Luc Blyaert

La mémoire sélective de Google

Luc Blyaert était rédacteur en chef de Data News

‘Dans ma jeunesse, j’ai dû apprendre par coeur des dizaines de poèmes de ce bon vieux Virgile. Un excellent exercice de mémorisation, affirmait-on au collège. En vieillissant, ma mémoire semble cependant devenir plus sélective, une jolie expression pour indiquer que j’oublie beaucoup plus qu’avant. Parfois, ce n’est pas une mauvaise chose en soi et, qui sait, l’on rejette ainsi de façon préméditée certaines choses délicates de son esprit. Pour mieux s’en rappeler au moment voulu, pense-t-on. Avec l’aide d’un moteur de recherche comme Google. Tel n’est pourtant pas toujours le cas car j’ai le sentiment de trouver toujours moins d’informations pertinentes sur cette plate-forme publicitaire. Pourtant, le premier jour où Google a mis en ligne son ‘formulaire d’oubli’, pas moins de 12.000 Européens ont introduit une demande en vue de supprimer un lien. A coup sûr le genre de lien désobligeant, renvoyant à un site d’actualité ou autre, où l’on n’apparaît pas à son avantage. Sans doute à cause d’un fait que l’on préfère passer sous silence.

‘Dans ma jeunesse, j’ai dû apprendre par coeur des dizaines de poèmes de ce bon vieux Virgile. Un excellent exercice de mémorisation, affirmait-on au collège. En vieillissant, ma mémoire semble cependant devenir plus sélective, une jolie expression pour indiquer que j’oublie beaucoup plus qu’avant. Parfois, ce n’est pas une mauvaise chose en soi et, qui sait, l’on rejette ainsi de façon préméditée certaines choses délicates de son esprit. Pour mieux s’en rappeler au moment voulu, pense-t-on. Avec l’aide d’un moteur de recherche comme Google. Tel n’est pourtant pas toujours le cas car j’ai le sentiment de trouver toujours moins d’informations pertinentes sur cette plate-forme publicitaire. Pourtant, le premier jour où Google a mis en ligne son ‘formulaire d’oubli’, pas moins de 12.000 Européens ont introduit une demande en vue de supprimer un lien. A coup sûr le genre de lien désobligeant, renvoyant à un site d’actualité ou autre, où l’on n’apparaît pas à son avantage. Sans doute à cause d’un fait que l’on préfère passer sous silence.

Au sein du Conseil de déontologie journalistique, nous avions, il y a quelques années, débattu plusieurs fois du ‘droit à l’oubli’. C’est ainsi qu’une femme avait déposé plainte suite à un article paru dans un journal à propos des succès de l’avocat Jef Vermassen. Cette femme avait été, il y a 25 ans, acquittée dans une affaire de meurtre. Elle n’acceptait pas que cette dernière soit ravivée, ce qui pouvait lui causer du tort dans son nouvel environnement. Dans ce cas, le Conseil jugea que le droit à l’oubli pouvait effectivement s’appliquer. En général, le Conseil estime que ‘l’intérêt social d’archives aussi complètes que possible (…) et le droit à l’information pèsent en principe plus lourd que l’intérêt que des personnes peuvent avoir à faire supprimer, rendre inaccessibles ou compléter des articles, images ou émissions archivés’. La plainte de Freddy Horion fut ainsi rejetée. Cet homme qui, dans les années ’70, avait assassiné une famille à Sint-Amandsberg, réclamait aussi le droit à l’oubli ‘comme tous les autres condamnés’. Je peux m’imaginer que Horion, ou son avocat, a désormais introduit une demande en ce sens auprès de Google.

Nous-mêmes, chez Data News, nous avons aussi connu le cas où le nom d’un ex-directeur de Belgacom apparaissait toujours dans un lien sur Google renvoyant à un article sur notre site web relatif à une atteinte à des brevets et à de la contrefaçon. Il nous avait demandé si nous pouvions supprimer ce lien. Je suppose que Google a maintenant aussi reçu une requête dans ce sens. Et voilà comment la mémoire de Google va également devenir toujours plus sélective. Et que les informations que l’on y trouvera, contiendront sans doute toujours plus d’aspects purement positifs et deviendront donc toujours moins pertinentes. Google devra faire appel à pas mal de personnel et de moyens pour traiter les dizaines de milliers de demandes qu’elle va à coup sûr recevoir, et pour motiver sa décision de maintien ou de suppression du lien concerné. Il s’agira là d’un long périple, à l’image de celui d’Enée qui dût vaincre d’étranges obstacles sur sa route.

Provisoirement, l’arrêt de la Cour européenne de Justice n’impactera pas les sites web d’actualité, mais l’avocat de Sirius, Bart Van Besien, indique dans ‘De Journalist’ qu’il accroîtra assurément le nombre de demandes de suppression de liens. Data News souhaite en tout cas demeurer un port résistant à la tempête

(cf.l’opinion du président de la Commission vie privée, Willem Debeuckelaere, en Data News).

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