, c’est le contact social avec les autres. “Get help”, affirme-t-il. “Parlez avec les gens autour de vous. Une seconde paire d’yeux, une nouvelle perspective génèreront une meilleure entreprise. Vous ne pouvez qu’améliorer vos propres compétences, si vous acceptez le feedback des autres.”

“Ces autres ne doivent du reste pas toujours être des experts. Des collègues d’autres startups ou des connaissances de votre environnement direct peuvent vous dispenser aussi de précieux conseils.”

“Acceptez donc la critique et ne vous enfermez pas dans votre propre vision des choses. Si quelqu’un vous dit que vous aurez besoin de tel ou tel élément pour telle ou telle raison, soyez réceptif. Ne pensez pas a priori que les autres veulent vous voler votre idée car c’est faux. Personne ne le fera. Nobody cares, really.”

Nest’Up et Luxr vont collaborer d’une manière structurelle, ce qui revient à dire que Nest’Up va suivre le ‘programme d’études’ de votre organisation, ou non? Tristan Kromer: “Si, si. Nous fournissons un programme d’études sous-jacent aux accélérateurs et aux programmes de startups. Nous y prévoyons toute une série d’ateliers que nous proposons aux organisations en question. Quant à savoir si ce programme d’études est nécessaire, cela dépend un peu de ce que l’accélérateur veut atteindre.”

“Les investisseurs veulent de bons starters car dans la plupart des cas, 1startup sur 10 seulement tient le coup plus longtemps que quelques années. Si vous pouvez affirmer que vous formez vos candidats de telle manière que le taux de succès est non pas d’1 sur 10, mais de 2 sur 10, c’est quand même appréciable et apprécié. Il ne faut pas oublier que dans de nombreux cas, les capital-risqueurs et les ‘angel investors’ sont les principaux ‘clients’ des accélérateurs, pas les starters.”

Que pensez-vous de la sélection Nest’Up de cette année?
Kromer: “Cela me paraît être une bonne fournée. Je dis cela, parce qu’il me semble que les équipes sont de bonne qualité et qu’elles travaillent d’une manière scientifiquement responsable. Elles ont une hypothèse et vont à présent examiner si celle-ci est bien correcte.”

“L’on peut me voler des idées (rire), elles ne m’intéressent pas et seront de toute façon adaptées en cours de route. Je suis aussi mauvais dans l’identification des bonnes idées. Si l’on m’avait dit il y a quelques années que Twitter déterminerait en partie notre histoire, j’en aurais rigolé car je trouvais cette plate-forme complètement nulle. Or voyez ce qui s’est passé entre-temps en Egypte et en Iran!”

Si vous comparez les Etats-Unis et l’Europe, quelle est pour vous la principale différence? Kromer: “Sans aucun doute le funding, à savoir le soutien financier provenant de l’écosystème. Il est nettement plus malaisé de trouver un financement pour une entreprise en Belgique que dans la Silicon Valley. Il existe dans ce dernier cas un réseau sophistiqué d’investisseurs qui comprennent de quelle manière il convient d’investir dans des startups technologiques. C’est une fameuse différence et un fameux obstacle.”

“De plus, il y a la taille du marché. En Estonie, les starters technologiques n’envisagent pas la population locale comme des clients potentiels, mais ciblent directement l’Allemagne. Au Brésil, la taille du marché ne pose aucun problème, mais bien en Belgique.”

Conseilleriez-vous aux entrepreneurs européens de déménager aux Etats-Unis? Kromer: “S’ils recherchent des liquidités, certainement. Mais en Europe, il est par contre nettement plus facile d’attirer encore des gens de talent. Dans ce sens, l’on ne peut donc pas encore faire progresser l’écosystème belge au départ des Etats-Unis, mais l’on peut y arriver en travaillant avec des développeurs européens.”



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