Dries Buytaert

Le bitcoin effectuera un parcours très cahoteux, mais quoi de plus normal

Dries Buytaert Dries Buytaert est la force motrice de l'entreprise Drupal et le co-fondateur d'Acquia.

Moi aussi, j’ai acheté des bitcoins. Le scepticisme est certes de rigueur, mais les monnaies numériques sont l’avenir de l’argent traditionnel. Et plus on en débat, mieux c’est. …

Moi aussi, j’ai acheté des bitcoins. Le scepticisme est certes de rigueur, mais les monnaies numériques sont l’avenir de l’argent traditionnel. Et plus on en débat, mieux c’est.

Ces douze derniers mois, je suis devenu un suiveur obsessionnel du bitcoin. Cela a commencé après avoir lu le message initial de son inventeur, Satoshi Nakamoto. Une lecture fascinante s’il en est et une première prise de contact de ma part avec les crypto-monnaies. Ici à Boston, j’ai même mangé l’une ou l’autre fois avec Gavin Andresen, l’actuel chef de projet de bitcoin.

J’avais voulu acheter quelques bitcoins, lorsque la monnaie commença à m’intéresser, mais je ne l’ai finalement pas fait. Je le regrette à présent car sa valeur a grimpé de 13 dollars, il y a un an, à quelque 1.000 dollars à présent, ce qui représente une hausse de 4.000 pour cent. J’ai en fait acheté mes premiers bitcoins, il y a un mois, un peu à contrecoeur, mais avec l’idée que les gens avaient dû se montrer tout autant réservés, lorsque le premier papier-monnaie fit son apparition. J’ai acquis mes bitcoins, parce qu’il me semblait que la monnaie avait des chances de s’imposer un jour et que je voulais mieux comprendre le phénomène.

Le bitcoin est une monnaie purement numérique. L’on ne connaît rien sur l’identité de Satoshi et personne ne sait donc s’il a réellement inventé le bitcoin, une monnaie non couverte par l’or. Cela ressemble plutôt à une version numérique de l’or. Fascinant. Le coeur du système bitcoin est un ‘public log’ (journal public) mondial qui s’appelle ‘blockchain’. Cette banque de données tient à jour toutes les transactions passées entre les clients bitcoin. Un utilisateur envoie des bitcoins à un autre utilisateur en réalisant une transaction et en la faisant suivre au blockchain. Le blockchain n’est pas géré de manière centralisée, comme une banque centrale, mais par un réseau (distribué) d’ordinateurs, appelés ‘miners’. Tout un chacun peut être un miner. Les miners enregistrent et vérifient collectivement toutes les transactions.

Banques

Bitcoin offre pas mal d’avantages en comparaison avec les banques traditionnelles. Payer avec des bitcoins peut se faire chaque jour de la semaine, à chaque moment de la journée et partout au monde. Cela coûte nettement moins et cela prend beaucoup moins de temps qu’avec les banques. Il est question de cents au lieu de dollars et de minutes au lieu d’heures. Les bitcoins ne peuvent être falsifiés, ce qui est le cas du papier-monnaie. Et contrairement à l’or, son arrivage peut être parfaitement contrôlé. Les bitcoins sont aussi immunisés contre l’inflation: les autorités ne peuvent ici pas faire tourner la planche à billets pour amortir leurs dettes.

Le concept et l’architecture du bitcoin est à la fois une malédiction et une bénédiction. L’absence d’une autorité centrale pose question dans la mesure où les autorités aiment exercer un contrôle. Cela leur permet de combattre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et d’autres délits. Au fur et à mesure que le bitcoin gagnera en popularité, les autorités se montreront peut-être plus réticentes et tenteront d’y mettre fin.

Les banques n’apprécient pas davantage le bitcoin. Le transfert d’argent est une part importante de leur activité: il n’y à la quasiment pas de risque, le coût est quasiment nul, mais cela leur rapporte des milliards de dollars. Dans un monde où les bitcoins seront généralement acceptés, leur rôle pourrait décliner.

Le jury est indécis à propos de la question de savoir si le bitcoin est condamné à l’échec ou s’il donnera forme à l’avenir de la finance. D’aucuns prévoient que la valeur d’un seul bitcoin pourrait atteindre des centaines de milliers de dollars si la monnaie entre dans les moeurs. Je risque peut-être de perdre de l’argent, mais mon investissement peut tout aussi bien devenir une réussite. Pour moi, la pondération entre le risque à courir et ce que cela peut rapporter est un jeu qui en vaut la chandelle.

Sceptique

Cela ne signifie pas que je recommande d’acheter des bitcoins car je suis sceptique à propos de ses chances de succès. Je prévois que le bitcoin effectuera un parcours très cahoteux. S’il se plante, je serai déçu, mais je n’en perdrai pas la tête. J’ai déjà vendu pas mal de mes bitcoins et ai donc regagné mon investissement. Les bitcoins encore en ma possession, je les garde pour plus tard.

Le bitcoin est-il un cas de cupidité spéculative ou une idéologie cyber-libertaire utopique? Pourquoi les monnaies ne deviendraient-elles pas numériques dans un monde où la tendance à la numérisation s’accroît sans cesse? Avec les bitcoins, il est possible de stocker et de transporter de la valeur de manière plus rapide, plus économique et plus facile. Le système a été conçu pour résoudre les problèmes que connaissent les monnaies traditionnelles. Le bitcoin a au moins le mérite d’ouvrir le débat dans le monde entier et de secouer un marché bancaire en stagnation.

A long terme, je trouve très sensé le concept d’une crypto-monnaie. Le monde ne pourra que profiter du fait que l’on puisse transférer de l’argent plus aisément, plus rapidement et à moindre coût. J’ai peine à croire que l’on extraira encore et toujours de l’or d’ici cent ans et qu’il ne sera pas remplacé par une monnaie numérique globale.

A tous ceux qui pensent que la monnaie numérique est l’avenir de l’argent traditionnel, j’ai une question à poser: comment lancer une crypto-monnaie mondiale telle le bitcoin? Elle ne peut en effet pas être la propriété d’une organisation commerciale, et je ne peux pas m’imaginer non plus que tous les pays vont collaborer pour la développer et l’introduire. La désunion créative émane souvent de l’extérieur, pas de l’intérieur. Cela doit venir du bas, pas tellement différemment de la manière dont l’internet a été conçu. Or, aujourd’hui, 30 ans plus tard, l’internet fonctionne encore et toujours sans instance centrale et se compose de réseaux bénévoles indépendants. Il fonctionne bien et a changé le monde.

Cette opinion est parue le 4 décembre dans le journal De Tijd

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