Luc Blyaert

Quoi de neuf, Doc’

Luc Blyaert était rédacteur en chef de Data News

Y a-t-il une profession qui se voit attribuer chaque année par l’administration une prime de quelque 800 € pour l’utilisation d’un progiciel? Quel entrepreneur indépendant bénéficie-t-il d’un tel subside? Les boulangers, avocats, commerçants, architectes, artistes? Que nenni! Qui donc, alors? Votre médecin de famille.

Y a-t-il une profession qui se voit attribuer chaque année par l’administration une prime de quelque 800 € pour l’utilisation d’un progiciel? Quel entrepreneur indépendant bénéficie-t-il d’un tel subside? Les boulangers, avocats, commerçants, architectes, artistes? Que nenni! Qui donc, alors? Votre médecin de famille.

Il reçoit de l’INAMI, l’institut national d’assurance maladie-invalidité, une prime annuelle de 806 € s’il utilise un logiciel homologué par la plate-forme eHealth. En pratique, c’est vous et moi qui payons chaque année le progiciel de notre généraliste.

La Belgique compte quelque 15.000 médecins généralistes. Certes, tous n’utilisent pas forcément un logiciel médical et tous n’ont pas un ordinateur dans leur cabinet. Soit. La prime est donc une sorte d’incitant, une carotte qui fait avancer le médecin vers l’informatique et vers l’échange sécurisé de données avec les autres acteurs de la santé. Si tous les médecins utilisaient cette plate-forme, il en coûterait quelque 12 millions € par an à l’INAMI. D’après les estimations, 80 % des médecins bénéficieraient de cette prime, soit une dépense de près de 10 millions € par an pour l’Etat.

Bien sûr, les éditeurs de logiciels médicaux se félicitent d’une telle politique. On entend même dire que certains fournisseurs proposeraient le progiciel à 450 €, ce qui permettrait au médecin de se mettre 350 € en poche. Certains médecins connaissent même une ‘astuce’ qui leur permet sans sourciller – et sans logiciel – d’empocher 806 €. Mais les choses devraient changer à l’avenir. Car la fameuse ‘prime télématique’ sera fonction de l’utilisation du logiciel et plus de son achat. Ainsi, plus le docteur utilisera la plate-forme Recip-e d’envoi de prescriptions médicales électroniques, plus sa prime sera élevée. Une nouvelle carotte pour pousser le docteur à se brancher sur la plate-forme eHealth.

Le logiciel médical doit être agréé et être testé au niveau notamment de sa qualité, de son interopérabilité, de sa convivialité et de sa sécurité. Des premiers tests réalisés début de cette année sur 15 progiciels, il ressort que pas moins de 7 ont échoué: Accrimed, Daktari, iCure, Medinect, Omnipro, Prodoc et Windoc. Soit des progiciels utilisés par des milliers de médecins. Tous ont raté les tests fonctionnels. On peut donc se demander comment il se fait que ces progiciels soient subventionnés et utilisés depuis des années. Les fournisseurs ont donc été invités en seconde session. Les résultats de cette nouvelle batterie de tests seront sans doute connus le mois prochain. Reste à voir si certains progiciels seront admis à une 3e session, si session il y a. Et si le fournisseur n’obtient pas l’homologation exigée, le médecin aura intérêt à jeter son progiciel à la poubelle. Au risque de ne pas recevoir sa prime annuelle.

Reste à savoir si une telle prime est bien nécessaire. D’aucuns diront que ces 806 € ne sont qu’une fraction du coût total. Connexion haut débit, modem, abonnement, etc. Soit, mais bénéficions-nous de tels avantages? Pourquoi un médecin, alors qu’une autre profession ne jouit pas d’une ‘prime télématique’? Je n’ai pas l’impression que mon médecin se porte mal. Et qu’il ait besoin d’une carotte. Pas plus que moi, d’ailleurs.

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