Votre prochain comptable sera-t-il un robot ou un conseiller?

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Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Le métier de comptable est en pleine transformation, conséquence directe de la numérisation. Le comptable de demain ne traitera plus des boîtes de papier remplies de bons, mais des données pour réaliser des analyses et des prévisions.

L’impact de la technologie et de la numérisation sur le comptable et le bureau comptable ne doit nullement être sous-estimé. Et au cours de l’année écoulée, l’impact n’a fait que se renforcer : des fournisseurs cloud spécialisés présentent de nouvelles solutions, tandis que des valeurs établies s’efforcent de s’adapter à la nouvelle réalité et que des start-up disruptives tentent de s’imposer sur ce marché. Certains fournisseurs ciblent les utilisateurs finaux proprement dits, d’autres les intermédiaires et d’autres encore les bureaux comptables. Et le comptable ? Il voit arriver la numérisation et est confronté à des choix.

Exit le comptable en 2022

Acco Accountants (Malines et Anvers) a déjà fait ses choix. ” Soit on continue à faire ce que l’on a toujours fait et les choses en restent là : la robotisation dans notre secteur est bel et bien une réalité et ce mouvement ne pourra plus être arrêté. Soit on prend en compte la technologie et on met en place tout ce qui peut l’être. Tel est le choix auquel nous sommes désormais confrontés, expliquait Sven Cornelis lors de la récente conférence Exact Live qui se tenait pour la première fois en Belgique. Notre position est claire et précise : en 2020, il n’y aura plus de comptables. Les comptables d’aujourd’hui sont encore trop occupés avec le passé et travaillent de manière rétroactive. Nous sommes convaincus qu’ils doivent se projeter dans le futur, avec nos clients de demain. Lorsque je regarde par exemple mes enfants et que je vois comment ils utilisent la technologie, je me dis que les comptables devraient finalement travailler de la même manière. ”

Un entrepreneur n’est pas disposé à payer pour de la conformité, mais bien pour de bons conseils.

Mais si Acco Accountants n’emploie plus de comptable en 2002, que fera alors le bureau ? ” Nous allons clairement nous tourner vers la technologie, avec Exact comme l’un des piliers, et sur la consultance. Quant aux obligations légales, elles seront soit automatisées, soit voire même externalisés “, rétorque Cornelis.

Consolidation

Pour Jan Lamaire, directeur général cloud solutions chez Exact BeLux, Acco Accountants représente l’exemple-type d’évolution que traverse pour l’instant le secteur. ” Durant 15 ans, rien n’a changé, mais désormais, tout évolue. Celui qui ne prend pas aujourd’hui des décisions court le risque de s’exclure du marché, prétend Lamaire. Notre pays compte 15.000 comptables et nous constatons clairement un phénomène de concentration qui résulte directement des développements technologiques. Les comptables doivent se repositionner et offrir de nouveaux services basés sur l’e-facturation et la banque en temps réel. L’automatisation ainsi qu’évidemment notre logiciel Exact et ses intégrations par API doivent rendre possibles ces évolutions. “

Jan Lamaire
Jan Lamaire© Exact

Reste qu’Exact n’est évidemment pas le seul fournisseur à constater cette transformation et à l’accompagner. ” Force est de reconnaître que le secteur des bureaux comptables est soumis à de nombreuses acquisitions et à une vague de consolidation, analyse Alex Dossche, directeur général de Sage Belgium. La réalité des petits bureaux est qu’ils font face à un passif social. Voici quelques années encore, l’introduction de la facturation électronique représentait encore la principale menace pour de tels bureaux. Les choses sont désormais acquises, mais c’est désormais l’automatisation qui leur pose problème. De très nombreux bureaux comptables doivent franchir le pas. Mais tous les collaborateurs d’un bureau comptable ne sont pas, et de loin, capables de passer d’un rôle purement exécutif à une fonction de conseiller. ”

Sur-site ou dans le cloud ?

Exact a procédé voici 2 ans environ une réorganisation de ses activités pour se préparer à ce nouveau changement de cap du secteur de la comptabilité. ” Autrefois, nous avions avec ‘business solutions’ et ‘cloud solutions’ 2 départements complètement différents avec chacun leurs propres produits : l’un faisait des logiciels sur-site et l’autre dans le cloud. Depuis l’an dernier, nous sommes passés à un seul design fonctionnel sans distinction entre les départements “, ajoute John Dillon, chief marketing officer.

Dans le même temps, Exact ne se positionne plus comme un groupe international, mais comme une entreprise Benelux active également à l’international. ” Nous ne jouons pas sur les mots, mais avons fait un choix clair de nous recentrer sur notre marché domestique “, explique encore Dillon. Exact commercialise ses logiciels aux bureaux comptables, mais aussi directement aux entrepreneurs. ” En tant que pays de PME par excellence, le marché belge est toujours important. Et notre ambition y est précise : continuer dans les 5 ans à grandir au même rythme qu’aujourd’hui “, ajoute Lamaire. Et cette croissance doit provenir du cloud. ” Par rapport à voici 5 ans, nous voyons clairement que les comptables ne sont plus opposés au cloud. L’adoption du cloud a certes été plus rapide aux Pays-Bas qu’en Belgique, mais l’écart a désormais disparu “, considère Lamaire.

Application cloud contre plate-forme cloud

Sage envisage le cloud sous un autre angle. ” Si nous demandons à nos clients pourquoi ils veulent mettre leurs solutions de comptabilité dans le cloud, la réponse est souvent la communication, précise Alex Dossche. Chaque bureau souhaite une bonne solution pour entrer rapidement et de manière sécurisée en contact avec ses clients. Mais faut-il pour cela absolument une application cloud ? Le logiciel de comptabilité doit-il forcément migrer dans le cloud ? Nous ne le pensons pas. “

Alex Dossche
Alex Dossche© Sage

Pourtant, Sage vient de lancer sa solution Cloud Demat. ” Certes, mais il ne s’agit pas d’une application cloud en tant que telle, mais plutôt une plate-forme cloud, ce qui est fondamentalement différent “, estime-t-on. Avec Cloud Demat, Sage propose une plate-forme collaborative destinée tant au comptable qu’à la PME et à l’entrepreneur. La plate-forme offre une vue holistique de l’ensemble des processus comptables et rationalise les tâches à l’entrée et à la sortie de la comptabilité. ” Mais cela ne signifie pas que le progiciel comptable doive tourner dans le cloud, certainement pas. Dans Cloud Demat, il est parfaitement possible d’utiliser le logiciel de comptabilité sur-site Sage BOB qui assure finalement la comptabilisation et le traitement. De nombreux clients privilégient encore la performance et la rapidité de cette solution par rapport à une approche totalement cloud “, estime Dossche.

Pour l’utilisateur final, rien ne change : il voit l’application Cloud Demat qui est d’ailleurs aussi commercialisée comme un produit blanc. C’est ainsi qu’un grand bureau comme Vandelanotte peut adapter la plate-forme et y apposer sa propre marque.

Ce qui doit distinguer Cloud Demat de la concurrence, c’est le nombre d’applications externes ‘best in class’ intégrées en standard dans la plate-forme sous la forme d’une sorte de centre d’applis. Il s’agit en l’occurrence de EMAsphere (tableaux de bord financiers et budgétisation au départ de la PME), Codabox (pour consulter notamment les extraits de compte, le lien avec les secrétariats sociaux, etc.), Silverfin (outil pour les bureaux comptables avec notamment rapportage sur les liquidités et la solvabilité), CompanyWeb (base de données financière sur laquelle collabore tous les comptables étant donné qu’elle permet de visualiser des documents officiels ou le comportement de paiement d’un client) et Intellifin (un acteur qui propose, au départ d’informations financières, des comparaisons avec d’autres entreprises et organisations de même taille et de même secteur – Sage utilise d’ailleurs elle-même la technologie de Clearfacts dans ce contexte).

La robotisation dans notre secteur est bel et bien une réalité et ce mouvement ne pourra plus être arrêté.

L’entrepreneur comme point de départ

Alors qu’Exact est un logiciel (cloud) relativement récent, Sage fait plutôt partie des valeurs établies aux côtés de Winbooks et Kluwer notamment. Beaucoup plus récent par contre est la start-up Yuki – même si l’on devrait sans doute plutôt parler de scale-up pour cette société fondée voici 3 ans et demi et qui compte 8.500 clients (entreprises) répartis sur 220 bureaux comptables. Ellen Sano est sa jeune directrice générale et faisait partie en début d’année du top 5 des candidates au titre de Young ICT Lady of the Year de Data News. Nous la rencontrons précisément dans le cadre de la conférence Exact Live Belgium. ” Certes, Exact est l’un de nos concurrents. Mais l’avantage est que nous pouvons ensemble faire bouger le marché. Nous essayons en partenariat de numériser les bureaux, sachant que beaucoup d’entre eux doivent encore se lancer sans savoir encore vraiment comment et où commencer “, explique Ellen Sano. Pourtant, l’approche de Yuki est légèrement différente. ” Nous essayons de faire la différence en mettant l’entrepreneur au centre et en le déchargeant totalement de l’aspect comptable. La plupart des autres progiciels ne le font pas, ce qui est regrettable car les bureaux comptables n’existent finalement que par la grâce des entrepreneurs “, précise encore Sano. De même, l’approche commerciale est différente. ” Nous vendons uniquement à des comptes et pas directement aux entrepreneurs. Nous sommes les seuls à avoir fait ce choix strict “, insiste encore la directrice générale de Yuki, de loin le progiciel le plus récent du marché.

” Notre principal atout, me demanderez-vous ? C’est ce qui a fait notre handicap au début, à savoir d’être partis de rien. Nous avons commencé par redéfinir les processus dans une optique d’automatisation poussée. Mais cela nous permet désormais de pouvoir réagir beaucoup plus rapidement “, estime toujours Ellen Sano. Mais cette automatisation – entendez une robotisation logicielle grâce à l’intelligence artificielle – ne va-t-elle pas finalement rendre superflu le bureau comptable ? ” Vous savez, les tâches seront évidemment bien différentes. Mais je suis convaincue que les bureaux qui auront franchi le pas de la numérisation seront plus rentables que par le passé. Pourquoi ? Parce qu’un entrepreneur n’est pas disposé à payer pour de la conformité, mais bien pour de bons conseils. Et c’est ce qui doit guider le comptable de demain “, conclut Sano.

Votre prochain comptable sera-t-il un robot ou un conseiller?
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De son côté, Alex Dossche du concurrent Sage n’est pas aussi convaincu. ” Yuki essaie de changer beaucoup de choses en même temps, y compris la manière de gérer une comptabilité. Mais c’est loin d’être évident. Je connais des bureaux qui ont une vingtaine de dossiers chez Yuki, mais qui n’acceptent désormais plus aucun nouveau dossier Yuki. L’impact sur la comptabilité proprement dite est important et les bureaux comptables éprouvent des difficultés à gérer l’ensemble. Car quoi qu’on en dise, en dépit de la révolution numérique, le logiciel de comptabilité reste en fait traditionnel. La loi est en effet la loi et une comptabilité en partie double est une obligation légale. ”

Skwarel à la conquête de la Flandre

Dans le domaine des logiciels comptables, les différences régionales sont grandes. Ainsi, Winbooks et Sage BOB sont moins bien représentés en Flandre, mais détiennent ensemble 70 % du marché francophone et luxembourgeois, soit 3.500 comptables. La start-up bruxelloise Skwarel propose une application Web permettant de numériser la communication entre les comptables et leurs clients, tout en étant compatible avec Winbooks et BOB. Du coup, Skwarel compte parmi ses clients une centaine de bureaux comptables, essentiellement francophones, ce qui lui permet de desservir quelque 500 comptables et plus de 3.000 entreprises. ” Mais depuis peu, notre solution est également compatible avec Expert/M et bientôt aussi avec Exact Online, ce qui nous permettra d’accéder à une partie du marché flamand “, précise Philippe Denis, fondateur et CEO. Avec le capital récolté, Skwarel entend enrichir les fonctionnalités de son logiciel, développer la compatibilité avec d’autres progiciels comptables et donc aussi poursuivre son expansion en Flandre. Le fait qu’un groupe comme Securex adhère à notre démarche prouve une nouvelle fois que les bureaux comptables et le secteur de la comptabilité sont clairement confrontés à un changement de cap important. ” Skwarel est une petite société flexible qui propose une solution qui est en avance sur ce qu’offrent les grands éditeurs de logiciels. Nous nous attendons à voir Skwarel conquérir une large part du marché des bureaux comptables “, conclut Reynald Jacobs, CEO adjoint du groupe Securex.

VGD lance sa propre plate-forme numérique TOCO

La transformation numérique du marché de la comptabilité peut également émaner du secteur lui-même. Ainsi, VGD – une structure d’auditeurs, comptables, consultants fiscaux, juristes et autres experts – vient de lancer sa propre plate-forme numérique sous le nom TOCO (Together Connected). ” Nous sommes restés durant 2 ans et demi sous le radar, mais sommes désormais prêts à conquérir le marché “, estime Philippe Kimpe, CIO. Permettre d’avoir une vue synoptique sur les performances détaillées d’une entreprise : voilà ce qu’offre TOCO. ” L’ensemble des infos en quelques clics de souris, un affichage soigné en diagrammes et tableaux de manière conviviale et intuitive “, résume Kimpe.

Des logiciels comme Exact, Silverfin ou Codabox sont intégrés via des API. Par ailleurs, TOCO gère l’ensemble des communications entre l’entreprise et le comptable, et propose notamment une ligne du temps connectée aux performances en temps réel de l’entreprise et qui permet entre autres de savoir quand il faut payer ses cotisations sociales. ” Nous constatons un intérêt dans le chef des acteurs fintech, mais aussi des Big four. Mais aussi de la part tant de grands que de plus petits bureaux comptables dans la mesure où nous avons l’expertise nécessaire “, dixit encore Kimpe qui travaille pour VGD depuis 5 ans environ. ” A l’époque, nous étions encore un bureau très classique, fondé à Termonde. Et nous utilisions alors toujours Lotus Notes notamment, confie encore Kimpe. Eh oui, on trouve encore beaucoup de comptables qui travaillent avec des boîtes de papier remplies de bons que les clients leur apportent. Les opportunités sont donc très importantes. ”

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