Les pièges juridiques de l’externalisation

Un modèle de gouvernance parfaitement pensé est essentiel dans chaque externalisation. Une solide gouvernance doit être aussi juridiquement exhaustive et entièrement intégrable aux autres clauses contractuelles. A quoi faut-il faire attention?

Un modèle de gouvernance parfaitement pensé est essentiel dans chaque externalisation. Une solide gouvernance doit être aussi juridiquement exhaustive et entièrement intégrable aux autres clauses contractuelles. A quoi faut-il faire attention?

Un contrat d’externalisation se compose en général de deux jeux de documents: les conditions contractuelles et plusieurs annexes opérationnelles. La gouvernance est typiquement l’une de ces annexes, dans laquelle sont expliqués les organes de concertation, obligations de rapportage, points de contact, etc. Dans un processus complexe comme l’externalisation, des litiges surviennent immanquablement. Au moyen d’une procédure d’escalade, il est possible de créer un cadre permettant d’y faire face de manière rapide et efficiente et de maximaliser l’opportunité de trouver une solution. Les procédures d’escalade définissent les organes de concertation qui vont examiner un litige, avant que celui-ci ne soit porté devant un juge ou un arbitre. En général, la procédure spécifie le délai dans lequel chaque niveau doit atteindre une solution, et en son absence, il y a escalade du litige. Cette procédure empêche qu’un litige prenne aussitôt une dimension juridique et débouche sur un procès. Son intérêt juridique ne peut cependant pas être négligé. Rien n’empêche en effet les parties d’utiliser (les rapports écrits des) entretiens ou de la correspondance échangée dans un éventuel procès. D’où l’importance de chercher à disposer d’une assistance dès l’amorce d’un litige, afin qu’aucune déclaration (de culpabilité) ne soit consentie et, si besoin est, que la réserve d’usage soit faite. Ne croyez pas non plus toujours la partie adverse lorsqu’elle affirme qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à des juristes ou avocats. Il arrive en effet souvent que c’est précisément cette partie qui cherche à obtenir des conseils juridiques en vue de renforcer sa position.

Arbitrage de litige

L’arbitrage de litige comprend typiquement deux volets: une tentative de régler le litige à l’amiable et la procédure proprement dite devant un juge ou un arbitre. En général, l’on retrouve dans le contrat d’externalisation le règlement à l’amiable dans la procédure d’escalade. Il arrive toutefois encore trop souvent que les conditions contractuelles ne tiennent pas compte du modèle de gouvernance, ce qui provoque des conflits d’interprétation (p. ex. le contrat stipule que le litige sera débattu d’abord entre les chefs de projet, puis entre les CEO, alors que le modèle de gouvernance stipule, lui, qu’il faudra passer par tous les organes de concertation qui y sont mentionnés). Il faut éviter que quand un litige existe déjà entre des parties, il n’y en ait pas un second qui se manifeste à propos de la procédure à suivre pour solutionner le premier!

Un juge ou plutôt un arbitre? Lors de la conclusion du contrat, les parties peuvent choisir de faire arbitrer les litiges éventuels par un tribunal ou au moyen d’un arbitrage contraignant.

Dans le cas de l’arbitrage, les parties peuvent, grâce à la clause d’arbitrage ou au renvoi vers un règlement d’arbitrage (tel CEPINA ou ICC), disposer d’un certain degré de contrôle sur les arbitres. Il est possible de spécifier que chaque partie désignera un arbitre, ou la mention d’un arbitre peut être soumise à certaines conditions. Contrairement à ce qui se passe au tribunal, l’on peut donc choisir de désigner comme arbitre des personnes ayant par exemple des antécédents IT.

Une autre différence, c’est que les sentences arbitrales n’autorisent en général pas un appel. En outre, les procédures et sentences arbitrales sont souvent confidentielles, alors que celles des tribunaux sont en principe publiques. Ce genre de considération peut jouer, si d’importantes informations confidentielles sont échangées. Au niveau de la vitesse et du coût, l’arbitrage est en théorie le meilleur choix, même s’il est douteux que cela soit toujours vraiment le cas dans la pratique.

Autre considération: les contrats d’externalisation sont souvent rédigés en anglais. Si l’on présente le contrat en anglais à un tribunal belge, le risque existe que le contrat (ainsi que toutes ses annexes et sa correspondance ou rapports) doive être traduit dans la langue du pays. En cas d’arbitrage, la langue peut être librement déterminée.

En nearshoring ou offshoring, l’arbitrage est certainement à envisager eu égard à la force exécutoire internationale des décisions arbitrales. Ceci est réglé par un traité signé par plus de 140 pays, dont des pays d’externalisation typiques comme la Slovaquie, l’Inde et les Philippines, ce qui garantit que ces pays reconnaîtront et appliqueront les sentences arbitrales. La portée de règlements similaires pour des jugements émis par des tribunaux est par contre nettement plus limitée.

Kristof De Vulder

Kristof De Vulder est avocat-associé au département technology & sourcing du bureau d’avocats international DLA Piper LLP.

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