Où sont les filles?

On assiste depuis quelques années à une présence de plus en plus faible de filles dans les filières d’études informatiques.

On assiste depuis quelques années à une présence de plus en plus faible de filles dans les filières d’études informatiques.

Quelques chiffres (*) pour mieux comprendre la réalité du terrain. Durant la décennie ’80, le nombre de nos inscriptions en première année varie de 90 à 257. Durant cette période, le pourcentage de filles varie de 18 à 26% (26% de ’84 à ’86, sommet plus jamais dépassé). Durant la décennie ’90, le pourcentage de filles baisse et arrive à des taux diminuant de 17 à 11% dans le début de la décennie pour descendre à 7 et même à 5% dans la deuxième partie de cette décennie, alors que le total de nos inscriptions augmente dans cette deuxième partie.

On observe cependant une remontée en 2000: 10% de filles pour 297 étudiants inscrits. A partir de 2001 on assiste à une baisse très significative du pourcentage de filles: 8% puis 7, puis 6 pour passer à 3% en 2005, avant une petite hausse (6 à 7% de 2006 à 2009).

Pourquoi? On remarque que l’informatique a perdu une partie de son aura chez les jeunes en général et encore plus chez les filles. Le nombre d’inscriptions dans la filière informatique a diminué ces dernières années, alors que le marché de l’emploi est depuis longtemps en demande.

Une des raisons principales: le stéréotype du “geek” (je suis collé toute la journée devant mon PC avec des cheveux gras en mangeant des chips et buvant du coca…) n’attire pas les filles. Dans l’article de Jeanna Bryner paru dans la revue Technology & Science, intitulé “Geeks drive girls out of computer science”, on lit entre autres que lors d’études réalisées sur le sujet, les chercheurs constatent qu’un environnement contenant des objets “masculine geeky” tels que les véhiculent les jeux vidéo et la science fiction, détourne les filles qui n’apprécient guère la masculinité qu’ils évoquent. Ce stéréotype constitue déjà un frein pour certains garçons qui ne se reconnaissent pas dans pareille image, mais plus encore pour les filles, qui ne s’identifient pas à cet aspect masculin. Nous pouvons remarquer aussi que les jeux vidéo des jeunes enfants (dont la console s’appelait “game boy” il y a encore quelques années!) sont majoritairement à vocation guerrière. A partir de là, le chemin est court pour identifier un petit écran de jeux à un écran d’ordinateur; on formerait donc peut être très tôt cette image masculine inadéquate de l’informatique…

Constat Pourtant le “vrai” professionnel de l’informatique n’est pas un “geek”, loin s’en faut! C’est une personne complète, qui possède des compétences variées: esprit logique, d’analyse et de synthèse, sens de la communication et du travail en équipe, etc. Toutes qualités que l’on retrouve largement chez les filles.

C’est un beau métier féminin et masculin! Les femmes se coupent de belles possibilités de carrière en se détournant de l’informatique. Dans le milieu professionnel, les informaticiennes sont souvent privilégiées, et il est fréquent qu’elles soient même mieux considérées que leurs collègues masculins.

Dans nos salles de cours, durant les années où le pourcentage de filles était plus élevé, on constatait une ambiance plus positive et plus constructive dans les groupes de travail mixtes que dans ceux exclusivement masculins.

Que faire? Il faut “casser” cette image incorrecte de l’informaticien qui circule dans le grand public et qui est renforcée à tort par les médias.

Conscientes de ce phénomène, certaines organisations y travaillent. Il suffit de voir le travail réalisé par Agoria depuis 2 ans à travers sa campagne “100 informaticiens dans 100 écoles” pour promouvoir une image adéquate des métiers de l’informatique chez les jeunes, en invitant dans les écoles secondaires des “témoins” (informaticiens de terrain venant parler aux jeunes de leur métier). Le groupe ADA (femmes et IT) mène aussi un ardent combat dans ce sens. Mais c’est également l’affaire des Hautes Ecoles et des Universités qui doivent expliquer le plus adéquatement possible le métier aux futurs étudiants lors de journées portes ouvertes ou autres évènements de ce genre.

Pour terminer, n’oublions pas que la première informaticienne fut une femme: Ada Lovelace. Elle participa à l’écriture du premier langage informatique, 100% féminin!

(*) Ces chiffres correspondent aux inscriptions en 1ère année de graduat (baccalauréat depuis 2004) en informatique de gestion à l’Institut Paul Lambin (HE Vinci). Les proportions sont assez similaires dans les mêmes filières d’études des autres HE ou universités.

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Chantal Decondé est professeur en informatique à l’Institut Paul Lambin. Brigitte Lehmann est professeur en informatique à l’Institut Paul Lambin et ex-consultante en informatique.

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