Frank Maene

“L’écosystème belge des startups se porte bien”

Frank Maene Managing partner de Volta Ventures et capital-risqueur.

Ces dernières semaines, l’on a appris pas mal de choses positives à propos de starters ayant recueilli de l’argent frais. Que se passe-t-il?

Ces dernières semaines, l’on a appris pas mal de choses positives à propos de starters ayant recueilli de l’argent frais. C’est SparkCentral qui s’est distinguée le plus avec une phase de capitalisation de 12 millions de dollars en provenance des Etats-Unis, mais Showpad a aussi fait parler d’elle en récoltant de nouveau 8 millions de dollars. Plus près de chez nous, Beatswitch et Sentiance notamment ont pu compter sur des investisseurs exterieurs, dont Volta Ventures.

Que se passe-t-il? Est-ce là une animation aussi soudaine que brève ou est-il question d’une évolution structurelle vers davantage et de meilleures startups? Et pourquoi?

Pour quiconque en douterait encore, la Silicon Valley n’a pas le monopole des entrepreneurs de qualité proposant d’intéressants projets. Toujours plus souvent, nos jeunes Belges se retroussent les manches et osent faire le grand saut. Ils y arrivent tant chez nous qu’au Etats-Unis. Du reste, les développeurs belges sont au moins aussi valables que ceux de la Valley. En outre, ils sont plus fidèles et ne s’attendent pas à des salaires aussi mirobolants que leurs collègues américains. La seule chose qui nous manque encore ici, ce sont des spécialistes en marketing de produits.

Démarrer une entreprise est aussi devenu plus abordable. Avant, il fallait encore investir des centaines de milliers d’euros dans des serveurs, de la bande passante, du software et des outils de développement. Aujourd’hui, l’on peut louer pour quelques dizaines d’euros par mois de la capacité de serveur, de stockage et de réseau chez Amazon ou chez Google, et le software (tel LAMP) peut être souvent utilisé gratuitement sous la forme d’une licence open source.

Il en résulte que les startups technologiques sont qualifiées en jargon de hot property. Les nerds disposent même de leurs propres programmes TV: pensons à Silicon Valley et The Big Bang Theory. Les starters à succès sont devenus de véritables vedettes. Steve Jobs (plusieurs films), Mark Zuckerberg (The Social Network) et Larry Page sont mêmes devenus des personnages bien connus en dehors du petit monde de la technologie. Et ils font des émules.

Aujourd’hui, il y a en effet en Belgique aussi des exemples d’entrepreneurs à succès qui font la une.

Tel est le cas de Michel Akkermans par exemple, qui n’est plus un inconnu dans nos contrées après avoir conclu des accords fructueux avec FICS, Data4S et Clear2Pay. Et de Jurgen Ingels, aussi ex-Clear2Pay, qui a entre-temps mis en oeuvre son propre fonds (SmartFin Capital pour des expansions en ‘fintech’). Et il y en a bien d’autres encore.

Comme nous l’avions déjà annoncé, Davy Kestens de SparkCentral a recueilli, il y a deux semaines, 12 millions de dollars aux Etats-Unis. Il n’y a pas si longtemps, Showpad a réussi à récolter 8 millions de dollars de la part du londonien Dawn Capital et du belge Hummingbird Ventures. Et notre compatriote Jeremy Le Van habitant à New York a cette semaine encore vendu sa startup Sunrise à Microsoft pour 100 millions de dollars.

Contrairement à ce qui se dit souvent, il y a en Belgique plus que suffisamment de capital pour les starters

A côté de ces exemples frappants, il existe également nombre d’ex-collaborateurs d’entreprises à succès, qui déploient leurs ailes. Selon Bart Becks, Netlog a à elle-seule déjà donné naissance à 12 startups, dont la susmentionnée Showpad, mais aussi Engagor.

A partir de l’écurie cloud de Kristof Despiegeleer située à Lochristi, une dizaine d’entreprises ont entre-temps déjà vu le jour, dont Qlayer, Amplidata et Awingu, et l’on peut attendre le même nombre autour de Clear2Pay. Des développeurs d’applis tels Common et In The Pocket créent des spin-offs, et des intégrateurs assez importants comme Cronos offre un hébergement sûr à d’intéressants starters.

Contrairement à ce qui se dit souvent, il y a en Belgique plus que suffisamment de capital pour les starters, et plus précisément pour les bons starters offrant du potentiel.

Mais il est évident que seule une petite minorité d’entre eux parvient à récolter de l’argent. Il n’en va pas autrement aux Etats-Unis. Chaque entreprise ne peut ainsi pas compter en ses rangs une équipe motivée et compétente, capable de s’attirer une clientèle. Chaque startup ne s’adresse pas à un grand marché international et ne peut combiner un modèle commercial bien pensé à un avantage concurrentiel unique.

La plupart des starters se tournent bien vite vers des capital-risqueurs tels Capricorn, GIMV, Hummingbird Ventures, Qbic et Volta Ventures, ou vers toute une série de business angels, mais ces sources sont en fait réservées à quelques heureux élus qui sont déjà sortis de leur phase initiale de l’idée.

En complément ou en préliminaire à l’argent des capital-risqueurs, pas mal d’autres sources financières sont aussi envisageables. Il existe ainsi des incubateurs/accélérateurs qui proposent aux starters de l’espace de bureau (bon marché ou gratuit), un capital d’amorçage de 10.000 à 50.000 euros et un réseau de mentors. Le plus connu est le gantois iMinds qui existe depuis dix ans, mais aujourd’hui, l’on peut aussi se tourner vers Telenet Idealabs à Anvers, Nest’up à Mont-Saint-Guibert, Corda Campus à Hasselt et Betacoworking et co.station (ressuscité) à Bruxelles.

Des initiatives locales de financement participatif (crowdfunding) comme Bolero, CroFun et MyMicroInvest peuvent également fournir d’une autre manière des fonds aux starters intéressés, alors qu’aujourd’hui, quasiment toutes les universités ont mis en oeuvre des programmes destinés à soutenir et à stimuler leurs étudiants. Pensons à Ghentrepreneur à l’UGent et à SINC (Student 4 Innovation & Co-operation) à Anvers. Chaque présentation faite aux étudiants se traduit du reste aussitôt en l’élaboration de quelque plans business.

Même les pouvoirs publics se distinguent. En Flandre, il y a par exemple la ParticipatieMaatschappijVlaanderen (PMV), qui opère tant indirectement via les fonds de capital-risque ARKimedes qu’indirectement via des programmes tels Sofi, les prêts et systèmes de garantie WinWin. N’oublions pas non plus les subsides par le biais de l’IWT, et le support de l’Agentschap Ondernemen, Bryo, etc.

Et ce n’est pas tout. L’on peut aujourd’hui aussi compter sur un écosystème de fournisseurs de services qui se sont incrustés dans le petit monde des startups technologiques. Il existe encore des bureaux d’avocats et d’IP qui se spécialisent dans les startups technologiques (comme Cresco et IPHills), et même Deloitte a créé un centre d’innovations. De son côté, Belcham tente de lancer un pont entre la Belgique et l’Amérique, alors que Startups.be promotionne nos starters à l’étranger et essaie de les orienter au mieux dans ce milieu.

Tout cela fait en sorte qu’il existe aujourd’hui une masse suffisamment critique dans notre pays, et assez d’énergie aussi, pour que l’on puisse parler d’un bel écosystème. Le moment est donc particulièrement bien choisi pour démarrer une petite entreprise. Qu’attendez-vous?

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