Un robot pour renforcer vos RH ?

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Pieterjan Van Leemputten

En attendant que les machines rendent tout travail humain superflu, il appartient encore au département des RH de supporter les collaborateurs de l’entreprise. Mais que penser des ressources robots en remplacement des ressources humaines ?

Lentement mais sûrement : tel est le constat posé par plusieurs responsables RH et observateurs du marché. ” Les organisations rêvent évidemment monts et merveilles, mais la plupart se limitent à des optimisations intelligentes susceptibles de transformer les travailleurs de la connaissance, estime Marc Teerlink, global VP pour Leonardo, AI et New Markets chez SAP. La législation en matière de RH évolue et devient très complexe, ce qui suscite toujours plus d’interrogations. En l’occurrence, un chatbot pour offrir un support complémentaire, car il n’y a rien de plus frustrant qu’en cas de problème dans le calcul de son salaire, il faille attendre 2 semaines pour avoir une réponse du helpdesk RH. ”

Le nombre d’heures passées à l’e-mail se situe pour une majorité des entreprises que nous rencontrons entre 8 et 10 heures. Soit une journée complète de travail. ” – Evert D’Hondt van Synergics.

Les agents conversationnels et assistants intelligents pour supporter le département du personnel arrivent. C’est ainsi que SD worx planche sur un assistant numérique capable d’aider les collaborateurs (voir encadré). Mais la grande révolution n’est pas encore en vue. ” La Belgique est relativement conservatrice, même si dans le reste de l’Europe et ailleurs dans le monde, les RH sont souvent les moins numérisées ou les dernières à s’y intéresser. En cause, le fait qu’il s’agit davantage de soft skills, explique Alain Goossens, responsable de l’IA chez SSI Belgium. ” Les chatbots ne sont utilisés que pour des tâches répétitives et les aspects transactionnels des RH, ajoute Kathleen Pierco, responsable RH au sein de la même entreprise. Notamment pour les demandes de congé restant. ” Pierco estime que ces chatbot peuvent surtout être affectés au support en première ligne. ” Les nouveaux employés s’adressent souvent au département RH. Or un agent conversationnel peut prendre en charge une bonne part de ce travail, lequel représente souvent un coût important dans les grandes entreprises. ”

De même, dans le recrutement des candidats, l’intelligence artificielle peut être mise à profit. Teerlink : ” Autrefois, la recherche des meilleurs profils était confiée à une agence de recrutement. Demain, une large part sera confiée à l’IA, certes sous le contrôle d’un employé. Inversement, l’IA pourra aider les personnes en recherche d’emploi à établir leur profil. Un troisième domaine où le chatbot pourra être utile est les FAQ sur un poste vacant, par exemple quels sont les horaires ou dans quelle mesure le télétravail est autorisé. ”

L’évolution pourrait aller plus loin encore lorsque le ‘robot’ traitera une candidature d’emploi. ” En principe, l’IA peut révéler la personnalité du candidat durant la phase de pré-sélection. Des algorithmes peuvent déterminer si la personne est ouverte ou renfermée, de même qu’active ou attentiste sur base du langage utilisé dans la correspondance ou lors de la conversation avec le chatbot “, précise encore Teerlink. Qui nuance immédiatement son propos : ” Le ressenti de l’humain reste évidemment important pour déterminer si le candidat s’inscrit dans la culture de l’entreprise. Il se peut en effet très bien qu’une personne soit sélectionnée par le chatbot, mais que celle-ci ne corresponde pas à l’organisation. ” Dès lors, les RH devront toujours trouver le bon équilibre. ” L’objectivité pure est importante, mais si les faits sont en contradiction avec votre impression, un dialogue doit s’établir avec le candidat pour déterminer ce qui est important ou non. ”

Mesurer pour savoir

Sur le terrain, les statistiques peuvent démontrer leur utilité. C’est ainsi qu’avec MyAnalytics, une fonction intégrée (dans certaines licences en standard) dans Office 365, il est possible de savoir combien de temps un collaborateur passe sur sa messagerie, dans des réunions et combien de temps il travaille en dehors des heures de bureau. L’outil n’est pas conçu pour générer des rapports à l’intention des managers, mais pour permettre aux collaborateurs eux-mêmes de connaître leur situation et éventuellement de la changer. ” Le nombre d’heures passées à l’e-mail se situe pour une majorité des entreprises que nous rencontrons entre 8 et 10 heures. Soit une journée complète de travail “, explique Evert D’Hondt, productivity evangelist chez Synergics, qui soutient les entreprises dans leur transformation numérique. ” MyAnalytics cartographie des tendances de manière proactive et fait des suggestions. Il ne faut pas espérer passer de 10 à 4 heures, mais 1 h de moins fait toute une différence sur base annuelle. En fait, l’outil se présente plutôt comme un miroir qui reflète le nombre d’heures de travail et le temps consacré aux différentes tâches. Nous avons ainsi rencontré des personnes qui passaient jusqu’à 20 h par semaine en réunion. Un tel outil permet donc de montrer que les tâches peuvent peut-être se répartir autrement ou qu’il n’est pas forcément nécessaire que 2 personnes d’une même équipe assistent à telle réunion. ”

Les responsables RH ou les supérieurs directs ne peuvent pas visualiser ces chiffres, mais les collaborateurs peuvent partager leur tableau de bord. A terme, l’IA permettra de dégager des tendances générales sur base de données anonymisées. Reste que MyAnalytics se limite à Office 365. ” Les réunions et le courriel sont analysés, mais pas par exemple les recherches en ligne pour un dossier ou l’utilisation d’outils collaboratifs comme Yammer ou Slack. Cela dit, il est intéressant pour les collaborateurs de cartographier ainsi leur productivité “, conclut D’Hondt.

Un assistant RH pour chaque collaborateur

Aujourd’hui, les processus RH sont encore largement traités sur papier. En effet, on trouve pas mal de petites tâches à exécuter, comme régler un jour de congé. SD Worx entend automatiser une partie de ces tâches à l’aide d’un assistant numérique.

Précisons d’emblée qu’il s’agit là d’un produit de type ‘minimum viable’ qui se trouve actuellement en phase pilote en Belgique et en seconde phase en Grande-Bretagne. Le principe du SD Worx Digital Assistant (son nom actuel) consiste à automatiser un maximum d’opérations. ” Aujourd’hui, beaucoup de choses se font encore sur papier pour être ensuite intégrées au processus de salaire. C’est à ce niveau que nous intervenons “, explique Kim Van Loo, responsable du leadership digital et de l’innovation chez SD Worx. Nous partons de situations concrètes de la vie et du travail de l’employé pour regarder de manière proactive comment simplifier les choses. ”

L’un des processus évident est le congé de maladie où les collègues sont également informés et un ‘absence du bureau’ est activé. Il en va de même pour un jour de travail à domicile où il est possible d’annuler certaines réunions ou de mettre en place une conversation par Skype.

La démo qui nous a été présentée utilise une appli, mais il ne s’agit là que d’un aspect du produit. ” Nous voulons être là où se trouve l’employé, mais les fonctions peuvent parfaitement être proposées sur notre plate-forme sous la forme d’un chatbot. L’objectif est de générer de la valeur avec une meilleure expérience utilisateur, tout en numérisant des tâches aujourd’hui sur papier, poursuit Van Loo. Il existe beaucoup d’événements, mais nous ne les traitons pas encore tous de bout en bout. Il n’est pas question d’enregistrer une tâche, mais de gérer le travail des collaborateurs, comme indiquer un congé de maladie ou un jour de travail au départ d’un autre site ou de la maison. ”

Sur le plan technique, le produit est développé en interne, mais dialogue avec des plates-formes internes et externes. ” Le cas échéant, nous exploitons des plate-formes existantes. Il s’agit en fait d’une couche d’orchestration et de communication au-dessus d’autres services. ” Ainsi, certaines fonctions se greffent sur le progiciel RH proposé par SD Worx elle-même. ” La logique métier et les API sont identiques, mais la couche supérieure est constituée d’un assistant personnel doté de NLP, ce qui permet de dire ‘je suis malade’, après quoi l’assistant interprète le message et comprend de tel type d’absence il s’agit et le certificat médical qu’il faut remettre. ”

SD Worx insiste sur le fait que pour l’instant, la réflexion tourne autour des fonctions potentiellement intéressantes, lesquelles ne se limitent pas seulement aux données RH. C’est ainsi que l’entreprise envisage une fonction qui définit un trajet à parcourir, peut acheter les billets de train ou d’avion et directement les déclarer comme notes de frais. ” L’objectif est certes que nous puissions interagir avec d’autres parties, comme les solutions de traitement de notes de frais. ”

L’outil s’adresse par priorité aux travailleurs de la connaissance qui disposent déjà d’une certaine liberté dans leurs horaires de travail. Mais SD Worx n’exclut pas s’ouvrir à terme son produit à d’autres types de collaborateurs, comme les travailleurs en équipe. Pour l’instant, une intégration avec Outlook est prévue, mais Gmail est aussi à l’agenda.

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