Goulets d’étranglement

Kristof van der stadt

Les informaticiens sont persuadés que la technologie résoudra tous les problèmes du monde. Mais la réalité est souvent bien décevante. Tel a d’ailleurs toujours été le cas, et la sagesse s’impose. ” There is an app for that “, était le slogan imaginé en 2009 lors du lancement de l’iPhone 3G d’Apple. Steve Jobs savait mieux que quiconque comment évoquer les nouveaux problèmes face aux consommateurs et aux entreprises, tout en abordant d’emblée dans l’autre main la solution toute faite. Un problème ? Voici une appli ou un service en ligne pour le résoudre. Telle était la croyance répandue en 2009, alors que 10 ans plus tard, les mêmes problèmes se posent toujours. Certes, certains services ou applis ont incontestablement changé notre vie. Mais en pratique, ils font souvent naître d’autres difficultés.

L’IT a une fâcheuse tendance à vouloir régler les problèmes en en créant involontairement de nouveaux.

Prenez Waze. Pour ceux qui vivent sur une autre planète, Waze est la plus importante appli de navigation et de trafic au monde basée sur une communauté, détenue depuis 2013 par Google. Si vous en croyez les chiffres de Waze, quelque 100 millions de conducteurs utilisent cette appli de navigation. ‘Outsmarting traffic, together’ est leur slogan. Mais alors que Waze doit nous faire éviter les files, l’appli crée désormais de nouveaux embouteillages sur les routes secondaires et aux carrefours de routes minuscules où personne ne passait jamais. Waze règle-t-il les problèmes de mobilité ? Pas vraiment, le goulet d’étranglement est déplacé, ou plutôt le goulet est scindé en de nombreux goulets.

Autre exemple : les systèmes de réservation en ligne. La promesse : fini les attentes aux caisses pour acheter un ticket pour une pièce de théâtre, un concert, un festival, etc. La réalité : nous devons désormais faire la queue en ligne, patienter dans des salles d’attente virtuelles pour finalement être contraints de participer à ce qu’il convient d’appeler une loterie. Le goulet est donc déplacé de l’off-line à l’on-line.

Encore un exemple ? Les applis bancaires cartonnent. La promesse : assurer un suivi de vos activités bancaires au bout des doigts. Mais que constate-t-on ? Que l’on contrôle en moyenne une fois par jour, voire davantage, le solde de ses comptes, ce qui surcharge l’infrastructure IT sous-jacente, les bases de données et les mainframes. Des plates-formes qui n’ont jamais été conçues pour cela et qui donnent du fil à retordre aux directions IT de nos banques. Demandez donc à Argenta comment de nouveaux goulets ont vu le jour… Et bien d’autres exemples pourraient être cités : streaming, e-commerce, réseaux, etc.

Bref, l’IT a une fâcheuse tendance à vouloir régler les problèmes en en créant involontairement de nouveaux. Non, la faute n’en incombe certainement pas toujours au département IT : il s’agit d’une question de gouvernance, de flux d’informations entre les différents acteurs de l’entreprise, de gestion au sens large ou encore d’aspects qui ne relèvent pas ou que peu de l’IT. Reste que pour le grand public, l’IT est pointée d’un doigt accusateur et a la réputation de mettre un emplâtre sur une jambe de bois, comme ce médecin qui vous soigne en vous prescrivant des médicaments ayant des effets secondaires pires que le mal. Si elle veut redorer son image, l’IT doit s’ériger en guide de la transformation numérique et pas seulement en exécutant. Ce n’est pas nouveau puisqu’en 2009 déjà, il était question d’alignement IT-business. Mais ce n’est pas une appli qui réglera la question.

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