Comment améliorer l’écosystème belge des entrepreneurs technologiques?

Si vous receviez durant 15 minutes toute l’attention du gouvernement fédéral belge, sur quels points insisteriez-vous auprès de lui pour ce qui est des startups et de l’entreprenariat dans notre pays?

Si vous receviez durant 15 minutes toute l’attention du gouvernement fédéral belge, sur quels points insisteriez-vous auprès de lui pour ce qui est des startups et de l’entreprenariat dans notre pays? Cette question lancée par le stratège IP Joren De Wachter a suscité une intéressante conversation sur la plate-forme de discussion interne de BetaGroup Coworking à Bruxelles. Nombre d’entrepreneurs, d’investisseurs et de professionnels dans le domaine de la technologie n’ont pas manqué de faire connaître leur avis sur le sujet.

Pour pouvoir vous donner une idée de ce que tout un chacun trouvait relativement important, Joren a réalisé le tableau suivant:

Ci-après, vous trouverez quelques réponses intéressantes:

• “Les startups mêmes n’ont guère besoin d’attention, mais le gouvernement devrait davantage se focaliser sur tout ce qui influence directement ou indirectement les starters, comme l’accès au capital, l’infrastructure, les postes de travail, la réglementation, la législation du travail, les médias, etc.”
• “Tout commence par les moyens disponibles, et le principal d’entre eux est le… capital. L’accès au capital est un véritable cauchemar en Belgique. Les autres aspects comme le talent disponible, les subsides, les formes de collaboration,… sont OK. La Belgique a donné à l’industrie cinématographique un nouvel élan au moyen du ‘tax shelter’ (incitant fiscal). La France a ses fonds FCPI, et la Grande-Bretagne ses fonds VCT/EIS. Le principe est simple: l’on compense les investissements dans des startups en pouvant les déduire au niveau fiscal et en même temps, l’on favorise les investissements de type ‘angel’. Je promotionnerais l’incitant fiscal en tant que mécanisme d’investissement dans les startups.”
• “Le gouvernement doit cesser de présenter en long et en large dans la presse toutes sortes d’histoires à succès, mais tenter au contraire de faire de la Belgique une région intéressante pour innover. L’on pourrait ainsi éviter que beaucoup quittent le pays pour gagner les Etats-Unis.”
• “Promotionnons la Belgique comme un pays fantastique pour les startups en supprimant les impôts sur les gains en capital. La garantie sur cet avantage fiscal pourrait attirer du capital de l’étranger (ce qui explique l’afflux récent d’entrepreneurs technologiques français qui veulent échapper aux impôts dans leur pays) et mettre en oeuvre un cluster/écosystème en vue de supporter les startups.”
• “La Belgique est un endroit sûr pour les grandes sociétés, mais un pays compliqué pour les startups et les indépendants. Facilitons la création de petites entreprises non pas avec des subsides, mais en réduisant les impôts et les cotisations sociales dans la phase initiale. Cela peut se faire par exemple en encourageant les investissements privés dans le capital-risque au moyen d’un incitant fiscal comme en Grande-Bretagne (où on le fait pour l’industrie cinématographique qui crée des emplois temporaires sans avenir. Les startups produisent des emplois à la fois meilleurs et plus intéressants à plus long terme, même si certaines font faillite). Et qu’il y ait davantage de données gouvernementales disponibles, de sorte que les entrepreneurs puissent sur cette base créer des outils utiles et de nouvelles entreprises.”
• “Peut-être devrait-on arrêter de dépeindre les indépendants comme des spécialistes de l’évasion fiscale? Les indépendants sont les meilleurs entrepreneurs, et les S.P.R.L. forment souvent le point de départ de plus grandes entreprises avec plus de postes d’emploi et d’innovation. A côté de cela, il est possible de créer un cadre favorable à de nouveaux incubateurs (tels YCombinator), au lieu de renvoyer les startups vers des fonds d’investissement publics qui craignent les starters. En d’autres mots, nous n’avons pas besoin de subsides, mais d’un meilleur environnement pour croître.”
• “Du point de vue financier, un incitant fiscal pour les investissements dans les startups est une bonne idée. D’autre part, pas mal d’argent de chez nous est en train de ‘dormir’ dans des investissements sûrs qui ne génèrent pas la moindre plus-value pour la Belgique ou pour le monde des startups belges. Imposons davantage le capital et moins le personnel, car le bât blesse ici aussi: notre personnel est nettement trop cher. Un bon développeur gagne 600 euros par jour, soit 10.000 euros par mois! Investissons dans l’enseignement, afin que les professeurs soient mieux formés et que les élèves puissent être dès leur plus jeune âge bien au fait du monde technologique, comme c’est le cas en Corée du Sud. Veillons à ce que les entrepreneurs puissent créer une entreprise plus rapidement et à moindres frais. Supprimons donc le notaire et réduisons le processus d’enregistrement. Tout devrait pouvoir être mené à bien en ligne en 30 secondes. Simplifions aussi le processus en matière fiscale. Afin de ne plus perdre de temps à collecter des tickets de restaurant et d’autres choses risibles.”
• “Créons un véritable espace économique intra-européen: mêmes coûts de transport, mêmes coûts télécoms, mêmes coûts fiscaux,… Je sais que c’est un rêve à court terme, mais nous pourrions déjà essayer de travailler dans notre pays aux même conditions que dans pas mal d’autres pays membres de l’UE.”
• “Je souhaiterais encore ajouter une chose qui concerne surtout les startups internet, à savoir la protection de l’accès au marché. Cet accès est menacé par l’initiative d’acteurs internet en vue et d’entreprises télécoms visant à mettre fin à la neutralité du net. Aujourd’hui, chaque startup peut ouvrir un site web, se promouvoir elle-même et attirer rapidement des milliers de clients du monde entier grâce au principe de la neutralité du net, qui garantit que chaque internaute, sans limite de vitesse, ait accès à tout site web. Mais comme on l’a déjà dit, nombre d’entreprises télécoms veulent conserver le trafic internet rapide aux acteurs de premier plan comme Google, Facebook, YouTube et Twitter, et en même temps ralentir le trafic vers les petits sites web. Pour le fondateur d’une startup, cela signifie qu’à moins de mettre beaucoup d’argent sur la table, l’expérience des visiteurs sur son site web ne sera plus correcte, avec toutes les conséquences que cela implique. Tout cela pourrait complètement anéantir le potentiel des petites entreprises. Même si les politiciens des Etats-Unis sont conscients du problème, les institutions européennes ne semblent, elles, pas pouvoir en évaluer les implications.”
• “Réduisons radicalement les tarifs des télécommunications. Il en résultera une augmentation de l’utilisation des services mobiles, les applications que nous développons pour nos clients, ainsi qu’une augmentation des achats de produits locaux (je me rends par exemple à la ferme voisine pour y acheter des produits locaux, parce que j’en suis informé par une appli). S’il faut payer 90 euros pour un abonnement prévoyant 1 gigaoctet de données, vous savez ce qu’il vous reste à faire.”
• “Supprimons la taxe sur les gains en capital, afin d’attirer l’argent, alors qu’une grande partie de celui-ci est quand même réinvesti. Une réduction des obligations en matière de rapportage financier durant les 3 premières années serait la bienvenue. Créons un pays de ‘crowdfunding’ (financement participatif). Reconnaissons que nombre de startups technologiques prestent des services et rapportent des rentrées en valeurs étrangères. Faisons de la prochaine génération d’enfants belges des génies en mathématiques. La règle actuelle ‘Je reçois 50 pour cent, et le gouvernement en reçoit 50 aussi’ n’est plus à l’ordre du jour. Que penseriez-vous d’une approche plus osée, du style ‘Je reçois 72 pour cent, et le gouvernement les 28 autres'”
• “Selon moi, il est plus efficient de se concentrer sur un seul point sensible/point d’action, par exemple le ‘seed funding’/’tax shelter’ (fonds d’amorçage/incitant fiscal) pour les citoyens ordinaires (et donc pas uniquement les fonds d’amorçage spécialisés). Il y a suffisamment de fonds professionnels disponibles, et les gouvernements injectent déjà beaucoup d’argent sur le marché. Cela ne fonctionne malheureusement plus correctement, et ce par manque de prise de risque. En Belgique, nous avons davantage besoin d’argent ‘fou’!”
• “Créons un écosystème et un environnement dans lesquels les individus peuvent prendre sérieusement en considération une startup pour faire carrière. Simplifions les obligations comptables, surtout durant les 3 premières années. Réduisons, minimisons ou supprimons les impôts de société, surtout durant les 3 premières années, ou plafonnons-les à 500.000 euros de chiffre d’affaires par an. Réduisons, minimisons ou subsidions les coûts de personnel (INAMI, pension, etc.), surtout durant les 3 premières années, afin de diminuer le coût de l’embauche. Changeons l’image sociale de l’entrepreneur – saluons ceux qui sont arrivés et ceux qui essayent/ont essayé. Dans l’enseignement, il convient de promouvoir une ‘start-up-attitude’. Appliquons une stratégie claire pour différencier les startups des PME: une startup est un investissement (et pas une rentrée fiscale immédiate) qui s’avère nécessaire; veillons à ce que les indicateurs soient au vert et communiquons. Si le gouvernement s’en rend compte et crée l’écosystème adéquat, la race des entrepreneurs va croître et prospérer.”
• “Le premier souci de toute startup doit être le suivant: ‘Comment faire tourner la machine à sous?!’ Il ne s’agit pas ici de recueillir de l’argent de capital-risque ou de subsides publics (loin de là), mais de véritables rentrées en provenance des clients. Car en fin de compte, les clients, c’est de l’argent, et l’argent, c’est la rançon du succès, pas l’inverse! C’est une leçon que j’ai déjà apprise chemin faisant. Le premier souci d’un gouvernement vis-à-vis des startups doit dès lors être aussi de stimuler la machine à sous. Voilà pourquoi je souhaiterais présenter un programme de type SBIR (Small Business Innovation Research) dans lequel le gouvernement devient le client d’une startup, et pas seulement un sponsor qui exige beaucoup de frais généraux pour satisfaire aux directives de subsides de l’UE. En outre, les gouvernements devraient inventer des outils (fiscaux) pour inciter les grandes multinationales à devenir aussi des clients ou, mieux encore, des partenaires d’affaires des startups. Je suis certain que moyennant une incitation financière adéquate, ce genre d’entreprise considérerait la collaboration avec une startup davantage comme une opportunité que comme un risque.”

Consigné par Ramon Suarez, Betagroup Coworking Bruxelles

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