Nokia sur les genoux

Luc Blyaert était rédacteur en chef de Data News

J’ai toujours eu un faible pour ces Finlandais à première vue quelque peu austères, mais qui, après avoir englouti quelques bières, deviennent très cool, pleins d’humour et offrant des facettes inattendues.

J’ai toujours eu un faible pour ces Finlandais à première vue quelque peu austères, mais qui, après avoir englouti quelques bières, deviennent très cool, pleins d’humour et offrant des facettes inattendues. Que n’ai-je entendu alors leurs innombrables ‘Kipis’ (santé)… Autrefois, je me suis ainsi retrouvé de manière tout à fait inattendue à un concert des Rolling Stones à Helsinki. Nokia nous avait réservé une… petite surprise.

En Belgique, Nokia a été ultra-dominateur avec une part de marché grimpant jusqu’à 80 pour cent dans les années ’90 et même dans les années 2000. La plupart des gens de ma génération sont devenus des adultes mobiles grâce à Nokia. Nous avons vu les timides Finnois grandir dans leur statut de leaders mondiaux avec une part de marché globale de 40 pour cent. Même lorsqu’Apple, un entreprise IT après tout, annonça son iPhone début 2007, nous avons raillé l’ambitieux Steve Jobs, sûrs que nous étions que Nokia trouverait très vite une réponse. Or celle-ci ne vint pas. Et elle n’est toujours pas là.

Qu’est-il arrivé aux géants télécoms européens Nokia, Ericsson, Siemens, Alcatel, le gratin mondial en matière d’innovation et de technologie? Tous supplantés par des entreprises IT ayant pour nom Google, Cisco, Apple et Microsoft, et d’une manière croissante aussi par les imitateurs chinois tels Huawei et ZTE. L’Europe est devenue aveugle, a vu sa propre toute-puissance se retourner contre elle et s’est égarée dans le hardware et la téléphonie, alors que les logiciels et les données sonnaient le rassemblement depuis longtemps déjà. A présent, nos entreprises accusent du retard, ont les poches vides contrairement aux éditeurs de software américains et doivent licencier des milliers de très bons collaborateurs chèrement formés.

Quelle surprise ce fut quand Nokia choisit en septembre de l’an dernier le Canadien Stephen Elop (aux Etats-Unis, l’on parle du ‘Nord-Américain’) comme premier CEO non finnois. A Helsinki, l’on ne s’attendait pas à ce que l’action perde 20 pour cent de sa valeur six mois après sa nomination. Surtout pas durant la grand-messe des fabricants de GSM, le Mobile World Congres de Barcelone.

Stephen Elop a abandonné la plate-forme Symbian en feu pour ce qu’elle était, une ruine. Il n’a toutefois étonnamment pas opté pour la solution Android de Google, mais bien pour le plus modeste acteur dans le secteur mobile, à savoir la plate-forme Windows Phone 7 de Microsoft. Et cela a provoqué des froncements de sourcils chez les actionnaires de Nokia. Devaient-ils s’attendre à autre chose? Après tout, avec ses 300.000 actions, Stephen Elop pèse 3,4 millions de dollars, soit le 8ème plus important actionnaire individuel de Microsoft.

A-t-il donc agi dans son propre intérêt? L’on ne saura que dans 6 à 12 mois si cette décision était la bonne, mais il est clair qu’Elop a pris des risques. Reste à savoir s’il n’en a pas pris trop et s’il n’aurait pas dû miser sur deux chevaux, à savoir sur Microsoft et sur Google. L’enthousiasme avec lequel il a choisi son bon copain Steve Balmer était par trop voyant. J’espère que les Finlandais ne s’en mordront pas les doigts. Kipis!

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