Jusqu’où ira la dérive, ce dimanche, avec le nouveau système à voter électronique?

Le nouveau système à voter électronique que certains électeurs vont utiliser ce dimanche lors des élections communales, n’affiche aucun respect pour l’électeur.+

Le nouveau système à voter électronique que certains électeurs vont utiliser ce dimanche lors des élections communales, n’affiche aucun respect pour l’électeur. Il s’agit là de l’émanation typique d’une pensée organisationnelle issue d’une décision de compromis prise en comité restreint. Il en résultera une forme d’aliénation démocratique. Ces propos peuvent paraître incroyablement sinistre, mais je crains que ce soit la vérité.

Les nouveaux ordinateurs à voter dégagent un look branché. Cette semaine, j’ai pu en tester un, car dimanche je remplirai (avec beaucoup d’envie) mon rôle démocratique de président d’un bureau de vote.

Mais il y a un problème que nous ne pouvons sous-estimer. La procédure de vote s’est singulièrement compliquée par rapport à celle de l’ancien système. A l’époque, il suffisait de pointer les candidats avec un stylet, puis de se diriger avec la carte magnétique vers l’urne électronique, dans laquelle on déposait la carte. En fait, c’était très comparable au vote avec le crayon et le papier.

Avec le nouveau système, il s’agit aussi d’introduire une carte (à puce) dans l’ordinateur à voter, puis de toucher avec le doigt l’écran tactile (qui fonctionne correctement). Après confirmation de votre choix, une bandelette de papier portant un code et votre choix est imprimée. C’est ce papier et la carte à puce que vous emporterez vers l’urne. Le code sur la bandelette sera alors scanné, et l’assesseur déposera le papier dans l’urne. Quant à la carte, elle, retournera sur la table et sera préparée pour un autre électeur.

Lors de la procédure, l’électeur se voit priver de quelques actions très importantes:

• l’électeur ne dépose pas lui-même son vote dans l’urne (le symbole international du scrutin)

• le scannage du code est une étape supplémentaire qui génère une confusion (ai-je bien voté ou non?)

• l’incertitude sur le secret du scrutin: le choix secret personnel se trouve sur le petit papier (il est certes très malaisé de le lire, surtout s’il est correctement plié, conformément aux instructions, mais et seulement si…) et lors du scannage, un signal apparaît à l’écran de l’ordinateur du président pour signaler que le vote est bien enregistré. L’électeur ne voit pas ce que le président voit. Le président ne voit pas le vote exprimé (le secret est garanti), mais l’électeur ne le sait pas.

Je ne connais absolument pas la raison de cette étape supplémentaire du scannage dans la procédure. Quelles sont en effet les tâches principales dans un bureau de vote?

• l’exécution rapide et sans ambiguïté de l’opération de vote

• le secret du vote et l’assurance que ce secret soit bien gardé

• et tertio: si je me suis trompé, je peux encore apporter une correction.

Avec ce nouveau système, aucun de ces trois points n’est respecté du point de vue du client… euh de l’électeur. C’est devenu un cas par trop flagrant d’un manque de convivialité. Lisez les 12 étapes ou regardez la vidéo. Et dire que le système a été développé en collaboration avec quasiment toutes les universités belges. Cela devrait donc être le système idéal. A moins qu’il ne soit le résultat d’un ramassis de compromis, un piètre exemple de ‘project management by committee’.

Je me suis rendu compte que ce système est certainement parfait du point de vue des autorités. Le secret du vote est garanti, et la procédure est une assurance que les opérations de vote se dérouleront réglementairement. Le Conseil de l’Europe sera satisfait. Il ne faudra pas faire appel à des observateurs ou à des Casques Bleus de l’ONU.

Mes expériences avec les bureaux de vote m’ont appris que nombre de personnes – jusqu’à un électeur sur trois – avaient besoin d’assistance lors du précédent scrutin électronique. Les présidents de bureau et les assesseurs chevronnés savent aussi qu’il y a un groupe de plus en plus important de personnes qui ressentent une aversion pour le vote électronique. Et il ne s’agit du reste pas uniquement de personnes âgées, mais aussi de gens qui ont des doutes, voire de fortes suspicions à l’égard du secret du vote.

C’est inquiétant. Il faut savoir que le nombre de votes blancs croît et que toujours moins d’électeurs se présentent malgré l’obligation de voter. Cela est assurément dû davantage au climat politique qu’à la procédure de vote, mais cela constitue une raison supplémentaire pour que les opérations de vote se déroulent aussi simplement et hermétiquement que possible, afin que cela ne serve à tout le moins pas d’excuse pour ne pas venir voter. Il y a en effet une menace d’accroissement du déficit démocratique, comme le qualifient les politicologues. Il y a la menace qu’un groupe de personnes soient exclues de ce droit démocratique, et avant tout des gens qui ne sont pas ou guère familiers avec les ordinateurs. L’on prend nettement trop peu en compte le fait que les ordinateurs imposent une logique absolue qui peut être très éloignée du bon sens de tous les jours ou des simples actes quotidiens.

Dans ce cas, la procédure risque d’être nettement trop divergente de l’utilisation du bulletin de vote, du crayon et de l’urne.

Les ordinateurs doivent être orientés travaux. Ils doivent reconnaître les tâches principales et les exécuter de manière efficiente. A mon sens, ces ordinateurs à voter enfreignent toute règle de convivialité et de satisfaction du client.

Nous verrons bien dimanche. Comme je l’ai déjà écrit, ce n’est pas l’envie qui me manque, parce que les élections sont le point d’orgue du processus démocratique. Mais je ne suis pas tout à fait tranquille. Par la suite, je nuancerai volontiers mes dires ou je reconnaîtrai mes torts.

(Du reste, la procédure à suivre par le président d’un bureau de vote est aussi passablement compliquée, tant au niveau du démarrage des systèmes qu’à celui de la tenue à jour des données et de la clôture des opérations de vote. Les bureaux de vote s’ouvrent à 8 heures. Le président devra se trouver sur place dimanche à 6H30′, soit une demi-heure plus tôt qu’avec le système précédent. Tout se fait plus vite grâce aux ordinateurs, mon oeil!)

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