“L’argent seul ne suffit pas pour créer un écosystème de startups sain”

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

Lors d’une visite aux deux plus importants concentrateurs de startups de Singapour, l’on a compris directement que l’on en est encore ici aux balbutiements, mais qu’il y a aussi pas mal de ressemblances avec ce qu’on connaît en Belgique.

Lors d’une visite aux deux plus importants concentrateurs de startups de Singapour, l’on a compris directement que l’on en est encore ici aux balbutiements, mais qu’il y a aussi pas mal de ressemblances avec ce qu’on connaît en Belgique. Cette semaine, une dizaine d’entrepreneurs belges découvrent le paysage des startups de Singapour dans le cadre d’une première Webmission en Asie. Au cours de la première journée, une visite aux deux principaux concentrateurs de startups figurait au programme (The Hub et Block 71), alors que le jeune entrepreneur français Martin Pasquier est venu parler de ses expériences sur place.

Qu’en avons-nous retenu? Qu’il y a encore pas mal de pain sur la planche. Même si Singapour est bien le concentrateur technologique asiatique prévu avec un gouvernement qui libère de solides montants pour stimuler l’entreprenariat, il n’empêche que l’écosystème de startups y est encore fragile et qu’y créer une entreprise ne figure pas directement dans les gènes de la population locale, bien au contraire.

“L’on attend pratiquement des étudiants qu’ils aillent travailler pour de grandes usines ou qu’ils aboutissent dans le secteur financier”, déclare l’entrepreneur et bloggeur James Chan de l”innovation tribe’ et capital-risqueur Silicon Straits.

“Et l’argent seul ne suffit pas pour créer un écosystème de startups sain. De plus, l’on a, ces dernières années, tellement externalisé que tout un chacun voulait devenir project manager au lieu de développeur. Il en résulte qu’il est devenu à présent extrêmement malaisé de trouver de bons développeurs à Singapour. Voilà pourquoi nous faisons appel à une équipe au Vietnam.”

Martin Pasquier approuve. Il a fondé avec Agence Tesla une petite entreprise à Singapour qui conseille les entrepreneurs francophones sur leur stratégie en médias sociaux dans le sud-est asiatique. “En marketing et en communication aussi, il est difficile de trouver le personnel adéquat. Ce ne sont pas des emplois stratégiques. Trop d’étudiants aboutissent dans la finance et ne sont guère encouragés à prendre des initiatives. Le marché ici est assez conservateur sur ce plan.”

Kirsty Furniss de The Hub estime aussi que le marché doit s’ouvrir: “C’est précisément en raison de cette culture conservatrice et de cette peur viscérale de l’échec qu’il y a ici encore de nombreuses possibilités pour les entrepreneurs. Pensez simplement aux magazins en ligne. En Europe, c’est déjà courant, alors qu’ici, l’on n’en est qu’aux débuts.”

Furniss indique que c’est surtout le climat fiscal favorable qui rend Singapour si intéressante, ainsi que le fait que le gouvernement s’efforce ces dernières années de sensibiliser sa population (il existe pas moins de trente façons d’obtenir des subsides pour un entrepreneur, alors que le capital d’amorçage est assez aisément accessible).

Mais comme le nombre de capital-risqueurs reste limité, il est nettement plus malaisé de négocier une phase de ‘series A’ ou de ‘series B’. Une fois le capital d’amorçage exploité, nombre de starters talentueux jettent le gant pour aller voir ailleurs, comme dans les grandes multinationales ou banques. Dans une ville aussi chère que Singapour, l’on ne peut en effet pas se permettre de prendre trop de risques, si l’on ne veut pas atterrir dans le caniveau, et la population locale regarde à peine en dehors des frontières.

“Pour les Européens, Singapour représente une intéressante base de départ”, ajoute Pasquier. “Mais les locaux n’ont pas le réflexe de considérer les pays voisins d’une perspective de marché. L’on ne parle que de la Silicon Valley ou de la Chine, et les relations avec les pays limitrophes sont assez mauvaises.”

“Notre écosystème de startups doit encore gagner en maturité”, conclut James Chan. “Cela ne sera possible que si nous-mêmes, nous nous retroussons les manches. Nous n’allons certes pas changer le monde, mais peut-être bien notre environnement. Les Asiatiques n’aiment pas échouer. Mais maintenant que l’on enregistre toujours plus souvent d’intéressantes exits, l’on se rend compte petit à petit que l’échec a aussi des avantages car l’on peut en tirer des leçons. Nombreux sont ceux qui en ont aussi tout simplement assez de travailler pour de grandes sociétés. Il y a donc encore de l’espoir (rire).”



Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire