Les messages sur la mort d’Apple très prématurés

Guy Kindermans Rédacteur de Data News

Le congé de maladie de Steve Jobs – déjà le troisième cette décennie – va sans aucun doute une nouvelle fois semer la panique parmi les actionnaires d’Apple. Mais est-ce bien nécessaire?

Le congé de maladie de Steve Jobs – déjà le troisième cette décennie – va sans aucun doute une nouvelle fois semer la panique parmi les actionnaires d’Apple. Mais est-ce bien nécessaire?

Depuis que Jobs a repris sa fonction de CEO d’Apple (après le rachat de son entreprise NeXT, même si en réalité, c’est plutôt NeXT qui a repris Apple), l’entreprise de Cupertino a littéralement vécu une seconde naissance. Rares étaient ceux en effet qui donnaient à l’époque encore à Apple une réelle chance de survie, car outre la position de marché ultra-dominante de Wintel – qui semblait condamner à mort toute autre alternative -, la direction en avait fait un zoo géant. Avec l’iMac, le premier véritable ordinateur ‘tout-en-un’ à succès, suivi par de puissants portables, Jobs a d’abord remis le côté informatique de l’entreprise sur le bon rail. Ensuite, il prit la décision de faire tourner également les ordinateurs Apple sur des processeurs Intel, afin qu’ils puissent offrir le meilleur de tous les mondes, y compris de Windows et Linux.

Plus étonnant encore que ce sauvetage, il y eut le processus de transformation d’Apple de l’état d’entreprise informatique en celui de ‘digital lifestyle company’. En d’autres mots: non, Apple n’est plus une entreprise informatique… Cette transformation est d’ailleurs incarnée par l’introduction ultra-fructueuse de l’iPod, de l’iTunes (le magasin), de l’iPhone, de l’iPad et des boutiques d’applications connexes. Ce sont tous des produits ‘iconiques’ qui ont pris de vitesse la concurrence, entre autres grâce à leur facilité d’emploi et d’autres qualités encore.

Cette valeur ajoutée est dans une grande mesure le fait de l’attention parfois monacale consacrée par Steve Jobs aux moindres détails. Le fanatique du contrôle Steve Jobs peut dès lors assurément passer pour être l’ultime ‘quality assurance’-manager de cet univers.

Et si Jobs venait à disparaître? Mais sa disparition – il y a quand même des aspects inquiétants à ce congé, comme le fait de ne pas mentionner sa durée – marquerait-elle la fin d’Apple? Quelques réflexions rationnelles – même si c’est inhabituel en cette époque où l’irréalité règne sur la Bourse – amène à conclure par la négative.

Prenez Jobs en tant que source d’idées. L’iPod est en réalité un lecteur MP3, l’iPhone un smartphone, l’iPad une tablette. Tous trois étaient donc des types de produits existants et n’ont donc pas été ‘inventés’ par Steve Jobs. Qui plus est, toutes les idées de Jobs ne sont pas forcément des coups dans le mille. Pensez ici à l’Apple TV.

Ces produits ont pourtant été amenés par Jobs à un haut degré de perfection, pensez-vous alors. Par lui? Non, mais en premier lieu par une vaste équipe d’experts dans tous les domaines chez Apple! Ce sont eux qui réussissent à convertir les desiderata de Jobs dans la pratique. Ils créent des interfaces conviviales et des appareils de haute qualité. Même après l’éventuelle disparition de Jobs, ils continueront assurément à proposer leurs bons services à Apple. Bref, Apple, ce n’est pas uniquement Jobs, mais depuis longtemps aussi une équipe d’experts de haut vol.

Cette réflexion s’applique également à Tim Cook, le COO qui va diriger temporairement une fois encore l’entreprise. Durant le précédent congé, il s’est en tout cas distingué positivement auprès du personnel et des actionnaires, et il n’y a rien d’étrange à cela, puisqu’en tant que COO, il se charge du fonctionnement quotidien de l’entreprise.

Bref, c’est un travail d’équipe, qui n’éclatera pas après l’éventuelle disparition de Jobs. D’autant moins d’ailleurs que de nombreux analystes boursiers et experts industriels estiment qu’Apple a déjà élaboré un scénario de succession au cas où.

Rupture de monopole? Si le pire devrait quand même arriver, l’entreprise pourrait assurément compter sur la vache à lait appelée iTunes/AppStore. Au niveau de ces magasins, ce fut à coup sûr Steve Jobs qui a fait mettre à genoux les producteurs de leur contenu. Reste à savoir si Apple, après la disparition éventuelle de Jobs, serait encore capable d’engranger une grosse partie de ses rentrées de ce contenu, tout en y maintenant le même contrôle ultra-strict. Et c’est ici qu’Apple pourrait perdre pas mal de plumes, ne serait-ce aussi en raison de la concurrence toujours plus forte dans ce domaine, où les appareils basés Android gagnent sans cesse en popularité. Dans des publications comme le Wall Street Journal, c’est plutôt Android qui est cité comme le facteur qui pourrait provoquer la paranoïa chez Apple.

Du reste, si les actionnaires d’Apple sont aujourd’hui déjà fâchés sur Jobs, c’est assurément plus pour le montant particulièrement élevé de cash que possède l’entreprise, combiné au refus obstiné de distribuer un dividende. Aujourd’hui, Apple dispose de pas moins de 50 milliards de dollars en espèces, qui pourraient devenir 70 milliards de dollars à la fin de l’année, affirme encore le Wall Street Journal. Et de se référer à Microsoft, qui s’est trouvée dans la même position et a distribué en 2004 en tout 32 milliards de dollars de dividende.

Entre-temps, l’on ne peut qu’observer qu’avec autant de liquidités, ce n’est pas demain la veille qu’Apple abandonnera la partie. D’ailleurs, après les reculs attendus dans un premier temps sur les Bourses européennes et américaines, son action a finalement très correctement résisté. La Bourse aurait-elle elle aussi réfléchi de manière rationnelle?

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